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Partout où s'abaisse ta vue,

Un soleil levant te salue:

Les cieux sont un hynine sans fin!

Et des temps que tu fais éclore,

Chaque heure, ô Dieu, n'est qu'ane aurore,
Et l'éternité qu'un matin!

Improvisation devant le peuple dans les journées du drapeau rouge.

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Le soleil d'hier vous a vus généreux et modérés, magnanimes dans la victoire, et que verrait le soleil d'aujourd'hui, citoyens? Il verrait un autre peuple, un autre peuple d'autant plus furieux qu'il a moins d'ennemis à combattre, se défier des mêmes hommes qu'il a élevés hier au-dessus de lui; les contraindre dans leur liberté, les avilir dans leur dignité, les méconnaître dans leur autorité, qui n'est que la vôtre; substituer une révolution de vengeances et de supplices à une révolution sans crimes; commander à son gouvernement d'arborer, en signe de concorde, l'étendard de combat à mort entre les citoyens d'une même patrie: le drapeau rouge? j'aimerais mieux le drapeau noir, ce drapeau qu'on fait flotter quelquefois dans une ville assiégée, comme un linceul, pour désigner à la bombe les édifices neutres consacrés à l'humanité et dont le boulet et la bombe même des ennemis doivent s'écarter.

Voulez-vous donc que le drapeau de votre pays soit plus menaçant et plus sinistre que celui d'une ville bombardée ?...

Citoyens! Vous pouvez faire violence au gouvernement, vous pouvez lui commander de changer le drapeau de la nation et le nom de la France. Si vous êtes assez mal inspirés et assez obstinés dans votre erreur pour lui imposer une république de parti et un pavillon de terreur, le gouvernement, je le sais, est aussi décidé que moi-même à mourir plutôt que de se déshonorer en vous obéissant. Quant à moi, jamais ma main ne signera ce décret! je repousserai jusqu'à la mort ce drapeau de sang, et vous devriez le répudier plus que moi! car le drapeau rouge que vous nous rapportez n'a jamais fait que le tour du Champ de Mars, traîné dans le sang du peuple, en 91, en 93, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie !

(Étonnement, murmures des uns, applaudissements des autres, coups de fusil éclatant dans les cours, sifflements de balles autour de la tête de l'orateur.)

Peuple! je vous ai parlé en citoyen jusqu'ici; ch bien! laissez-moi, puisque vous aimez la patrie, vous parler en homme d'État et en patrioté à présent! (Mouvement d'attention et silence.) Vous m'enlevez le drapeau tricolore; sachez-le bien, vous m'enlevez la moitié de la force extérieure de la France! car l'Europe ne connaît que le drapeau de ses défaites et de nos victoires c'est le drapeau de la République et de l'Empire. En voyant le drapeau rouge, elle ne croira voir

que le drapeau d'un parti! C'est le drapeau de la France, c'est le drapeau de nos armées victorieuses, c'est le drapeau de nos triomphes qu'il faut relever devant l'Europe. La France et le drapeau tricolore, c'est une même pensée, un même prestige, une même terreur au besoin, contre les ennemis de la patrie! Abattez ce drapeau rouge, ou répudiez la gloire et la force de la

France!

(On applaudit et on menace tour à tour l'orateur de la pointe des sabres et des piques.)

Vous ne me ferez pas reculer, vous ne me ferez pas taire tant que j'aurai un souffle de vie sur les lèvres. J'aime l'ordre, j'y dévoue, comme vous voyez, ma vie; j'exècre l'anarchie, parce qu'elle est le démembrement de la société civilisée; j'abhorre la démagogie, parce qu'elle est la honte du peuple et le scandale de la liberté; mais, quoique né dans une région sociale plus favorisée, plus heureuse que vous, mes amis! que dis-je? précisément peut-être parce que j'y suis né, parce que j'ai moins travaillé, moins souffert que vous, parce qu'il m'est resté plus de loisir et de réflexions pour contempler vos détresses et pour y compatir de plus haut, ayez confiance dans mes conseils, repoussez ce drapeau de sang! abolissez la peine de mort, et relevez le drapeau de l'ordre, de la victoire et de l'humanité !...

(Le peuple obéit à ces paroles, le drapeau rouge descend des fenêtres et tombe des mains du peuple; l'orateur se présente à la fin du discours sur les marches du palais, et harangue la multitude apaisée.

Vous avez montré aujourd'hui à Dieu et aux hommes qu'il n'y a rien qu'on ne puisse obtenir d'un tel peuple en s'adressant à ses vertus. Ce jour sera inscrit dans votre histoire au niveau des plus grandes journées de votre vie nationale; car la gloire que vous y avez conquise n'appellera pas sur vous les malédictions des victimes ou les ressentiments des peuples, mais les bénédictions de la postérité. Vous avez arraché le drapeau de la Terreur des mains de la seconde République! Vous avez aboli l'échafaud! c'est assez pour deux jours! Allez rassurer vos femmes et vos enfants dans leurs demeures, et dites-leur que vous avez bien mérité, non-seulement de l'histoire, mais du cœur humain et de Dieu.

Le chêne.

(FRAGMENT DE Jéhovah.)

Voilà ce chène solitaire

Dont le rocher s'est couronné:
Parlez à ce tronc séculaire,
Demandez comment il est né.

Un gland tombe de l'arbre et roule sur la terre;
L'aigle à la serre vide, en quittant les vallons,
S'en saisit en jouant et l'emporte à son aire,
Pour aiguiser le bec à ses jeunes a glons;
Bientôt du nid désert qu'emporte la tempète
Il roule confondu dans les débris mouvants,

Et sur la roche nue un grain de sable arrête
Celui qui doit un jour rompre l'aile des vents.
L'été vient; l'aquilon soulève

La poudre des sillons, qui pour lui n'est qu'un jeu,
Et sur le germe éteint où couve encor la séve
En laisse retomber un peu.

Le printemps, de sa tiède ondée,
L'arrose comme avec la main;
Cette poussière est fécondée,
Et la vie y circule enfin.

La vie! A ce seul mot tout œil, toute pensée,
S'inclinent confondus et n'osent pénétrer;
Au seuil de l'Infini c'est la borne placée,
Où la sage ignorance et l'audace insensée
Se rencontrent pour adorer;

Il vit, ce géant des collines;
Mais, avant de paraître au jour,
Il se creuse avec ses racines
Des fondements comme une tour.
Il sait quelle lutte s'apprête,
Et qu'il doit contre la tempête
Chercher sous la terre un appui;
Il sait que l'ouragan sonore
L'attend au jour... ou, s'il l'ignore,
Quelqu'un du moins le sait pour lui!

Ainsi, quand le jeune navire
Où s'élancent les matelots,
Avant d'affronter son empire
Veut s'apprivoiser sur les flots,
Laissant filer son vaste cable,
Son ancre va chercher le sable
Jusqu'au fond des vallons mouvants,

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