Voulez-vous donc, mortels avides, << Malheur à vous, race insensée, Et le jour en ombre grossière Mais, comme un taureau dans la plaine, <«< Malheur à vous, filles de l'onde, Tyrans qui trafiquez du monde <<< Ils sont enfin venus les jours de ma justice; «Qui puisse éteindre mon courroux ! «Seigneur,épargnez-nous!-Seigneur!-Non, point de trève! «Et je ferai sur lui ruisseler de mon glaive «Le sang de ses guerriers! « Ses torrents sécheront sous ma brûlante haleine: «Ma main nivellera, comme une vaste plaine, <«<< Ses murs et ses palais; « Le feu les brûlera comme il brûle le chaume. « Là, plus de nation, de ville, de « Le silence à jamais! royaume; <<< Ses murs se couvriront de ronces et d'épines; « L'un l'autre s'appelant durant la nuit obscure, Mais Dieu ferme à ces mots les lèvres d'Isaïe: Sur le tronc desséché de l'ingrat Israël « L'Éternel emporta mon esprit au désert, D'ossements desséchés le sol était couvert : J'approche en frissonnant, mais Jéhovah me crie: « Si je parle à ces os, reprendront-ils la vie? Éternel, tu le sais. Eh bien! dit le Seigneur, « Écoute mes accents; retiens-les, et dis-leur: « Ossements desséchés, insensible poussière, « Levez-vous, recevez l'esprit et la lumière ! «Que vos membres épars s'assemblent à ma voix ! « Que l'esprit vous anime une seconde fois! « Qu'entre vos os flétris vos muscles se replacent! «Que votre sang circule et vos nerfs s'entrelacent! << Levez-vous et vivez, et voyez qui je suis ! >> J'écoutai le Seigneur, j'obéis, et je dis: <«< Esprit, soufflez sur eux du couchant, de l'aurore; Mais Dieu de ses enfants a perdu la mémoire; « Le Seigneur, m'accablant du poids de sa colère, Retire tour à tour et ramène sa main. Vous qui passez par le chemin, Est-il une misère égale à ma misère ? <«En vain ma voix s'élève, il n'entend plus ma voix, Il m'a choisi pour but de ses flèches de flamme, Et tout le jour contre mon âme Sa fureur a lancé les fils de son carquois. « Sur mes os consumés ma peau s'est desséchée; Les enfants m'ont chanté dans leurs dérisions; Seul, au milieu des nations, Le Seigneur m'a jeté comme une herbe arrachée. « Il s'est enveloppé de son divin courroux; Il a fermé ma route, il a troublé ma voie; Mon sein n'a plus connu la joie, Et j'ai dit au Seigneur: «Seigneur, souvenez-vous, «Souvenez-vous, Seigneur, de ces jours de colère; « Souvenez-vous du fiel dont vous m'avez nourri! «Non, votre amour n'est point tari : «Vous me frappez, Seigneur, et c'est pourquoi j'espère. « Je repasse en pleurant ces misérables jours; « J'ai connu le Seigneur dès ma plus tendre aurore; <«<Quand il punit, il aime encore; « Il ne s'est pas, mon âme, éloigné pour toujours. <«< Heureux qui le connaît! heureux qui, dès l'enfance, << Porta le joug d'un Dieu clément dans sa rigueur! «Il croit au salut du Seigneur, «S'assied au bord du fleuve, et l'attend en silence. <«<ll sent peser sur lui ce joug de votre amour; « Il invoque, il espère, il attend votre jour. >> Silence, ô lyre! et vous, silence, Prophètes, voix de l'avenir ! Tout l'univers se tait d'avance Fera retentir dans la nue: PAIX A LA TERRE ET GLOIRE AUX CIEUX! Halte dans le désert. L'esclave alluma un petit feu de branches sèches sur la poussière de la place du village; il jeta les grains de café dans un vase de bronze antique d'un admirable dessin, trouvé sans doute dans les fouilles de cette contrée autrefois couverte de villes et de villas opulentes; il pila les grains avec un morceau de marbre dans un mortier qui avait peut-être contenu jadis les cendres d'un roi de Lydie et qui servait aujourd'hui à concasser le maïs d'un esclave ou le café d'un voyageur; il jeta les grains encore tout huileux dans une cafetière de terre, pour que le parfum, qui s'exhale surtout de l'huile de la plante, ne s'évaporât pas comme il s'évapore dans les grains moulus en farine dans nos climats, et il nous le servit dans de petites tasses d'étain entourées d'un treillis de filigrane, pour que le café fût brûlant aux lèvres et frais à la main. Après ce repas nous nous lavâmes, à la manière antique, dans l'eau parfumée versée par l'esclave, sur nos mains, des aiguières aux formes étrusques, et nous nous étendîmes sur nos manteaux pour dormir au murmure des feuilles et aux chuchotements des femmes et des enfants autour de nous. « A combien de tables, disais-je à mon compagnon de désert, n'ai-je pas mangé ainsi le pain mélangé de ma vie, depuis que je respire ou plutôt depuis que je voyage dans ce monde si divers de ma destinée? D'abord le pain de seigle avec les pauvres et les bons |