du martyre, à la liberté quelque chose de la vengeance. Elle prépara ainsi une réaction contre la cause républi– caine, et mit du côté de la royauté la sensibilité, l'inté– rêt, les larmes d'une partie des peuples. Qui peut nier que l'attendrissement sur le sort de Louis XVI et de sa famille n'ait été pour beaucoup dans le retour vers la royauté quelques années après? Les causes perdues ont des retours dont il ne faut souvent chercher les motifs que dans le sang des victimes odieusement immolées par la cause opposée. Le sentiment public, une fois ému d'une iniquité, ne se repose que quand il s'est, pour ainsi dire, absous par quelque réparation éclatante et inattendue. Ce sont les républicains qui doivent le plus déplorer ce sang, car c'est sur leur cause qu'il est retombé sans cesse, et c'est ce sang qui leur a coûté la République! La prière. Le roi brillant du jour, se couchant dans sa gloire, Et semble offrir à Dieu, dans son brillant langage, De la création le magnifique hommage. Voilà le sacrifice immense, universel! L'univers est le temple, et la terre est l'autel; Les cieux en sont le dôme, et ses astres sans nombre, Sont les sacrés flambeaux pour ce temple allumés: Seul, invoquant ici son regard paternel, Salut, principe et fin de toi-même et du monde ! Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur ; C'est peu de croire en toi, bonté, beauté suprême ! Enveloppé de calme, et d'ombre, et de silence, Oui, j'espère, Seigneur, en ta magnificence; J'attends le jour sans fin de l'immortalité. La mort m'entoure en vain de ses ombres funèbres, Entends du haut du ciel le cri de mes besoins! La Bible. Ma mère avait reçu de sa mère au lit de mort une belle Bible de Royaumont, dans laquelle elle m'apprenait à lire quand j'étais petit enfant. Cette Bible avait des gravures de sujets sacrés à toutes les pages. C'était Sara, c'était Tobie et son ange, c'était Joseph ou Samuel, c'était surtout ces belles scènes patriarcales où la nature solennelle et primitive de l'Orient était mêlée à tous les actes de cette vie simple et merveilleuse des premiers hommes. Quand j'avais bien récité ma leçon et lu à peu près sans faute la demi-page de l'histoire sainte, ma mère découvrait la gravure, et, tenant le livre ouvert sur ses genoux, me la faisait contempler en me l'expliquant, pour ma récompense. Elle était douée par la nature d'une âme aussi pieuse que tendre, et de l'imagination la plus sensible et la plus colorée; toutes ses pensées étaient sentiments, tous ses sentiments étaient images; sa belle, noble et suave figure réfléchissait dans sa physionomie rayonnante tout ce qui brûlait dans son cœur, tout ce qui se peignait dans sa pensée; et le son argentin, affectueux, solennel et passionné de sa voix, ajoutait à tout ce qu'elle disait un accent de force, de charme et d'amour, qui retentit encore en ce moment dans mon oreille, hélas! après plusieurs années de silence! La vue de ces gravures, les explications et les commentaires poétiques de ma mère, m'inspiraient dès la plus tendre enfance des goûts et des inclinations bibliques. De l'amour des choses au désir de voir les lieux où ces choses s'étaient passées, il n'y avait qu'un pas. Je brûlais donc, dès l'âge de huit ans, du désir d'aller visiter ces montagnes où Dieu descendait; ces déserts où les anges venaient montrer à Agar la source cachée, pour ranimer son pauvre enfant banni et mourant de soif; ces fleuves qui sortaient du Paradis terrestre; ce ciel où l'on voyait descendre et monter les anges sur l'échelle de Jacob. Ce désir ne s'éfait jamais éteint en moi : je rêvais toujours, depuis, un voyage en Orient, comme un grand acte de ma vie intérieure; je construisais éternellement dans ma pensée une vaste et religieuse épopée dont ces beaux lieux seraient la scène principale: car la vie pour mon esprit fut toujours un grand poème, comme pour mon cœur elle fut de l'amour. Dieu, Amour et Poésie sont les trois mots que je voudrais seuls gravés sur ma pierre, si je mérite jamais une pierre. |