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ler, répond au sous-titre du livre : Nouvelles bretonnes; elle est intitulée Les amours d'Yvonne. C'est une sorte de légende où l'on voit figurer un nombre convenable d'apparitions fantastiques, de présages mystérieux; on parle du pays des guendour, ce qui a beaucoup de couleur locale, et les gnomes et les korigans n'y sont point oubliés. En résumé, l'ouvrage de M. Fessard se lit sans fatigue, et il n'est point composé suivant les recettes de l'école naturaliste, ce qui n'a rien de déplaisant, au contraire.

A. B.

CLASS-BOOK OF GEOLOGY by A. Geikie, L. L. D. — 1 vol. in-8. London, Macmillan, 1886.

L'éminent directeur du département géologique de la Grande Bretagne, l'auteur populaire des études sur le vieux grès rouge et sur les roches siluriennes d'Ecosse, vient de faire paraître un ouvrage dont il n'y a pas à faire l'éloge. C'est un manuel de géologie de 500 pages, illustré de 209 dessins, la plupart inédits et dont la réunion forme une sorte de petit musée portatif à l'usage des commençants. Ce manuel se distingue par la logique du plan et par la clarté de l'exposition, par la précision et la variété des renseignements.

Combien il serait plus utile de traduire un ouvrage de cette valeur que tant de petits romans ! A la vérité, nous avons déjà en français le traité de géologie de Credner. Mais ce gros volume n'est pas à la portée de toutes les bourses; et s'il traite plus à fond quelques questions spéciales, il est pourtant moins complet. Avis à nos bacheliers ! A. G.

LES FINANCES DE L'ITALIE 1866-1885, par M. Cucheval-Clarigny.1 vol. in-8. Paris, Guillaumin, 1886.

En 1866, au lendemain de l'annexion de la Vénétie, le royaume italien soldait son budget par un déficit de 721 millions. Il y a vingt ans de cela et aujourd'hui le budget italien est parfaitement équilibré, l'impôt sur la mouture et le cours forcé sont supprimés, et la rente est cotée à la Bourse au-dessus du pair. C'est l'histoire des finances publiques italiennes pendant ces vingt années que M. Cucheval-Clarigny raconte. Elle

est fort intéressante. Comment un pays chargé de dettes, dont le crédit était avili au point que la rente tombait en 1866 à 45 et 36 francs, et où le papier-monnaie devait suppléer à l'émigration des métaux précieux, a-t-il pu faire face à un excédent de dépenses sur les recettes d'un milliard et demi pendant les seules années 1866 à 1870? Par une stricte économie et par un système d'impôts indirects qui, sans entraver l'accroissement constant de la production nationale, a permis à la jeune monarchie de sortir de l'abîme financier dans lequel elle faillit disparaître. « Les impôts de consommation sont, de la part de certains économistes, l'objet de critiques spécieuses, mais l'expérience a toujours démontré que, malgré les objections qu'ils peuvent soulever, ils sont les seuls dont la production soit assurée et dont la progression ne s'arrête pas. Les finances italiennes en ont fourni une nouvelle preuve. » Au reste, il serait superflu de faire la critique de ces impôts à propos de l'Italie; tous avaient la meilleure des justifications: la nécessité. Le plus lourd, celui sur la mouture, fut un des premiers que le gouvernement songea à supprimer. Le problème était ardu; la taxe rapportait annuellement 80 millions et la circulation du papier-monnaie atteignait 940 millions, Cependant, le ministre Magliani le résolut avec un art merveilleux, grâce à une fermeté inébranlable, à une connaissance parfaite des conditions économiques du pays, à une foi vivante dans les ressources de l'Italie, à l'étude soigneuse et patiente de l'état du marché financier à l'intérieur et à l'extérieur, à une prudence accomplie dans le jeu des divers éléments de la fortune publique qu'il s'agissait de faire concourir au but entrevu. C'est un bonheur pour un pays que d'avoir à sa tête un financier entendu et perspicace qui comprenne que la fortune de l'état n'est pas dans le dépouillement des fortunes particulières et qui se rende compte que la richesse de la communauté n'a pas d'autre source que celle des individus. Mais encore l'exemple de ces hommes intelligents devrait-il servir. Le grand mérite de l'ouvrage de M. Cucheval-Clarigny est de mettre cet exemple à la portée de tous ceux qui sont appelés à gérer des finances publiques, cela avec une clarté dans l'exposition et une netteté dans la consignation des faits qui mettent chaque détail en sa place, chaque chiffre en son cadre et qui

relient les effets aux causes, sans effort apparent, par le seul narré des circonstances dans lesquelles les uns et les autres se sont produits. Une politique imprudente eût pu jeter l'Italie dans les aventures financières et l'amener facilement à une épouvantable catastrophe politique et économique; une politique sage l'a sauvée de la ruine et amenée à la prospérité.

Puisse-t-elle toujours s'en souvenir et ne jamais confier ses destinées à des ambitieux qui lui fassent déserter les voies sûres des progrès pacifiques pour celles des rêves lointains et des agrandissements territoriaux inutiles. L'Italie a, comme tout pays, ses esprits turbulents. Il est à souhaiter que dans les moments critiques, elle trouve des hommes de raison et de sens pour répéter au parlement le mot du baron Louis : . Faites-moi de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances.

S.

LA VOILETTE BLEUE, par F. Du Boisgobey. 1 vol. in-12, Paris, Plon, 1885. PORTE CLOSE, par F. Du Boisgobey. 2 volumes in-12. Paris, Plon, 1886.

Le genre de vie inaccidenté et banal qu'on mène de nos jours en tout pays policé menacerait dans sa source le roman d'aventures si celui-ci n'appelait à son aide les sombres exceptions du crime. Quelques virtuoses du feuilleton, au nombre desquels notre auteur tient une place distinguée, excellent à reproduire minutieusement les noirs attentats et la terrible partie qui se lie, à leur lendemain, entre le héros abominable et les représentants de la loi; marches et contre-marches, luttes de ruses et d'inductions savantes, toutes péripéties où l'amateur sérieux goûte des émotions incomparables. On croyait, page 200, la police galopant sur une fausse piste, et voilà que, cinquante pages à peine plus loin, le poignet de fer d'un inspecteur de la sûreté s'abat sur l'épaule du coupable blêmissant: or, nous ne sommes qu'au premier tiers du second volume. Brusquons donc les choses! Au fond, malgré des efforts laborieux pour changer, d'un livre à l'autre, décor, situations et personnages, c'est toujours le même roman. Il suffit du reste à la société que la moralité soit triomphante et que l'honneur de la maréchaussée reste sauf. C. R.

CROQUIS ET NOUVELLES, par le Dr Chatelain.
Lausanne, Imer, 1887.

1 vol. in-12.

Dans une amusante préface, le Dr Chatelain conte son cas : pendant bien des années il a soigné des fous, puis tout à coup, sur le tard, à un âge où l'on devrait être à l'abri des entraînements de la jeunesse, » la maladie du siècle, la maladie de la plume l'a empoigné, et il s'est mis à écrire. Les lecteurs de la Bibliothèque universelle s'en plaindront-ils ? Non, certes; ils ont lu le Secret du notaire, ils ont lu Connais-ça, et ils liront d'autres nouvelles encore de la même plume aimable et facile. Le public du Journal de Genève se montrera-t-il moins satisfait? A-t-il quelque chose à pardonner à l'auteur de Luciette? Pas davantage, pour sûr. M. le Dr Chatelain peut donc se rassurer son cas n'est pas pendable.

Il a même pour nous, ce cas, un côté extrêmement curieux. S'il y a de par le monde des gens peu enclins à voir la vie en rose et l'homme sous son bon côté, ce sont certes les médecins, et surtout les aliénistes. La psychiatrie n'est pas gaie. A fréquenter assidûment des esprits à l'envers, on risque de se déséquilibrer la cervelle, et l'étude constante de ce problème troublant : Où finit la raison? où commence la folie? n'est pas de nature à inspirer sur ce produit dégénéré du singe qu'on appelle l'homme des idées très riantes. Or, le Dr Chatelain donne cet exemple rare d'un aliéniste à qui la longue pratique de son art n'a enlevé ni sa gaieté, ni son entrain, ni sa bonne humeur, ni sa philosophie souriante et sereine. Il croit aux braves gens et aux bonnes choses; il sait que dans le monde il n'y a pas que des égoïstes ou des détraqués; que la bonté, le dévouement s'y rencontrent encore; que la vie, à tout prendre, n'est pas si noire qu'on la fait. Aussi son livre est-il, — sans une ligne de prêche, de ceux qu'on peut appeler bienfaisants: il délasse et il rassérène. Y en a-t-il beaucoup dont on puisse faire cet éloge, et n'avons-nous pas raison de dire que le cas du Dr Chatelain est curieux ?

G. R.

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