Page images
PDF
EPUB

J'en aime la chaleur & la nomme fans ceffe
La feule paffion digne d'une Princeffe.

Mais je veux que la gloire anime fes ardeurs,
Qu'elle mene fans honte au faîte des grandeurs ;
Et je les défavoue alors que fa manie
Nous préfente le trône avec ignominie.

Mort de Pompée, de Corneille.

Les fentimens de gloire que donne aux Princes le haut rang où ils font élevés, font un grand frein pour réprimer leurs paffions. C'est cette même Cléopatre qui répond à ces paroles: L'amour, certes, fur vous a bien peu de puiffance.

Les Princes ont cela de leur haute naissance:
Leur ame dans leur fang prend des impreffions
Qui deffous leur vertu rangent leurs paffions.
Leur générofité foumet tout à leur gloire,
Tout eft illuftre en eux quand ils daignent se
croire :

Et fi le peuple y voit quelques déréglemens, C'est quand l'avis d'autrui corrompt leurs fentimens.

Camille, dame Romaine du temps de Tullus, un des premiers Rois de l'ancienne Rome,qui permit le combat des trois Horaces & des trois Curiaces, s'exprime ainsi :

Les dieux à notre Prince ont inspiré ce choix, Et la voix du public n'eft pas toujours leur voix

Ils-defcendent bien moins dans de fi bas étages,
Que dans l'ame des Rois leurs vivantes images,
De qui l'indépendante & fainte autorité
Eft un rayon fecret de leur divinité.

Horace, de Corneille.

Sentimens de grandeur d'ame.

Je fuis Reine fans fceptre, & n'en ai que le titre : Le pouvoir m'en est dû, le temps en est l'ar

bitre.

Si vous m'avez servie en généreux amant,
Quand j'ai reçu du Ciel le plus dur traitement,
J'ai tâché d'y répondre avec toute l'eftime
Que pouvoit en attendre un cœur fi magnanime.
Pouvois-je en cet exii davantage sur moi ?
Je ne veux point d'époux que je n'en fasse un

Roi:

Et je n'ai pas une ame affez baffe & commune Pour en faire l'appui de ma trifte fortune.

Dom Sanche d'Arragon, de Corneille.

Dans la Tragédie de Zaïre, on vient annoncer à Orofmane, Soudan de Jérusalem, le retour d'un esclave chrétien, qui avoit paflé en France fur fa foi, & qui demandoit audience. Orofmane dit qu'il peut entrer, & demande pourquoi il ne fe préfente pas: l'Of=ficier qui l'avoit annoncé dit ces paroles :

Dans la premiere enceinte il arrête ses pas.
Seigneur, je n'ai pas cru qu'aux regards de fon

maître,

Dans ces auguftes lieux un chrétien pût paroître,

Réponse d'Orofmane.

:

Qu'il paroiffe en tous lieux fans manque de respect,

Chacun peut déformais jouir de mon afpect. Je vois avec mépris ces maximes terribles, Qui font de tant de Rois des tyrans invisibles. Zaïre, de Voltaire.

Suite du même fujer.

Orofmane parle ainfi à Néreftan, Chevalier François, qui lui apportoit la rançon de plufieurs de fes compatriotes, efclaves à Jérufalem.

Chrétien, je fuis content de ton noble courage:
Mais ton orgueil ici se seroit-il flatté
D'effacer Orofmane en générofité ?

Reprends ta liberté, remporte tes richesses,
A l'or de ces rançons joins mes juftes largesses;
Au lieu de dix chrétiens que je dus t'accorder,
Je t'en veux donner cent, tu peux
les demander.
Qu'ils aillent fur tes pas apprendre à ta patrie
Qu'il eft quelques vertus au fond de la Syrie,
Qu'ils jugent, en partant, qui méritoit le mieux
Des Lufignans (a) ou moi l'empire de ces lieux.

Ibid.

(a) Les Lufignans avoient été Rois de Jérufalem.

Erixe, Reine de Gétulie, parle ainfi au fujet de Mafinifla, Roi de Numidie. On peut dans cet endroit finguliérement, l'élévation des fentimens & la pompe des

remarquer,

vers.

Je fais bien que des Rois la fiere destinée
Souffre peu que l'amour régle leur hyménée,
Et que leur union, fouvent pour leur malheur,
N'eft que du fceptre au fceptre & non du cœur

au cœur.

Mais je fuis au-deffus de cette erreur commune : J'aime en lui fa perfonne autant que fa fortune; Et je n'en exigeai qu'il reprît fes Etats,

Que de peur que mon peuple en fît trop peu de cas.

Des actions des Rois, ce téméraire arbitre Dédaigne infolemment ceux qui n'ont que le

titre :

Jamais d'un Roi fans Trône il n'eut fouffert la

Loi,

Et ce mépris peut-être eut paffé jusqu'à mọi.
Il falloit qu'il lui vit fa couronne à la tête,
Et que ma main devînt fa derniere conquête,
Si nous voulions régner avec l'autorité
Que le jufte respect doit à la dignité.

Sophonifbe, de Corneille.

L'Empereur Titus aimoit la Reine Bérénice, comme on a déjà dit : il auroit voulu l'époufer, mais il ne pouvoit le faire fans

*

foulever les Romains à qui ce choix déplaifoit. C'est à cette occafion qu'il tient ce langage:

Moi qui n'ai que les dieux au-deffus de ma tête, Qui ne vois plus de rang digne de ma conquête, Du trône où je me fieds, puis-je afpirer à rien, Qu'à pofféder un cœur qui n'afpire qu'au mien?

Mais c'eft à cette occafion que Flavian fon confident lui dit ces paroles:

Quand aux feux les plus beaux un Monarque défere,

Il s'en fait un plaifir, & non pas une affaire,
Et regarde l'amour comme un lâche attentat,
Dès qu'il veut prévaloir sur la raison d'état.
Son grand cœur, au-deffus des plus dignes amorces,
A ce devoir preffant laiffe toutes leurs forces,
Et fon plus doux efpoir n'ofe lui demander
Ce que fa dignité ne lui peut accorder.

Tite & Bérénice, de Corneille

Le Poëte fait parler ainfi une Reine (a) aimée de deux Princes, & qui pouvoient lui être d'un grand fecours.

Celles de ma naiffance ont horreur des baffeffes: Leur fang tout généreux hait ces molles adreffes. Quel que foit le fecours qu'ils (b) me puiffent offrir,

(a) Rodogune, Princeffe des Parthès.

(b) Antiochus & Séleucus, fils de Cléopatte, Reine de Syrie.

« PreviousContinue »