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Qu'un Prince eft malheureux quand, de ceux

qu'il écoute,

Le zele cherche à prendre une diverse route,
Et que l'attachement qu'ils ont au propre fens,
Pouffe jufqu'à l'aigreur des confeils différens !
Ne me trompé-je point, & puis-je nommer zele
Cette haine à tous deux obftinément fidele,
Qui peut-être, en dépit des maux qu'elle prévoit,
Seule en mes intérêts fe confulte & fe croit?
Othon, de Corneille.

Réponse d'un Roi à un de fes courtisans qui lui demandoit la permiffion de se battre en duel:

Un Roi dont la prudence a de meilleurs objets,
Eft meilleur ménager du fang de fes sujets:
Je veille pour les miens: mes foucis les con-
fervent,

Comme le chefa soin des membres qui le servent.
Ainfi votre raison n'eft pas raifon pour moi:
Vous parlez en foldat, je dois agir en Roi.
Cid, de Corneille.

Grimoal, Comte de Bénévent, qui avoit conquis le Royaume de Lombardie fur Pertharite, parle ainfi à un de fes confidens qui lui propofoit d'ufer de fon autorité & de fon pouvoir dans une circonftance où cette voie auroit été odieuse:

Laiffons aux mauvais Rois leurs damnables maximes;

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Je hais l'art de régner qui fe permet des crimes. De quel front donnerois-je un exemple aujourd'hui,

Que mes loix dès demain puniroient en autrui ? Le pouvoir abfolu n'a rien de redoutable,

Dont à fa confcience un Roi ne foit comptable:
L'amour l'excufe mal, s'il régne injuftement,
Et l'amant couronné doit n'agir qu'en amant.
Perth arite, de Corneille.

Que le facré caractere des Rois eft
ineffaçable.

Un véritable Roi qu'opprime un fort contraire,
Tout opprimé qu'il eft, garde fon caractere:
Ce nom lui reste entier fous les plus dures loix :
Il eft dans les fers même égal aux plus grands

Rois.

Attila, de Corneille.

Même maxime à l'occafion d'un Roi détrôné par un ufurpateur.

Un Roi, quoique vaincu, garde fon caractere; Aux fideles fujets fa vue est toujours chere: 'Au moment qu'il paroît, les vainqueurs les plus

grands,

Pour vertueux qu'ils foient, ne font que des tyrans ;

Et dans le fond des cœurs fa présence fait naître

Un mouvement fecret qui les rend à leur maî

tre.

Le

Le tenir dans les fers avec le nom de Roi, C'eft foulever pour lui les peuples contre moi. C'eft Grimoral qui parle de Pertharite;

dans la piece de ce nom.

Réponse d'Arface, fondateur de l'Empire des Parthes, à fon fils qui lui confeilloit de ne pas craindre les Rois fes voifins, fur ce qu'il ne tiendroit pas les traités faits avec

eux :

Prince, on n'eft pas toujours suivi de la victoire
Un Roi ne doit jamais, s'enivrant de la gloire,
Négliger l'équité, parce qu'il eft heureux
La fortune fouvent a des retours fâcheux;
Et tel a vu long-tems fa grandeur infinie,
Que le fort à la fin couvre d'ignominie.
Ce n'eft pas que, frappé d'une indigne terreur,
Je craigne de ces Rois l'envie & la fureur:
Mais s'il faut avec eux recommencer la guerre,
Juftifions nos droits au refte de la terre ;
Otons un vain prétexte à leur inimitié,
Et des Parthes laffés prenons quelque pitié.
Je fais qu'en triomphant les Etats s'affoibliffent:
Le Monarque eft vainqueur & les peuples gé-
miffent :

Dans le rapide cours de fes vaftes projets,
La gloire dont il brille accable ses sujets.
Il faut donc détourner une guerre odieu
Peut-être également funefte & glorieuse.

Tiridate, de Campiftron

D

Prufias, Roi de Bithynie, Prince foible, parle ainfi de fon fils Nicomede:

Il n'est plus mon fujet qu'autant qu'il le veut être,

Et qui me fait régner en effet eft mon maître. Pour paroître à mes yeux, fon mérite et trop grand:

On n'aime point à voir ceux à qui l'on doit tant. Nicomede, de Corneille.

Autres fentimens dignes des Rois.

Qu'un Monarque eft heureux, quand parmi ses fujets

Ses yeux n'ont point à voir de plus nobles objets; Qu'au-deffus de fa gloire il ne connoît perfonne, Et qu'il eft le plus digne enfin de fa couronne. Surena, de Corneille.

Même fujet.

Tous les Rois font jaloux du fouverain pouvoir Ils aiment qu'on leur doive, & ne peuvent devoir.

L'on n'a jamais de droit fur leur reconnoiffance, Et rien à leurs fujets n'acquiert l'indépendance. Ils ont, pour qui les fert, des graces, des fa

veurs,

Et réglent à leur choix l'emploi des plus grands

cœurs,

Agefilas, de Corneille.

Même fujet.

Un confident parle ainfi à un Roi:

Soutenez votre fceptre avec l'autorité Qu'imprime au front des Rois leur propre majesté.

Un Roi doit pouvoir tout, & ne fait pas bien l'être,

Quand au fond de fon cœur il fouffre un autre

maître.

Pertharite, de Corneille.

Même fujet.

On parle à un Roi:

Ne hafardez, Seigneur, que dans l'extrémité, Le redoutable effet de votre autorité.

Alors qu'il réuffit, tout fait jour, tout lui cede: Mais auffi quand il manque, il n'est plus de remede.

Il faut, pour déployer le fouverain pouvoir,
Sûreté toute entiere, ou profond défespoir.

Othon, de Corneille.

Un Prince, quoique rempli d'ambition, ne doit jamais la fatisfaire par une lâcheté ou par un crime. Le Poëte met les paroles fuivantes dans la bouche de la célebre Cléopatre, Reine d'Egypte :

J'ai de l'ambition, &, foit vice ou vertu,
Mon cœur sous fon fardeau veut bien être abattu

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