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L'amitié tendre & vive y fait briller fes feux,
Qu'en vain veut imiter, dans fon zele perfide,
La trahison que fuit l'envie au teint livide.
Un mot y fait rougir la timide pudeur;
Le mépris y réfide ainfi que la candeur,
Le modefte refpect, l'imprudente colere,
La crainte & la pâleur, fa compagne ordinaire,
Qui, dans tous les périls funeftes à mes jours,
Plus prompte que ma voix, appelle du fecours.
A me fervir auffi cette voix empreffée,
Loin de moi, quand je veux, va porter ma pensée:
Meffagere de l'ame, interprête du cœur,
De la fociété je lui dois la douceur.

Quelle foule d'objets l'œil réunit enfemble!
Que de rayons épars ce cercle étroit raffemble !
Tout s'y peint tour à tour. Le mobile tableau ·
Frappe un nerf qui l'éleve & le porte au cerveau.
D'innombrables filets, Ciel! quel tiffu fragile!
Cependant ma mémoire en a fait fon afyle,
Et tient dans un dépôt fidele & précieux,
Tout ce que m'ont appris mes oreilles, mes
yeux....

Mais qui donne à mon fang cette ardeur falutaire ?

Sans mon ordre il nourrit ma chaleur néceffaire...
Eft-ce moi qui préside au maintien de ces loix ?
Et pour les établir ai-je donné ma voix ?
Je les connois à peine : une attentive adreffe
M'en apprend tous les jours & l'ordre & la fa-
geffe.

De cet ordre fecret reconnoiffons l'Auteur.
Fut-il jamais des loix fans un Légiflateur?...
Reconnoiffons du moins celui par qui nous
fommes >

Celui qui fait tout vivre & qui fait tout mouvoir:
S'il donne l'être à tout, l'a-t-il pu recevoir ?
Il précede les temps. Qui dira fa naiffance?
Par lui l'homme, le Ciel, la terre, tout com-

mence,

Et lui feul infini n'a jamais commencé.

Quelle main, quel pinceau dans mon ame a tracé
D'un objet infini l'image incomparable?
Ce n'eft point'à mes fens que j'en fuis redevable...
Et d'un être infini je me fuis fouvenu
Dès le premier inftant que je me fuis connur..
Racine le fils, Poëme de la Religion.

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REMARQUES.

La peinture de la mer qu'a fait ici le Poëte, frappera tout homme de goût. Quelle grandeur dans les différens attributs qu'il donne à cet élément ! Et toi, dont le courroux veut engloutir la terre... Il y peint admi rablement l'effroi que la mer en fureur inf pire aux gens qui confient leur vie à cet élément. Cette figure, qu'il emploie en faifant parler la terre, fait une impreffion des plus vives fur l'efprit: Eft-ce moi qui produis mes riches ornemens ? Le portrait de l'homme eft de main de maître, tout y eft

fini; on y vit tous les mouvemens de fon ame peints fur fon front. Le don admirable de la parole y eft célébré comme le mérite un tel préfent de la nature. Ceux de la vue & de la mémoire ont leur coup de pinceau convenable. La conféquence qu'il tire de toutes les merveilles qu'étale ce vafte Univers, c'eft que nous devons reconnoître qu'il a un Auteur, & que cet Auteur n'est autre chofe que Dieu.

Sur le même Sujet.

Le célebre Rouffeau dépeint ainfi les merveilles de la puiffance de Dieu, qui éclate dans la création de l'Univers. C'eft une paraphrase d'une partie du Pf. 18.

Les Cieux inftruifent la Terre
A révérer leur Auteur;.

Tout ce qui leur globé enferre
Célebre un Dieu créateur,
Quel plus fublime Cantique
Que ce concert magnifique
De tous les célestes corps !
Quelle grandeur infinie 1
Quelle divine harmonie)
Réfulte de leurs accords!

De fa puiffance immortelle

Tout parle, tout nous inftruit:
Le jour au jour la révele,

La nuit l'annonce à la nuit.

Ce grand & fuperbe ouvrage
N'eft point pour l'homme un langage
Obfcur & mystérieux;

Son admirable ftructure

Eft la voix de la nature

Qui fe fait entendre aux yeux,

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On reconnoît ici la main de l'illuftre Rouf feau. Ce qui domine le plus dans ce Poëte Lyrique, c'eft le ton fublime qu'il fait donner aux fujets qui demandent une grande élévation. C'eft auffi là qu'il triomphe. Quelle grandeur dans les idées! Quelle richeffe, & quelle magnificence dans les expreffions! on peut dire en un fens de fes Odes, ce qu'il dit lui-même du foleil & des aftres: Quelle divine harmonie réfulte de leurs accords! Eft-il rien de plus pompeux que cette image?

Dans une éclatante voûte il a placé de fes mains, &c. Peut-on rendre avec plus d'énergie & de beauté le verfet de ce Pfeaume? Et ipfe, tanquam fponfus procedens de thalamo fuo.

Comme un époux glorieux, &c.

Sur la création de l'Homme.

Description de la création de l'homme, de l'état d'innocence de nos premiers parens, & des fuites funeftes de leur défobéiflance.

Le Soleil commençoit les routes ordonnées :
Les ondes dans leur lit étoient emprisonnées.
Déjà le tendre oifeau, s'élevant dans les airs
Béniffoit fon Auteur par les nouveaux concerts.
Mais il manquoit encore un Maître à tout l'ou-
vrage :

Faifons l'homme, dit Dieu, faifons-le à notre image

Soudain, pêtri de boue, & d'un fouffle animé, Ce chef-d'œuvre connut qu'un Dieu l'avoit formé.

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La nature, attentive aux befoins de fon maître
Lui préfenta les fruits que fon fein faisoit naître ;
Et l'Univers, foumis à cette aimable loi,
Confpira tout entier au bonheur de fon Roi.
La fatigue, la faim, la foif, la maladie,
Ne pouvoient altérer le repos de fa vie ;
La mort même n'ofoit déranger ces refforts

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