Les Chrétiens n'ont qu'un Dieu, maître absolu de tout, De qui le feul vouloir fait tout ce qu'il réfout. Mais fi j'ofe, entre nous, dire ce qu'il me femble, Les nôtres bien fouvent s'accordent mal enfemble; Et me dût leur colere écrafer à leurs yeux, Nous en avons beaucoup pour être de vrais Dieux. Enfin chez les Chrétiens les mœurs font inno centes, Les vices déteftés, les vertus floriffantes. Ils font des vœux pour nous qui les perfécutons; Et depuis tant de temps que nous les tourmen tons, Les a-t-on vu mutins, les a-t-on vu rebelles? reaux; Et lions au combat, ils meurent en agneaux.... Et ailleurs une dame Payenne parle ainsi des mêmes Chrétiens. Le trépas n'est pour eux ni honteux ni funefte : Image du Ciel ou du féjour des Bienheu reux, d'après les notions de la Foi. Au milieu des clartés d'un feu pur & durable, Dieu mit avant les temps fon Trône inébranlable. Le Ciel eft fous fes pieds: de mille aftres divers Ses Saints, dans les douceurs d'une éternelle paix, Devant lui font ces Dieux, ces brûlans Séraphins (a) Qui facis Angelos tuos, Spiritus; & Miniftros tuos, ignem urentem. Pf. 103... Potentes virtute, facientes ver bum illius ad audiendam vocem fermonum ejus. Ibid... Illuxerunt fulgura ejus Orbi Terræ. Pf. 96. Ne laiffe pas toujours profpérer l'infolence : Quelquefois fa bonté, favorable aux humains, Met le fceptre des Rois dans d'innocentes mains. Voltaire, Henriade. REMARQUES. Un pareil fujet ne pouvoit être traité d'un ten plus fublime. Quelle majefté dans ces premiers vers! Au milieu des clartés d'un feu pur & durable, &c. Quelle grandeur dans cette image! Le Ciel eft fous fes pieds, &c. Un beau génie vient à bout d'exprimer dans le langage de la Poéfie tout ce qu'il y a de plus difficile. Peut-on mieux définir le profond Myftere de la Sainte Trinité ? La puifance & l'amour avec l'intelligence, unis & divifés, compofent fon effence. Le refte de cette image du Ciel & du bonheur des Saints eft de la même beauté, & l'on peut dire que les expreffions répondent à la majesté du sujet, autant que des paroles humaines en font capables. Le lecteur ne défapprouvera peut-être pas que nous placions ici la traduction de l'Hymne admirable que l'Eglise de Paris chante aux Vêpres du Dimanche, & qui commence par ces mots:Oluce qui mortalibus, &c. Comme tout le monde n'eft pas en état de fentir la beauté de la Poéfie latine, on l'a traduite en vers à l'occafion d'un petit Livre de Prieres domeftiques, intitulé La journée du pieux Laïque. Les connoiffeurs ont trouvé que cette traduction approchoit fort de la beauté du texte. Le fond du fujet, ce font les fentimens d'une Ame Chrétienne, à qui les jours de Fête de l'Eglife rappellent le fouvenir de la Fête éternelle que les Elus célébreront un jour dans le Ciel, & qui foupire après cet heureux jour. O Dieu ! qui dans les feux des clartés éternelles, Nous cachez ce féjour, où les efprits heureux Dans un faint tremblement se couvrent de leurs aîles, Voyant de votre front l'éclat majestueux : Dans ce bas Univers, un voile épais & fombre Couvre nos pas errans : la Foi feule nous luit. Mais votre jour, Seigneur, diffipera cette ombre, Et fera fans retour difparoître la nuit. Ce jour, cet heureux jour, figuré par nos Fêtes, Vous nous le préparez, ô Dieu plein de bonté ! Le grand aftre qui brille en fon plein fur nos têtes, N'eft qu'un foible rayon de fa vive clarté. Que vous tardez long-temps pour une ame fidelle, XX Ah quand de fes liens notre ame dégagée- xx Suprême Trinité, faites par votre grace Les vers fuivans ont une fi étroite liaison avec les fujets ci-deffus, & les fentimens y font exprimés avec tant de douceur, qu'on ne craint pas de fatiguer le lecteur, en les lui mettant fous les yeux. Non, je ne fuis point fait pour pofféder la terre. Quand ne ferai - je plus avec moi - même en guerre ? Qui me délivrera de ce corps de péché ? Et riches de ces biens que l'œil ne fauroit voir, Ne demandent plus rien, n'ont plus rien à vouloir. De ce Royaume heureux Dieu bannit les alarmes, |