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Les Chrétiens n'ont qu'un Dieu, maître absolu

de tout,

De qui le feul vouloir fait tout ce qu'il réfout. Mais fi j'ofe, entre nous, dire ce qu'il me femble, Les nôtres bien fouvent s'accordent mal enfemble;

Et me dût leur colere écrafer à leurs yeux, Nous en avons beaucoup pour être de vrais Dieux.

Enfin chez les Chrétiens les mœurs font inno

centes,

Les vices déteftés, les vertus floriffantes.

Ils font des vœux pour nous qui les perfécutons; Et depuis tant de temps que nous les tourmen

tons,

Les a-t-on vu mutins, les a-t-on vu rebelles?
Nos Princes ont-ils eu des foldats plus fideles?
Furieux dans la guerre, ils fouffrent nos bour-

reaux;

Et lions au combat, ils meurent en agneaux....

Et ailleurs une dame Payenne parle ainsi des mêmes Chrétiens.

Le trépas n'est pour eux ni honteux ni funefte :
Ils cherchent de la gloire à méprifer nos Dieux :
Aveugles pour la terre ils afpirent aux Cieux;
Et croyant que la mort leur en ouvre la porte,
Tourmentés, déchirés, affaffinés, n'importe ;
Les fupplices leur font ce qu'à nous les plaisirs,
Et les menent au but où tendent leurs defirs.
Pauline, dans Polieucte.

Image du Ciel ou du féjour des Bienheu reux, d'après les notions de la Foi.

Au milieu des clartés d'un feu pur & durable, Dieu mit avant les temps fon Trône inébranlable.

Le Ciel eft fous fes pieds: de mille aftres divers
Le cours toujours réglé l'annonce à l'Univers.
La puiffance, l'amour avec l'intelligence,
Unis & divifés, compofent fon effence.

Ses Saints, dans les douceurs d'une éternelle paix,
D'un torrent de plaisirs enivrés à jamais,
Pénétrés de fa gloire & remplis de lui-même,
Adorent à l'envi fa Majefté fuprême.

Devant lui font ces Dieux, ces brûlans Séraphins
A qui de l'Univers il commet les destins (a).
Il parle, & de la terre ils vont changer la face,
Des Puiffances du fiecle ils retranchent la race;
Tandis que les humains, vils jouets de l'erreur,
Des confeils éternels accufent la hauteur.
Ce font eux dont la main frappant Rome affervie,
Aux fiers enfans du nord a livré l'Italie,
L'Espagne aux Africains, Solyme aux Ottomans.
Tout Empire est tombé, tout peuple eut fes tyrans.
Mais cette impénétrable & jufte Providence

(a) Qui facis Angelos tuos, Spiritus; & Miniftros tuos, ignem urentem. Pf. 103... Potentes virtute, facientes ver bum illius ad audiendam vocem fermonum ejus. Ibid... Illuxerunt fulgura ejus Orbi Terræ. Pf. 96.

Ne laiffe pas toujours profpérer l'infolence : Quelquefois fa bonté, favorable aux humains, Met le fceptre des Rois dans d'innocentes mains. Voltaire, Henriade.

REMARQUES.

Un pareil fujet ne pouvoit être traité d'un ten plus fublime. Quelle majefté dans ces premiers vers! Au milieu des clartés d'un feu pur & durable, &c. Quelle grandeur dans cette image! Le Ciel eft fous fes pieds, &c. Un beau génie vient à bout d'exprimer dans le langage de la Poéfie tout ce qu'il y a de plus difficile. Peut-on mieux définir le profond Myftere de la Sainte Trinité ? La puifance & l'amour avec l'intelligence, unis & divifés, compofent fon effence. Le refte de cette image du Ciel & du bonheur des Saints eft de la même beauté, & l'on peut dire que les expreffions répondent à la majesté du sujet, autant que des paroles humaines en font capables.

Le lecteur ne défapprouvera peut-être pas que nous placions ici la traduction de l'Hymne admirable que l'Eglise de Paris chante aux Vêpres du Dimanche, & qui commence par ces mots:Oluce qui mortalibus, &c. Comme tout le monde n'eft pas en état de fentir la beauté de la Poéfie latine, on l'a traduite en vers à l'occafion d'un petit Livre de Prieres domeftiques, intitulé La journée du pieux

Laïque. Les connoiffeurs ont trouvé que cette traduction approchoit fort de la beauté du texte. Le fond du fujet, ce font les fentimens d'une Ame Chrétienne, à qui les jours de Fête de l'Eglife rappellent le fouvenir de la Fête éternelle que les Elus célébreront un jour dans le Ciel, & qui foupire après cet heureux jour.

O Dieu ! qui dans les feux des clartés éternelles, Nous cachez ce féjour, où les efprits heureux Dans un faint tremblement se couvrent de leurs

aîles,

Voyant de votre front l'éclat majestueux :

Dans ce bas Univers, un voile épais & fombre Couvre nos pas errans : la Foi feule nous luit. Mais votre jour, Seigneur, diffipera cette ombre, Et fera fans retour difparoître la nuit.

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Ce jour, cet heureux jour, figuré par nos Fêtes, Vous nous le préparez, ô Dieu plein de bonté ! Le grand aftre qui brille en fon plein fur nos têtes,

N'eft qu'un foible rayon de fa vive clarté.

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Que vous tardez long-temps pour une ame fidelle,
O jour après lequel nous devons foupirer!
Mais pour jouir de vous, ô lumiere éternelle,
Du poids de notre corps il nous faut délivrer.

XX

Ah quand de fes liens notre ame dégagée-
Jufques dans votre fein portera fon effor;
Du torrent de vos biens faintement enivrée,
Vous louer, vous aimer, fera fon heureux fort.

xx

Suprême Trinité, faites par votre grace
Qu'à ce bonheur promis nos defirs foient fixés,
Et qu'un jour éternel fuccede au court espace
De ceux qu'en cet exil vous nous avez prêtés.
Soupirs d'une Ame vers le Ciel.

Les vers fuivans ont une fi étroite liaison avec les fujets ci-deffus, & les fentimens y font exprimés avec tant de douceur, qu'on ne craint pas de fatiguer le lecteur, en les lui mettant fous les yeux.

Non, je ne fuis point fait pour pofféder la terre. Quand ne ferai - je plus avec moi - même en guerre ?

Qui me délivrera de ce corps de péché ?
Qui brifera la chaîne où je fuis attaché?....
Avec tant de foibleffe aifément on fuccombe.
Eh! qui me donnera l'aîle de la colombe?
Loin de ce lieu d'horreur, de ce gouffre de maux,
J'irois, je volerois dans le fein du repos.
Là, de ce corps impur les ames délivrées,
De la joie ineffable à fa fource enivrées,

Et riches de ces biens que l'œil ne fauroit voir, Ne demandent plus rien, n'ont plus rien à vouloir.

De ce Royaume heureux Dieu bannit les alarmes,

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