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Toujours nouvel événement,
Que fon efprit fécond enfante,
Nous réveille agréablement.
L'un rit, & l'autre fe lamente,
Tous deux trompés également.
L'un arrive au port sûrement,
L'autre eft encor dans la tourmente;
L'un perd fon bien, l'autre l'augmente;
L'un pourfuit inutilement

La fortune toujours fuyante;
L'autre l'attend tranquillement,
Ou parvient, fans favoir comment
Et prefque contre fon attente.
L'un réuffit heureusement;
L'autre, après bien du mouvement,
Trouve un rival qui le fupplante;
L'un fait un bon contrat de rente,
Et l'autre fait un teftament;
L'un à quinze ans, l'ame dolente,
Va prendre gîte au monument,
Et l'autre prend femme à foixante.
L'un fe fait tuer triftement,
L'autre naît au même moment
Pour remplir la place vacante.
On rencontre indifféremment
Un baptême, un enterrement.....
Enfin c'eft une comédie

De voir ce qu'on voit tous les jours;
Vous diriez en voyant ces tours,
Que la fortune s'étudie

Sans ceffe à varier fon cours.
Toujours quelque métamorphofe

Donne matiere à l'entretien ;
Mais fur la Rhune on ne voit rien,
Ou c'est toujours la même chose :
En un mot dans ce pauvre nid
On ne fait qui meurt ni qui vit.

MORT.

Réflexions fur la Mort.

La mort ne furprend point le fage;
Il est toujours prêt à partir,

S'étant fu lui-même avertir

Du temps où l'on fe doit réfoudre à ce paffage. Ce temps, hélas ! embraffe tous les temps. Qu'on le partage en jours, en heures, en mo

mens,

Il n'en eft point qu'il ne comprenne

Dans le fatal tribut; tous font de fon domaine;
Et le premier inftant où les enfans des Rois
Ouvrent les yeux à la lumiere,
Eft celui qui vient quelquefois
Fermer pour toujours leur paupiere.
Alléguez la beauté, la vertu, la jeuneffe:
La mort ravit tout fans pudeur.
Un jour le monde entier accroîtra fa richeffe.
Il n'eft rien de moins ignoré,
Et puifqu'il faut que je le die,
Rien où l'on foit moins préparé....

J'ai beau le répéter, mon zele est indiscret:

Le plus femblable aux morts meurt le plus à

regret.

La Fontaine.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :
On a beau la prier,

La cruelle qu'elle eft, fe bouche les oreilles
Et nous laiffe crier.

Le

pauvre

en fa cabane où le chaume le couvre
Eft fujet à fes loix,

Et la garde qui veille aux barrieres du Louvre
N'en défend pas nos Rois.

Le trépas vient tout guérir;

Malherbe.

Mais ne bougeons d'où nous sommes:

Plutôt fouffrir que mourir,

C'eft la devife des hommes.

C'eft folie

La Fontaine.

De compter fur dix ans de vie.

Soyons bien buvans, bien mangeans,

Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans.

Idem.

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Dans l'Ode fuivante, c'est un homme qui
remercie Dieu de l'avoir retiré des portes
la mort.

Seigneur, il faut que la terre
Connoiffe en moi vos bienfaits:
Vous ne m'avez fait la guerre
Que pour me donner la paix.

Heureux

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Heureux l'homme à qui la grace
Départ ce don efficace
Puifé dans fes faints tréfors,
Et qui rallumant fa flamme
Trouve la fanté de l'ame
Dans les fouffrances du corps

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Non, non, vos bontés facrées
Ne feront point célébrées
Dans l'horreur des monumens.
La mort aveugle & muette
Ne fera point l'interprete
De vos faints commandemens.

Mais ceux qui de fa menace
Comme moi, font rachetés,
Annonceront à leurs races
Vos céleftes vérités.

J'irai, Seigneur, dans vos temples
Réchauffer par mes exemples
Les mortels les plus glacés,
Et vous offrant mon hommage,
Leur montrer l'unique ufage
Des jours que vous me laissez.

Rouleau

NOBLESSE.

Qu'il faut foutenir par de bonnes qualités l'honneur d'être d'un fang noble ; que c'eft par - là feulement qu'on peut meriter de la confidération.

On ne m'éblouit point d'une apparence vaine :
La
vertu d'un cœur noble eft la marque certaine.
Si vous êtes forti de ces héros fameux,

Montrez

nous cette ardeur qu'on vit briller en

eux,

Ce zele pour l'honneur, cette horreur pour le vice.

Respectez-vous les loix? fuyez-vous l'injuftice?
Savez-vous fur un mur repouffer des affauts,
Et dormir en plein champ le harnois fur le dos?
Je vous connois pour noble à ces illuftres mar◄

ques.

Alors foyez iffu des plus fameux Monarques.
Venez de mille ayeux; &, fi ce n'eft affez,
Feuilletez à loifir dans les fiécles paffés;
Voyez de quel guerrier il vous plaît de def
cendre ;

Choififfez de Céfar, d'Achille, ou d'Alexandre
En vain un lâche efprit voudroit vous démentir;
Et fi vous n'en fortez, vous en devez fortir.
Mais fuffiez-vous iffu d'Hercule en droite ligne,
Si vous ne faites voir qu'une baffeffe indigne,
Ce long amas d'ayeux, que vous diffamez tous,

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