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Il ne nous reste plus que la trifte mémoire.
Sicn, jufques au Ciel élevée autrefois,
Jufqu'aux enfers maintenant abaissée,
Puiffé-je demeurer fans voix,

Si dans mes chants ta douleur retracée
Jufqu'au dernier foupir n'occupe ma pensée.
O rives du Jourdain ! ô champs aimés des Cieux!
Sacrés monts, fertiles vallées,
Par cent miracles fignalées,
Du doux pays de nos ayeux
Serons-nous toujours exilées ?

Racine, Trag. d'Efther.

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Le même Poëte, dans les vers fuivans a rendu le fens de la Prophétie d'Ifaïe fur la grandeur future de l'Eglife, & la propagation du Chriftianisme.

Et

Quelle Jérufalem nouvelle

Sort du fond du défert brillante de clarté (a), porte fur le front une marque immortelle ? Peuples de la terre, chantez;

Jérufalem renaît plus charmante & plus belle. D'où lui viennent de tous côtés

(a) Surge, illuminare, Jerufalem, quia venit lumen zuum, & gloria Domini fuper te orta eft.... Leva in circuitu oculos tuos, &vide.... Filii tui de longè venient.... Ambulabunt Gentes in lumine tuo, & Reges in fplendore ortás tui. I. chap. 60... Et inimici ejus

terram lingent. Pf. 71... Rorate, Cali, defuper, & nubes pluant juftum. If. 45.

Ces enfans qu'en fon fein elle n'a point portés?
Leve, Jérufalem, leve ta tête altiere ;
Regarde tous ces Rois de ta gloire étonnés.
Les Rois des nations, devant toi profternés;
De tes pieds baifent la pouffiere;

Les peuples à l'envi marchent à ta lumiere.
Heureux qui pour Sion d'une fainte ferveur

Et

Sentira fon ame embrafée !

Cieux, répandez votre rofée,
que la terre enfante fon Sauveur.

SUR LA FOI CATHOLIQUE,

A l'occafion de l'abjuration que fit Henri IV, Roi de France, lorfqu'il embraffa la Foi de l'Eglife Catholique. M. de Voltaire parle en ces termes dans un Poëme où il raconte cet événement:

HENRI, dont le grand coeur étoit formé pour elle (a),

Voit, connoît, aime enfin fa lumiere immortelle :
Il abiure avec foi ces dogmes féducteurs,
Ingénieux enfans de cent nouveaux docteurs.
Il reconnoît l'Eglife ici-bas combattue,.
L'Eglife toujours une & par-tout étendue,
Libre, mais fous un chef adorant en tout lieu
Dans le bonheur des Saints la grandeur de fon
Dieu.

(a) L'Eglife.

Le Chrift, de nos péchés victime renaiffante,
De fes Elus chéris nourriture vivante,
Defcend fur les Autels à fes yeux éperdus,
Et lui découvre un Dieu fous un pain qui n'eft
plus.

Son cœur obéiffant se foumet, s'abandonne....
Les remparts ébranlés s'entr'ouvrent à fa voix.
Il entre au nom du Dieu qui fait régner les Rois.
Henriade de Voltaire.

REMARQUES.

On peut dire que cette définition de l'Eglife eft exacte, & que ce qui en fait le prix, c'eft de renfermer beaucoup de chofes dans l'efpace de huit vers. On voit que l'Eglife ici-bas effuie des combats; on y apprend fon unité & la réunion de fes membres fous un feul chef. Peut-on mieux exprimer l'adorable Sacrifice de nos Autels? Le Chrift, de nos péchés victime renaissante ; & le Sacrement de l'Euchariftic: De fes Elus chéris nourriture vivante. Que cette idée eft noble! Il entre au nom du Dieu qui fait régner les Rois. Per me Reges regnant, dit la Sageffe dans les livres faints.

Profeffion de Foi de Polieute.

Je n'adore qu'un Dieu maître de l'Univers, Sous qui tremblent le Ciel, la terre & les enfers;

Un Dieu qui nous aimant d'une amour infinie, Voulut mourir pour nous avec ignominie;

Et qui par un effort de cet excès d'amour, Veut pour nous en victime être offert chaque jour.

Corneille, Trag. de Polièucte.

Le même Polieucte ayant été mis en prifon parce qu'il étoit Chrétien, & près d'aller fait les réflexions fuivantes dans

à la mort,

un monologue.

Source délicieuse en miferes féconde,
Que voulez-vous de moi, flatteufes voluptés ?
Honteux attachemens de la chair & du monde,
Que ne me quittez-vous quand je vous ai quittés?
Allez, honneurs, plaifirs, qui me livrez la guerre:
Toute votre félicité,

Sujette à l'inftabilité,

En moins de rien tombe par terre;
Et comme elle a l'éclat du verre,
Elle en a la fragilité.

Ainfi n'espérez pas qu'après vous je foupire:
Vous étalez en vain vos charmes impuiffans,
Vous me montrez en vain par tout ce vaste em→
pire

Les ennemis de Dieu pompeux & floriflans:
Il étale à fon tour des revers équitables,

Par qui les Grands font confondus ;
Et les glaives qu'il tient pendus
Sur les plus fortunés coupables,

Sont d'autant plus inévitables

Que leurs coups font moins attendus.

Saintes douceurs du Ciel, adorables idées,
Vous rempliffez un cœur qui vous peut recevoir :
De vos facrés attraits les amés poffédées,
Ne conçoivent plus rien qui les puiffe émouvoir.
Vous promettez beaucoup & donnez davantage :
Vos biens ne font pas inconftans,
Et l'heureux trépas que j'attends,
Ne nous fert que d'un doux paffage
Pour nous introduire au partage
Qui nous rend à jamais contens.

Pauline, dans Polieude de Corneille.

REMARQUES.

Ces trois ftances font admirables; elles expriment les fentimens d'une ame chrétienne prête à quitter cette vie, & qui en connoît le néant. La comparaifon des honneurs de ce monde avec la fragilité du verre, eft ingénieufe & exactement vraie. Quelle nobleffe dans cette image des glaives que Dieu tient fufpendus fur la tête des coupables! La derniere ftance eft pleine de grandes idées fur le bonheur de la vie future après laquelle une ame jufte foupire.

Eloge des Chrétiens des premiers fiecles.

C'eft un Payen qui parle ainfi des Chrétiens de fon temps.

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