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expreffions les plus fortes & les plus capables d'infpirer la terreur (a). La peinture qu'en ont fait plufieurs Poëtes, eft affez vive pour frapper les efprits, fi l'on veut y faire at

tention.

Déjà je crois le voir, j'en frémis par avance, Ce jour de châtiment comme de récompense. Déjà j'entends des mers mugir les flots troublés: Déjà je vois pâlir les aftres ébranlés.

Le feu vengeur s'allume, & le fon des trompettes

Va réveiller les morts dans leurs fombres retraites.

Ce jour est le dernier des jours de l'Univers.
Dieu cite devant lui tous les peuples divers;
Et pour en féparer les Saints, fon héritage,
De fa Religion vient confommer l'ouvrage.
La terre, le foleil, le temps, tout va périr,
Et de l'éternité les portes vont s'ouvrir.
Elles s'ouvrent. Ce Dieu fi long-temps invifible,
S'avance précédé de fa gloire terrible:
Entouré du tonnerre, au milieu des éclairs,
Son trône étincelant s'éleve dans les airs.

(a) Juxta eft dies Domini magnus... Vox diei Domini amara... Dies tribulationis & anguftia ..... In igne zeli ejus devorabitur omnis Terra. Sophon. 1... Antequam veniat dies Domini magnus & horribilis. Joël 2... Ecce dies venit fuccenfa quafi caminus, & erunt omnes fuperbi & omnes facientes impietatem, ftipula. Malac. 4.

Le grand rideau fe tire, & ce Dieu vient en

maître.

Malheureux qui pour lors commence à le connoître !

Ses Anges ont par-tout fait entendre leur voix;
Et fortant de la poudre une feconde fois,
Le genre humain tremblant, fans appui, fans
refuge,

Ne voit plus de grandeur que celle de fon Juge.
Ebloui des rayons dont il fe fent percer,
L'impie avec horreur voudroit les repouffer.
Il n'est plus temps. Il voit la gloire qui l'op-
prime;

Il tombe enseveli dans l'éternel abîme....
Et loin des voluptés où fut livré fon cœur,
Ne trouve devant lui que la rage & l'horreur.
Le vrai Chrétien lui feul ne voit rien qui l'é-

tonne;

Et fur ce Tribunal que la foudre environne,
Il voit le même Dieu qu'il a cru, fans le voir,
L'objet de fon amour, la fin de fon espoir.
Mais il n'a plus befoin de foi ni d'efpérance:
Un éternel amour en eft la récompenfe.

Poëme de la Religion de Racine.

REMARQUES.

Voilà un morceau de Poéfie qu'on peut appeler fini, tant il renferme de beautés. Ce font là de grandes images, s'il en fut jamais. Quel tableau ! Quelle force d'expreffions! II

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par

eft vrai que le fujet par lui-même ne pouvoit que jetter le Poëte dans un enthousiasme des plus vifs; mais on peut dire qu'il rend faitement l'idée que les livres faints nous don nent de ce grand jour. Remarquez ces figures: Déjà j'entends des mers mugir les flots troublés, déjà je vois pâlir les aftres ébranlés, &c. Cette expreffion, ce Dieu fi long temps invifible, ne doit-elle pas frapper l'efprit & le cœur ? N'eft-ce pas comme s'il difoit: Ce Dieu, après lequel les Juftes ont tant foupiré, fe montre à eux ils le voient enfin, le temps de la Foi eft fini. Il n'y a point de véritables Chrétiens qui ne fe fentent émus & touchés à la récitation d'un pareil morceau, fur-tout à l'endroit qui regarde les Elus, parce qu'il leur rappelle vivement le temps de leur délivrance & la fin des maux qu'ils éprouvent dans cette vie. On ne doit pas oublier cette expreffion, où le Poëte, parlant de l'Impie, dit: Il voit la gloire qui l'opprime, c'eft une application très-jufte de ce paffage de l'Ecriture, Scrutator Majeftatis opprimetur à gloria, & qui convient parfaitement à ces efprits téméraires qui veulent pénétrer dans les decrets éternels, & fonder la profondeur des jugemens de Dieu.

Sur le même fujet.

Le Poëte fait ici une paraphrase du Pseaume 96, Dominus regnavit, exultet terra,

& il y ajoute des traits qui ont rapport au Jugement dernier.

Peuples, élevez vos concerts;

Pouffez des cris de joie & des chants de victoire: Voici le Roi de l'Univers,

Qui vient faire éclater fon triomphe & fa gloire.

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Servent de fondement à son Trône terrible :
Une profonde obfcurité

Aux regards des humains le rend inaccessible.

Les éclairs, les feux dévorans

Font luire devant lui la flamme étincelante; Et fes ennemis expirans

Tombent de toutes parts fous fa foudre brûlante.

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Pleine d'horreur & de refpect,

La terre a treffailli fur fes voûtes britées: Les monts fondus à son aspect, S'écroulent dans le fein des ondes embratées.

De fes jugemens redoutés

La trompette céleste a porté le message,
Et dans les airs épouvantés

En ces terribles mots la voix s'ouvre un paffage :

Soyez à jamais confondus,

Adorateurs impurs des profanes Idoles,

Vous qui par des vœux défendus

Invoquez de vos mains les ouvrages frivoles.

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Miniftres de mes volontés,

Anges, fervez contr'eux ma fureur vengereffe. Vous, mortels que j'ai rachetés, Redoublez à ma voix vos concerts d'allégreffe,

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C'est moi qui du plus haut des Cieux, Du monde que j'ai fait, regle les deftinées; C'est moi qui brife ces faux Dieux, Miférables jouets des vents & des années.

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Par ma présence raffermis,
Méprisez du méchant la haine & l'artifice :
L'ennemi de vos ennemis

A détourné fur eux les traits de leur malice.

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Venez donc, venez en ce jour,

Signaler de vos cœurs l'humble reconnoissance,
Et par un respect plein d'amour
San&ifiez en moi votre réjouiffance.

Rouffeau.

Gémiffemens des Filles de Jerufalem pen dant la captivité de Babylonne.

Déplorable Sion, qu'as-tu fait de ta gloire?
Tout l'Univers admiroit ta fplendeur :
Tu n'es plus que pouffiere, & de cette grandeur

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