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Il vous épargne la pudeur

De les lui découvrir vous-même.

Un fonge, un rien, tout lui fait peur
Quand il s'agit de ce qu'il aime.

La Fontaine.

Chacun fe dit ami, mais fou qui s'y repofe;
Rien n'eft plus commun que ce nom,
Rien n'eft plus rare que la chofe.

Amitié fraîche a ce défaut,
Qu'elle jafe plus qu'il ne faut.

Idem.

La Motte.

Un ennemi nuit plus que cent amis ne fervent.

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Qu'à jamais les dieux m'en préfervent!
La haine veille, & l'amitié s'endort

Sur l'Amour-propre.

Idem.

L'amour-propre est la source en nous de tous les

autres,

C'en eft le fentiment qui forme tous les nôtres.
Lui feul allume, éteint ou change nos defirs:
Les objets de nos vœux le font de nos plaifirs.

Corn. Tit. Bérén.

Les égards nous font dus à tous tant que nous fommes,

Et tout amour-propre a fes droits.

Il faut ménager tous les hommes:

En fait d'orgueil tous les hommes font Rois.

La Motte.

1

Sur l'utilité de l'Apologie ou des Fables

morales.

L'apologue eft un don qui vient des immortels, Ou fi c'est un préfent des hommes, Quiconque nous l'a fait mérite des autels: Nous devons tous tant que nous fommes, Eriger en Divinité

Le Sage par qui fut ce bel art inventé. C'eft proprement un charme : il rend l'ame at- ́ tentive,

Ou plutôt il la tient captive,

Nous attachant à des récits

Qui menent à fon gré les cœurs & les efprits..

Sur l'Avarice.

La Fontaine.

De tous les vices des humains,
Le plus moqué c'est l'avarice;

C'eft auffi le plus fou : bernez-le, c'eft justice,
Quant à moi j'y donne les mains.

Qu'en dirons-nous? ou bien que n'en direz-vous pas?

Peignez l'avare en fa folle difette,

De Belzebuth infâme Anachorete, Qui fait vou fur fon or de renoncer à tout, Qui fe traite lui-même à fa table maudite Comme un effronté parafite

Qu'il voudroit éloigner par un mauvais ragoût. Quand le vice eft opiniâtre,

La fatyre doit l'être auffi.

Allez le bafouer de théâtre en théâtre,

Tant qu'à le corriger vous ayez réuffi.

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SUR LES BIEN S.

Qu'une mesure convenable de biens eft néceffaire à l'homme,

Je fais quel eft le prix d'une honnête abondance Que fuit la joie & l'innocence,

Et qu'un Philofophe étayé

D'un peu de richeffe & d'aifance,
Dans le chemin de fapience
Marche plus ferme de moitié.
Mais j'aime mieux un fage à pied,
Content de fon indépendance,
Qu'un riche indignement noyé
Dans une fervile opulence,
Qui facrifiant tout, honneur, joie, amitié,
Au foin d'augmenter fa finance,

Eft lui-même facrifié

A des biens dont jamais il n'a la jouissance.

Une ame libre & dégagée

Des préjugés contagieux,
Une fortune un peu rangée,
Un corps fain, un esprit joyeux,
Et quelque profe mêlangée
De vers badins ou férieux,
Me font trouver l'apogée
De la félicité des dieux.

Rouleau.

Idem.

SUR LE VRAI BONHEUR.

Qu'il confifte dans la médiocrité & dans une vie hors des embarras & du brillant du monde.

Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux;
Ces deux divinités n'accordent à nos vœux
Que des biens peu certains, qu'un plaifir peu
tranquille :

Des foucis dévorans c'est l'éternel afyle;
Véritable vautour que le fils de Japet
Représente enchaîné fur fon trifte fommet.
L'humble toît eft exempt d'un tribut fi funefte.
Le Sage y vit en paix, & méprife le reste :
Content de fes douceurs, errant parmi les bois,
Il regarde à fes pieds les favoris des Rois.
Il lit au front de ceux qu'un vain luxe environne,
Que la fortune vend ce qu'on croit qu'elle donne ;
Approche-t-il du but, quitte-t-il ce féjour ?
Rien ne trouble fa fin, c'est le foir d'un beau

jour.

Même vérité.

La Fontaine.

Qu'heureux eft le mortel qui, du monde ignoré,
Vit content de foi-même en un coin retiré;
Que l'amour de ce rien qu'on nomme renommée
N'a jamais enivré d'une vaine fumée;

Qui de fa liberté forme tout fon plaifir,
Et ne rend qu'à lui feul compte de son loisir!

1

Il n'a point à souffrir d'affronts ni d'injustices,

Et du peuple inconftant il brave les caprices.

COLER E.

Boileau.

Qu'il y a de gloire d'être maître de fa

colere.

Eft-on héros pour avoir mis aux chaines
Un peuple ou deux ? Tibere eut cet honneur.
Eft-on héros en fignalant fes haines
Par la vengeance? Octave eut ce bonheur.
Eft-on héros en régnant par la peur ?
Séjan fit tout trembler & jufques à fon maître.
Mais de fon ire éteindre le falpêtre,
Savoir fe vaincre, & réprimer les flots
De fon orgueil, c'est ce que j'appelle.être
Grand par foi-même, & voilà mon héros.
Epigramme de Rouffeau.

Sur la Cour des Rois.

Je définis la cour, un pays où les gens
Triftes, gais, prêts à tout, à tout indifférens,
Sont ce qu'il plaît au Prince, ou, s'ils ne peuvent

P'être,

Tâchent au moins de le paroître.

Peuple Caméléon, peuple firge du maître,
On diroit qu'un efprit anime mille corps.

La Fontaine.

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