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L'éléphant répartit : Quoi ! vous ne favez pas Que le rhinocéros me difpute le pas ? Qu'éléphantide a guerre avecque rhinocere? Vous connoiffez ces lieux; ils ont quelque re

nom.

Vraiment je fuis ravi d'en apprendre le nom, Repartit maître Gille, on ne s'entretient guère De femblables fujets dans nos vaftes lambris. L'éléphant, honteux & furpris,

Lui dit: Et parmi nous que venez

faire ?

vous donc

Partager un brin d'herbe entre quelques fourmis. Nous avons foin de tout ; & quant à votre af

faire,

On n'en dit rien encor dans le confeil des dieux. Les petits & les grands font égaux à leurs yeux.

Le Perroquet.

La Fontaine.

Un homme ayant perdu fa femme,
Voulut avoir un perroquet.

Se confole qui peut. Plein de la bonne dame,
Il crut du moins chez lui remplacer fon caquet.
Il court chez l'oifelier. Le marchand de

ramages, Bien afforti de chants & de plumages, Lui fait voir roffignols, ferins & fanfonnets, Sur-tout nombre de perroquets. Le moindre d'entr'eux eft habile, Crie à la cave, & dit fon mot;. L'un fait tous les cris de la ville,

L'autre veut déjeuner, veut qu'on fouette Mar

got.

Tandis que notre homme marchande, Héfite fur le choix, & tout-bas fe demande Lequel vaudra le mieux, il en apperçoit un Qui rêvoit feul tapis sous une table. Et toi, dit-il, monfieur l'infociable, Tu ne dis mot, crains-tu d'être importun? Je n'en pense pas moins, répond en sage bête Le perroquet. Pefte, la bonne tête! Dit l'acheteur. Çà, qu'en voulez-vous? Tant. Le voilà ; je fuis trop content.

Il croit que fon oiseau va lui dire merveille: Mais tout un mois, malgré fes leçons & fes foins,

L'oifeau ne lui frappe l'oreille

Que de fon ennuyeux, je n'en penfe pas moins.
Que maudite foit la pécore,

Dit le maître ! tu n'es qu'un fot,
Et moi cent fois plus fot encore
De t'avoir jugé sur un mot.

La Pie.

La Motte

Un traitant avec un commis,

Le commis un valet, le valet une pie;
Quoique de la rapine ils fuffent tous amis,
Des quatre, l'animal étoit la moins harpie.
Le financier en chef voloit le fouverain,
Le commis en fecond voloit l'homme d'affaire,

Le valet grapilloit, il eût voulu mieux faire,
Et des gains du valet Margot faifoit fa main;
C'est ainsi que toute la vie

N'eft qu'un cercle de volerie.
Le valet donc à fon petit magot

Trouvoit toujours queique mécompte. Qu'est-ce, dit-il? quel eft le coquin qui m'affronte ?

Dans mon taudis il n'entre que Margot,
A tout hafard il vous l'épie,

Et la prend bientôt fur le fait.
Il voit notre galante pie,

Du coin de l'œil faifant le guet,
Prendre à fon bec fa piece de monnoie,
Et puis dans le grenier courant cacher fa proie.
C'étoit-là que Margot avoit fon coffre-fort,
Amaffant fans jouir : bien d'autres ont ce tort.
Oh
ça, dit le valet, en furprenant fa belle,
Je te tiens donc, & mon argent auffi.

Voyez la gentille femelle !

J'en fuis d'avis, on volera pour elle ! Elle en auroit le gain, j'en aurois le fouci. Il prononce à ces mots la fentence mortelle. Margot à fa façon fe jette à fes genoux ; Grace, lui cria-t-elle, un peu plus d'indulgence; Au fond je n'ai rien fait que vous ne faffiez tous: Ou par justice, ou par clémence,

Donnez-moi le pardon qu'il vous faudroit pour

vous.

Ce caquet étoit raisonnable :

Mais le valet inexorable

Lui coupe la parole & lui tord le gofier.

Le plus foible, c'eft l'ordre, eft puni le premier.

Le Fromage.

La Motte.

Deux chats avoient pris un fromage, Et tous deux à l'aubaine avoient un droit égal. Difpute entr'eux pour le partage;

Qui le fera? nul n'eft affez loyal. Beaucoup de gourmandife & peu de confcience, Témoin leur propre fait, le fromage volé. Ils veulent donc qu'à l'audience Dame justice entr'eux vuide le démêlé. Un finge, maître clerc du bailli du village, Et que pour lui-même on prenoit, Quand il mettoit par fois fa robe & fon bonnet, Parut à nos deux chats tout un aréopage. Pardevant Dom Bertrand le fromage eft porté.

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Bertrand s'affied, prend la balance,

Touffe, crache, impofe filence,

Fait deux parts avec gravité,

En charge les baffins : puis cherchant l'équilibre;
Pefons, dit-il, d'un efprit libre,

D'une main circonspecte ; & vive l'équité.
Ça, celle-ci déjà me paroît trop pefante.
Il en mange un morceau : l'autre pese à son tour:
Nouveau morceau mangé par raison du plus
lourd.

Un des baffins n'a plus qu'une légere pente.

Bon, nous voilà contens, donnez, difent les

chats.

Si vous êtes contens, juftice ne l'eft pas,
Leur dit Bertrand: race ignorante,

Croyez-vous donc qu'on fe contente
De paffer comme vous les chofes au gros fas?
Et ce difant, Monfeigneur fe tourmente
A manger toujours l'excédent,

Par équité toujours donne fon coup de dent. De fcrupule en fcrupule avançoit le fromage. Nos plaideurs enfin las des frais,

Veulent le refte fans partage.

Tout beau, leur dit Bertrand, foyez hors de procès.

Mais le refte, Meffieurs, m'appartient comme

epice;

A nous autres auffi nous nous devons justice.
Allez en paix, & rendez grace aux dieux,
Le bailli n'eût pas jugé mieux.

La Motte.

CHAPITRE XI.

Penfees ou Réflexions ingénieufes, & Maximes utiles fur divers fujets rangées par ordre alphabétique.

Q

SUR LES AMIS.

U'UN ami véritable est une douce chofe !

Il cherche vos befoins au fond de votre cœur,

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