P . Il fe plaint, & les dieux font par lui fuppliés Qui veut qu'on trouve fon femblable La Fontaine. L'Ours & l'Amateur des Jardins. Certain ours montagnard, ours à demi léché, Nul animal n'avoit affaire Dans les lieux que l'ours habitoit ; S'ennuyoit auffi de fa part. Il aimoit les jardins, étoit prêtre de Flore, Ces deux emplois font beaux, mais je voudrois Quelque doux & difcret ami. Les jardins parlent peu, fi ce n'est dans mon livre ; De facon que lassé de vivre Avec des gens muets, notre homme un beau matin Va chercher compagnie, & fe met en campagne. fa Tous deux par un cas surprenant, Se rencontrent en un tournant. L'homme eut peur : mais comment efquiver, & que faire ? Se tirer en gafcon d'une femblable affaire L'ours très mauvais complimenteur, Vous voyez mon logis, fi vous vouliez me faire Tant d'honneur que d'y prendre un champétre repas, J'ai des fruits, j'ai du lait ; ce n'est peut-être pas Et bien qu'on foit, à ce qu'il femble, Beaucoup mieux feul qu'avec des fots. Comme l'ours un jour ne difoit pas deux mots, L'homme pouvoit fans bruit vaquer à fon ouO iv vrage. L'ours alloit à la chaffe, apportoit du gibier, D'être bon émoucheur, écartoit du vifage Un jour que le vieillard dormoit d'un profond fomme, Sur le bout de fon nez une allant fe placer, Mit l'ours au défefpoir, il eut beau la chaffer: Je l'attraperai bien, dit-il, & voici comme: Auffi-tôt fait que dit, le fidele émoucheur Vous empoigne un pavé, le lance avec roideur, Caffe la tête à l'homme en écrafant la mouche; Et non moins bon archer que mauvais raifon neur, Roide mort étendu fur la place il le couche. La Fontaine. La Tortue & les deux Canards. Une tortue étoit à la tête légere, Qui, laffe de fon trou, voulut voir le pays. Volontiers on fait cas d'une terre étrangere, Volontiers gens boiteux haiffent le logis. Deux canards à qui la commere Communiqua ce beau deffein, Lui dirent qu'ils avoient de quoi la fatisfaire. Voyez-vous ce large chemin ? Nous vous voiturerons par l'air en Amérique; Vous verrez mainte République, Maint royaume, maint peuple, & vous profi terez Des différentes mœurs que vous remarquerez. Marché fait, les oifeaux forgent une machine Dans la gueule en travers on lui paffe un bâton. L'animal lent & fa maison Justement au milieu de l'un & l'autre oifon. La reine? Vraiment oui, je la suis en effet; De paffer fon chemin fans dire aucune chose; Car lâchant le bâton en defferrant les dents, Elle tombe, elle creve aux pieds des regardans, Son indifcrétion de fa perte fut cause. Imprudence, babil & fotte vanité, Et vaine curiofité, Ont ensemble étroit parentage; La Fon ave L'Elephant & le Singe de Jupiter.. Autrefois l'éléphant & le rhinocéros En difpute du pas & du droit de l'empire Voulurent terminer la querelle en champ clos. Le jour en étoit pris, quand quelqu'un vint leur dire Que le finge de Jupiter Portant un caducée, avoit paru dans l'air, Ce finge avoit nom Gille, à ce que dit l'Hif toire. Auffi-tôt l'éléphant de croire Qu'en qualité d'Ambaffadeur Il venoit trouver la grandeur, Tout fier de ce fujet de gloire, Il attend maître Gille, & le trouve un peu lent A lui présenter fa créance. Maître Gille enfin en passant Va faluer fon excellence. L'autre étoit préparé fur la légation. Mais pas un mot: l'attention Qu'il croyoit que les dieux euffent à sa querelle N'agitoit pas encor chez eux cette nouvelle. Qu'importe à ceux du firmament Qu'on foit mouche ou bien éléphant? Il fe vit donc réduit à commencer lui-même. Mon coufin Jupiter, dit-il, verra dans peu Un affez beau combat de fon trône fuprême; Toute fa cour verra beau jeu. Quel combat, dit le finge avec un front févere? |