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Eloge de la Touraine & des pays que la Loire arrofe. C'eft le même Poëte qui, en racontant un de ses voyages, s'exprime de la maniere fuivante:

Vous croyez bien qu'étant fur fes (a) rivages,
Nos gens
& moi nous ne manquâmes pas
De promener à l'entour notre vue.
J'y rencontrai de fi charmans appas,
Que j'en ai l'ame encore toute émue :
Côteaux rians y font des deux côtés,
fi voifins de la nue

Côteaux non pas
Qu'en Limousin, mais côteaux enchantés.
Belles maisons, beaux parcs & bien plantés,
Prés verdoyans dont ce pays abonde,
Vignes & bois, tant de diverfités

Qu'on croit d'abord être en un autre monde.
Mais le plus bel objet c'est la Loire fans doute.
On la voit rarement s'écarter de fa route.
Elle a peu de replis dans fon cours mefuré;.
Ce n'eft pas un ruiffeau qui ferpente en un pré,
C'eft la fille d'Amphitrite,

C'eft elle dont le mérite,

Le nom, la gloire & les bords
Sont dignes de ces provinces
Qu'entre tous leurs plus grands tréfors
Ont toujours placé nos Princes.
Elle répand fon cryftal
Avecque magnificence,

(a) De la Loire

Et le jardin de la France.
Méritoit un tel canal.

La Fontaine, Euvr. Pofthum.

Eloge de l'Italie, confidérée comme le féjour où repofent les cendres des Auteurs illuftres de la docte antiquité.

Le Poëte adresse la parole à un Seigneur qui avoit été nommé Ambaffadeur pour Rome, & qui devoit bientôt partir.

Vous chérirez cette contrée
Et les précieux monumens
Où leur (a) mémoire confacrée
Survit à la fuite des temps.

xx

Vous aimerez ces doux afyles,
Ces bois où le chant renommé
Des Ovides & des Virgiles
Attiroit Augufte charmé.

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De Tibur vous verrez les traces
Et fur ce rivage charmant

(*) Des Auteurs lagips les plus illuftres.

Vous vous direz ici les Graces

:

De Glycere infpiroient l'amant (a).

xx

Là du Luth du galant Catulle
Lefbie animoit les doux fons;
Ici Properce, ici Tibulle
Soupiroient de tendres chansons.

Aux tombeaux de ces morts célebres
Vénus répand encor des pleurs,

L'amour fur leurs urnes funebres

Attend encor leurs fucceffeurs.

Il garde leurs lyres muettes
Qu'aucun mortel n'ofe toucher,
Et leurs hautbois & leurs trompettes
Que l'on ne fait plus emboucher.

xx

Mufes, amour, ceffez vos larmes
Bientôt dans ces lieux enchantés
Vous verrez revivre les charmes
De vos difciples regrettés.

Tivoli, Blandufe, Albunée,
Noms immortels, facré féjour,
Sur votre rive fortunée
Apollon ramene fa cour.

Greffet.

(a) Horace.

Peintures riantes.

Dans le morceau fuivant, le Poëte, à l'occafion du retour du printemps, foupire après le féjour champêtre, où il a déjà été, & qu'il compte bientôt revoir. Il s'en forme par avance une idée charmante, & dans un enthoufiafime poétique, il en fait une peinture des plus riantes.

Porté par les fonges légers,

Je vois la nouvelle parure

Dont s'embelliffent vos (a) vergers,
Eleve ici de la nature,

L'art lui prêtant fes foins brillans,
Y forme un temple de verdure
A la déeffe des talens.

Sortez du fein des violettes,
Croiffez, feuillages fortunés;
Couronnez ces belles retraites,
Ces détours, ces routes fecrettes
Aux plus doux accords deftinés.
Ma Mufe par vous attendrie,
D'une charmante rêverie
Subit déjà l'aimable loi.

Les bois, les vallons, les montagnes,
Toute la fcene des campagnes

Prend une ame & s'orne pour moi.

(a) Il parle à un ami qui étoit le maître de cette maifon 'de campagne,

Aux yeux de l'ignare vulgaire
Tout eft mort, tout eft folitaire,
Un bois n'eft qu'un fombre réduit,
Un ruiffeau n'eft qu'une onde claire.
Les zéphirs ne font que du bruit.
Aux yeux que Calliope éclaire
Tout brille, tout pense, tout vit.
Ces ondes tendres & plaintives,
Ce font des nymphes fugitives
Qui cherchent à se dégager
De Jupiter pour un berger.
Ces fougeres font animées,
Ces fleurs qui les parent toujours,
Ce font des belles transformées,
Ces papillons font des amours..
Le plaifir avec chaque aurore
Loin du tumulte qu'il abhorre,
Renaît fur ces vallons chéris.
Des guirlandes de la jeuneffe
Les ris couronnent la fageffe,
La fageffe enchaîne les ris;
Et

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pour mieux varier fans ceffe L'uniformité du loifir,

Un goût guidé par la fineffe
Vient unir les arts au plaifir.
Que l'infipide fymmétrie
Regle la ville qu'elle ennuie;
Que les temps y foient concertés
Et les plaifirs même comptés,
La mode, la cérémonie,

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