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La nuit l'enveloppa: fa fierté confondue,
Au lieu de s'enrichir, perdit fon propre bien,
Et l'œil toujours ouvert, voyant tout

rien.

ne vit

Dans ce trouble, ufurpant fon nom & fa puif

fance,

Compagne du déïfme & de la tolérance,
Par l'orgueil foutenue & par la volupté,
Sur un trône éclatant monta l'impiété.

Racine, Epit. à M. Rousseau.
Sur l'Impie.

Les vers fuivans ont quelque rapport avec le fujet précédent. Le Poëte y paraphrafe deux verfets du Pfeaume 36.... Vidi impium fuperexaltatum & elevatum ficut cedros Libani, & tranfivi, & ecce non erat, & quæfivi eum, & non eft inventus locus ejus.

J'ai vu l'Impie adoré fur la terre :

Pareil au cédre, il cachoit dans les Cieux
Son front audacieux;

Il fembloit à fon gré gouverner le tonnerre,
Fouloit aux pieds fes ennemis vaincus :
Je n'ai fait que paffer, il n'étoit déjà plus.

Sur la révélation faite à la Nation Juive.

Le morceau fuivant eft rempli d'inftruction, mais d'une inftruction pleine d'énergie & de force. Le Poëte y fait voir que Dieu

a révélé fes volontés à la nation Juive par les prodiges de fa puiflance, que c'eft lui-même qui a appris aux hommes le culte qu'il vouloit qu'on lui rendît. Il exalte la grandeur du bienfait dont la bonté divine a comblé les hommes en leur envoyant un Dieu Sauveur. Il peint enfuite l'établiffement de l'Eglife & la propagation de la Foi. Il y a dans ce morceau des coups de maître, qui ont mérité l'éloge des plus célebres Poëtes de nos jours.

Aux humains, qu'entraînoit leur pente déréglée,
Que fervoit la raifon par le crime aveuglée ?
Pour trouver à leurs maux un remede vainqueur,
Il falloit pénétrer dans les fources du cœur,
Détromper des faux biens leur efpérance avide,
Propofer à leurs vœux un bonheur plus folide,
Et réglant leurs defirs par leur propre intérêt,
Pour les porter à Dieu, leur montrer ce qu'il eft.
Ce Dieu, dont l'univers avoit perdu l'idée,
D'un rayon de fa grace éclaira la Judée.
Aux Hébreux, que choifit fon amour paternel,
Il apprit que lui feul étoit l'Etre éternel,
Qui difpofe à fon gré des vents & du tonnerre,
Dont la main fur le vuide a fufpendu la terre,
Ouvre aux traits de l'aurore un chemin dans les
airs.

Et foutient la barriere où fe brifent les mers.
C'étoit peu que lui-même annonçât fon effence:
Son bras, aux yeux des Juifs, confirma sa puis-
fance.

Ils ont vu la nature attentive à fes loix,
En lui de fon auteur réconnoître la voix,
Le foleil par fon ordre interrompre fa course,
Le Jourdain étonné remonter vers la fource,
Des monts, à fon aspect, la base s'ébranler,
Les mers fe divifant, devant lui reculer.
Mais en vain, pour fonder la foi de fes oracles,
Il s'explique à leurs yeux par la voix des mira-
cles:

Les prodiges divers qu'il produit chaque jour,
N'ont pu graver en eux la loi de fon amour.
Dans l'efprit effréné de ce peuple indomptable
La vérité s'éclipse, & fait place à la fable:
De fes vœux criminels il ne porte l'ardeur
Qu'à des Dieux qui font nés du penchant de fon

cœur.

Ainfi des nations triomphent les preftiges. Grand Dieu! de ta juftice il n'eft plus de veftiges.

Qu'attends-tu pour punir ces forfaits éclatans? Leur cri jufqu'à ton trône eft monté dès long

temps.

Dans un trop long fommeil ta juftice repofe.
Leve-toi, Dieu vengeur, & viens juger ta caufe.
De ton glaive enflammé fais fortir ces éclairs
Qui pénetrent les Cieux & percent les enfers.
Prens ces traits préparés pour le jour de la guerrei
Sur les aîles des vents fais voler ton tonnerre,
Et qu'un noir tourbillon, dans les airs déployé,
Difperfe les débris du monde foudroyé.

Mais, grand Dieu ! pour jamais perdras-tu ton

ouvrage ?

Non tu dois dans nos cœurs réparer ton image. Hélas! quand viendra donc l'infant, l'heureux inftant,

Où naîtra le Sauveur que l'Univers attend?
Réforme la nature à ton culte opposée :
Commande que les Cieux répandent leur rofée.
De tes dons fur la terre épuise la faveur,
Et qu'un germe immortel enfante le Seigneur....
Enfin va s'accomplir l'auguste Sacrifice
Qui doit du Tout-Puissant défarmer la justice,
Et de l'Etre infini venger la Majefté,
Par un hommage égal à fon immenfité.
De l'homme criminel quel fang lave l'injure?
La victime en mourant confterne la nature,
Le Ciel pâlit d'effroi, le foleil eft voilé,
Les tombeaux font ouverts, le monde eft ébranlé.
Des deffeins du Très-haut quels nouveaux inter-
prêtes

Levent le voile obfcur qui couvroit les Prophetes?
Leurs difcours font fuivis de prodiges fréquens :
Sans étude profonds, fans génie éloquens,
Ils confondent les loix de la fageffe humaine:
L'enfer s'émeut & tremble à leur voix fouve-
raine.

Quel étonnant projet à leurs foins eft commis?
Le Ciel veut que par eux l'Univers foit soumis...
En vain, pour renverfer ce merveilleux ouvrage,
Les enfers déchaînés ont déployé leur rage:

La Foi dans les tourmens fonde un régne plus

sûr,

Et répand un éclat plus brillant & plus pur.
Des douleurs de la mort victime triomphante,
Du fang de fes martyrs l'Eglife fe cimente:
Pour les fuivre au féjour de l'éternel repos,
De leurs cendres renaît un peuple de héros.
Telle eft, constante Foi, ta puiffance divine:
Lorsque l'homme a connu fon augufte origine,
Etranger fur la terre & citoyen des Cieux,
Sur des biens paffagers il n'ouvre plus les yeux;
Pour lui,les faux plaifirs ne font plus qu'un fan-
tôme,

Les fiecles un inftant, l'Univers un atôme,
Les grandeurs un éclair, qui s'efface en naiffant.
Dieu le montre, tout rentre en fon premier néant.
Affelin.

Sur le Jugement dernier.

Un point auffi effentiel de la Foi Chrétienne, que celui du Jugement dernier, a paru digne aux Poëtes d'être revêtu des couleurs de la Poéfie. Lorfqu'ils ont travaillé à nous en faire la peinture, on doit croire qu'ils ont eu pour but de jetter un falutaire effroi dans le cœur des Chrétiens, & de leur donner lieu de penfer à un événement qui fera la décifion de leur bonheur ou de leur malheur éternel. On fait que les Prophetes appellent ce jour, le jour de colere & de vengeance, & qu'ils employent pour le dépeindre les

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