Quel crime contre Electre arme enfin sa famille ? OREST E. Eh bien, il vit encore, il est même en ces lieux. Gardez-vous cependant.... ELECT RE. Qu'il paroiffe à mes yeux. Orefte! fe peut-il qu'Electre te revoie? Montrez-le moi, duffé-je en expirer de joie. Mais hélas! n'eft - ce point lui-même que je vois ? C'eft Orefte, c'est lui, c'eft mon frere & mon Roi. Aux transports qu'en mon cœur fon afpect a fait naître, Eh! comment fi long-temps l'ai-je pu méconnoître ? Je vous revois enfin, cher objet de mes vœux ! Momens tant fouhaités !ô jour trois fois heureux! Vous vous attendriffez! je vois couler vos larmes! Ah! Seigneur, que ces pleurs pour Electre ont de charmes ! Que ces traits, ces regards pour elle ont de douceur ! C'est donc vous que j'embraffe, o mon frere! OREST E. Ah, ma fœur! Mon amitié trahit un important myftere: Eft-ce de moi, cruel! qu'il vous faut défier, Je n'ai craint que l'ardeur d'une joie indifcrete. Palamede pour moi rempli d'un zele extrême, Envierois-je le fort qu'il trouva dans les flots. ELECT R E. Se peut-il qu'en regrets votre cœur fe consume? J'oublie en vous voyant qu'ailleurs peut-être on m'aime, J'oublie auprès de vous jufques à l'amant même. Surmontez comme moi ce penchant trop flatteur Qui femble, malgré vous, entraîner votre cœur. Quel que foit votre amour, les traits d'Iphianaffe N'ont rien de fi charmant que la vertu n'efface. OREST E. La vertu fur mon cœur n'a que trop de pouvoir, Ma fœur ; & mon nom feul fuffit à mon devoir. Non, ne redoutez rien du feu qui me poffede. On vient, féparons-nous. Mais non, c'eft Pala❤ mede. Electre, de Crébillon, Fureur jaloufe. Zaïre, fille de Lufignan, Prince du fang 'des Rois de Jérufalem, étoit aimée d'Orof mane, Soudan de cette ville, & elle étoit fur le point de devenir fa femme, lorfque Lufignan, tiré de la prison où il étoit depuis longues années, la reconnut pour être fa fille, apprit avec douleur qu'elle étoit Mufulmane, & lui fit promettre de fe faire chrétienne, & de s'échapper du palais du Soudan avec Néreftan fon frere, pour paffer en France. C'est dans ces circonftances que le Soudan ayant déclaré à Zaïre que le moment étoit venu où il vouloit l'époufer, elle ne lui ré pond que par fes larmes, & le prie de lui donner du temps; ce qui jette le Soudan, homme fier & colere, dans une vive crainte que Zaïre n'aime Nérettan, ce chrétien que le Soudan ignoroit être fon frere. C'est le fujet de la fcene fuivante dans laquelle Orof mane rend compte à fon confident du trou ble qui l'agitoit. OROSMAN E. Corafmin, quel est donc ce changement extrême? Je la laiffe échapper! Je m'ignore moi-même. CORAS MIN. Vous feul causez fon trouble, & vous vous en Vous accusez peut-être un cœur où vous régnez, OROS MANE. Mais pourquoi donc ces pleurs, ce trouble, cette fuite, Cette douleur fi fombre en ses regards écrite? Quelle lumiere affreuse a passé dans mon cœur ! Ne me déguise rien; mes feux font-ils trahis? Apprends-moi mon malheur... Tu trembles..... Tu frémis.... C'en eft affez. CORAS MIN. Je crains d'irriter vos alarmes. Il eft vrai que fes yeux ont verfé quelques larmes: Mais, Seigneur, après tout je n'ai rien obfervé Qui doive... OROSMAN E. A cet affront je ferois réservé ! Non, fi Zaïre, ami, m'avoit fait cette offenfe, Elle eût avec plus d'art trompé ma confiance...) Le déplaifir fecret de mon cœur agité, Si ce cœur eft perfide, auroit-il éclaté? Que m'importe après tout le fujet de fes pleurs? CORASMIN. N'avez-vous pas, Seigneur, permis, malgré nos loix, Qu'il jouît de fa vue une feconde fois ? |