Prive-moi du bonheur de te revoir encore. Faut-il, pour t'en preffer, embrasser tes genoux (a)? Songe au prix de quel fang je devins ton époux. Frappe mais fouviens-toi que malgré ma fureur, ZÉNOB I E. Leve-toi, c'en eft trop: puifque je te pardonne, Que fervent les regrets où ton cœur s'abandonne? : à Va, (a) Il fe jette à fes genoux. RHADAMISTE. Jufte Ciel! fe peut-il que des nœuds légitimes Sans que mes cruautés, ni l'amour de mon frere Ce Prince, cet amant fi grand, fi généreux, Te faffe détester un époux malheureux ! Et puis-je me flatter qu'infenfible à fa flamme Tu dédaignes les vœux du vertueux Arfame! Que dis-je ? trop heureux que pour moi dans ce jour Le devoir dans ton cœur me tienne lieu d'amour! ZÉNOBIE. Calme les vains foupçons dont ton ame eft saifie, ner, Eft un cœur que fans crime on ne peut soupçon ner. RHADAMISTE. Pardonne, chere époufe, à mon amour funefte Pardonne des foupçons que tout mon cœur dé tefte. Plus ton barbare époux eft indigne de toi, Rends-moi ton cœur ta main, ma chere Zéno bie, Et daigne dès ce jour me fuivre en Arménie : Rhadamifte & Zénobie, de Crébillon. Tendreffe de frere & de fœur. Ægifte, fils de Thiefte, étoit le meurtrier d'Agamemnon, pere d'Orefte & d'Electre; il avoit même époufé Clytemneftre, fon adul tere, & veuve d'Agamemnon. Les amis d'Agamemnon vouloient venger fa mort. On attendoit pour l'exécution de ce deffein le retour d'Öreste, qui paffoit pour Tydée. Electre ne le connoiffoit pas pour fon frere. On lui avoit fait croire qu'il étoit mort, de peur qu'Ægifte ne le fît périr. C'eft dans ces circonftances qu'Oreste, dans une converfation avec Electre, ne peut plus fe cacher à fa fœur qui lui parloit de la vive amitié qu'elle avoit pour ce cher frere, & il fe fait connoître à elle. (a) L'Empereur Néron. OREST E. Je vous cherche, Madame. Tout femble déformais fervir notre courroux. Votre indigne ennemi va tomber fous nos coups. Savez-vous quel héros vient à notre défense, Quelle main avec nous frappe d'intelligence? Le Ciel à vos amis vient de joindre un vengeur Que nous n'attendions plus. ELECTRE. Et quel eft-il, Seigneur ? Que dis-je ? puis - je encor méconnoître mon frere? N'en doutons plus, c'eft lui. OREST E. Madame, c'eft mon pere. ELECT R. E. Votre pere, Seigneur ! & d'où vient qu'aujourd'hui Orefte à mon fecours ne vient point avec lui? Peut-il abandonner une triste Princesse ? Eft-ce ainfi qu'à me voir fon amitié s'empreffe ? OREST E. Vous le favez, Oreste a vu les fombres bords, Et l'on ne revient point de l'empire des morts. ELECT RE. Et n'avez-vous pas cru, Seigneur, qu'avec Orefte Palamede avoit vu cet empire funefte? Il revoit cependant la clarté qui nous luit. J'ai vu dans ce palais une marque affurée 1 Hélas! qui mieux que vous doit en être éclairci? Ne me le cachez point, Orefte vit encore. Pourquoi me fuir ? pourquoi vouloir que je l'i gnore ? J'aime Orefte, Seigneur : un malheureux amour |