La flamme de trop près viendroit frapper vos yeux. Surtout, fi vous m'aimez, par cet amour de mere, Ne reprochez jamais mon trépas à mon pere. CLYTEMNESTRE. Lui, par qui votre cœur à Calchas préfenté... IPHIGÉNIE. Pour me rendre à vos pleurs que n'a-t-il point tenté ? CLYTEMNESTRE. Par quelle trahifon le cruel m'a déçue! IPHIGÉNIE. ; Il me cédoit aux dieux dont il m'avoit reçue. Ma mort n'emporte pas tout le fruit de vos feux De l'amour qui vous joint vous avez d'autres nœuds: ! Vos yeux me reverront dans Orefte mon frere. Puiffe-t-il être, hélas ! moins funefte à sa mere D'un peuple impatient vous entendez la voix : Daignez m'ouvrir vos bras pour la derniere fois, Madame, & rappelant votre vertu fublime... Eurybate, à l'autel conduifez la victime (a). CLYTEMNESTRE. Ah! vous n'irez pas feule, & je ne prétends pas... (a) Elle s'échappe & s'en va. Mais on fe jette en foule au - devant de mes pas. Perfides, contentez votre foif fanguinaire. EGINE. Où courez-vous, Madame, & que voulez-vous faire? CLYTEMNESTRE. Hélas! je me confume en impuiffans efforts, On fait qu'Iphigénie ne fut point facrifiée, & que ce n'étoit point elle que l'oracle demandoit : c'étoit une autre Princeffe, une autre Iphigénie, fille d'Hélene & de Théfée, appelée de ce nom par fa mere, & connue fous celui d'Eriphile. On peut voir le dénouement de cette tragédie dans la narration du même Poëte; on l'a inférée cidevant parmi les narrations, pag. 101. Tendreffe conjugale. Rhadamifte, Roi d'Arménie, voyant le trouble dans fes Etats, & craignant que Zénobie fa femme, fille de Mithridate, ne devînt la proie de Tiridate fon ennemi, la poignarda dans le transport de la jaloufie qui le tourmentoit, & la jetta dans un fleuve. Le coup ne fut pas mortel, & Zénobie fut fauvée des flots: elle fe réfugia à la cour de Pharafmane, Roi d'Ibérie & pere de Rhadamiste : là elle paffa plufieurs années, cachée fous le nom d'Ifménie, & dans la condition d'une étrangere, plutôt efclave que libre. Elle y fut aimée d'Arfame, fils de Pharafmane, & de Pharafmane lui-même; mais elle aima l'un & détefta l'autre. C'est dans ces circonftances que Rhadamifte eft envoyé en qualité d'Ambaffadeur de la part des Romains chez Pharafmane. Là, il a occafion d'entretenir Zénobie en particulier, & ils viennent à fe reconnoître. ZÉNOBI E. Seigneur, eft-il permis à des infortunées, Qu'au joug d'un fier tyran le fort tient enchaî nées, D'ofer avoir recours, dans la honte des fers, Que vois-je ? ah, malheureux ! quels traits! quel fon de voix ! Juftes dieux! quel objet offrez-vous à ma vue? ZÉNOBI E. D'où vient à mon aspect que votre ame est émue, Seigneur ? RHADAMISTE. Ah! fi ma main n'eût pas privé du jour.. ZÉNOBI E. Qu'entends-je ? quels regrets? & que vois-je à mon tour ? Trifte ressouvenir ! je frémis, je friffonne, cœur. RHADAMISTE. 'Ah! je n'en doute plus au transport qui m'anime. Ma main, n'as-tu commis que la moitié du crime? Victime d'un cruel contre vous conjuré, Trifte objet d'un amour jaloux, désespéré, Qué ma rage a pouffé jusqu'à la barbarie, Après tant de fureurs, eft-ce vous, Zénobiet ZÉNOBI E. Zénobie ! ah! grands dieux ! cruel, mais cher époux ! 'Après tant de malheurs, Rhadamifte, eft-ce vous? RHADAMISTE. Se peut-il que vos yeux le puiffent méconnoître? Oui, je fuis ce cruel, cet inhumain, ce traître, Cet époux meurtrier. Plut au Ciel qu'aujourd'hui Vous euffiez oublié fes crimes avec lui! O dieux ! qui la rendez à ma douleur mortelle, Que ne lui rendez-vous un époux digne d'elle! Par quel bonheur le Ciel, touché de mes regrets, Me permet-il encor de revoir tant d'attraits ? Quoi! vous verfez des pleurs ! ZÉNOB I E. Malheureuse ! & comment N'en répandrois-je pas dans ce fatal moment? RHADAMISTE. Quoi! loin de m'accabler, grands dieux ! c'eft Qui craint de me hair & qui s'en justifie! |