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MÉ DÉ E.

'Avec fincérité je dois auffi vous dire
Qu'affez malaifément on fort de mon empire
Et que quand jufqu'à moi j'ai permis d'afpirer
On ne s'abaiffe plus à vous confidérer.
Profitez des avis que ma pitié vous donne.

HYPSIPHILE.

A vous dire le vrai, cette hauteur étonne.
Je fuis Reine, Madame, & les fronts couronnés...

MÉDÉE.

Et moi, je fuis Médée; & vous m'importunez. Corneille, Toifon-d'Or.

Une femme qui avoit été témoin du combat des trois Horaces, mais qui n'en avoit pas vu la fin, vient annoncer au vieil Horace, que deux de fes fils ont été tués, & que le troifieme fe voyant hors détat de réfifter contre trois, avoit pris la fuite. Le pere alors outré de la lâcheté de fon fils, entre en indignation contre lui; fur quoi fa fille, qui étoit là préfente, lui ayant dit:

Que vouliez-vous qu'il fit contre trois ?

Il répond froidement :

Qu'il mourût.

Il n'eft pas douteux que le fublime qu'il dans le fentiment exprimé par ces paroles, vient de l'étonnement où nous jette le vieil

ya

Horace, qui, fur ce qu'on lui demande ce qu'il eût voulu qu'eût fait fon fils, répond froidement qu'il n'avoit qu'à mourir, comme fi mourir étoit la plus petite chofe du monde: c'est cet air simple, cet air grand à la fois & naïf, qui produit cet effet fur nous, qui, craignant la mort infiniment, tombons d'étonnement à l'afpect d'un homme qui a pour la mort une fi grande indifférence.

Alexandre ayant vaincu Porus, Roi dans les Indes, Prince rempli d'un courage admirable, lui parle ainsi :

Votre fierté, Porus, ne fe peut abaisser : Jufqu'au dernier foupir vous m'ofez menacer. En effet, ma victoire er doit être alarmée, Votre nom peut encor plus que toute une armée: Je m'en dois garantir. Parlez donc, dites-moi, Comment prétendez-vous que je vous traite?

PORUS.

ALEXANDRE.

En Roi,

Hé bien, c'est donc en Roi qu'il faut que je vous traite.

Je ne laifferai point ma victoire imparfaite. Vous l'avez fouhaité, vous ne vous plaindrez pas : Régnez toujours, Porus, je vous rends vos Etats,

Alexandre de Racine.

Prufias, Roi de Bithynie, Prince foible, & à qui la grande puiffance des Romains

caufoit des frayeurs indignes de fon rang, parle ainfi à fon fils Nicomede dont le courage étoit fort élevé :

Mais donnons quelque chofe à Rome qui se plaint, Et tâchons d'affurer la Reine qui vous craint..... Je veux mettre d'accord l'amour & la nature, Etre pere & mari dans cette conjon&ure...

NICOM E D E.

Seigneur, voulez-vous bien vous en fier à moi? Ne foyez l'un ni l'autre.

PRUSIA S.

Et que dois-je être ?

NICOMEDE

Roi.

Reprenez hautement ce noble caractere:
Un véritable Roi n'eft ni mari ni pere;
Il regarde fon trône, & rien de plus. Régnez :
Rome vous craindra plus que vous ne la craignez.
Nicomede, de Corneille.

Brutus reprochoit à Céfar qu'il avoit opprimé la liberté de Rome; & Céfar lui répondoit en ces termes :

Ah! c'eft ce qu'il falloit reprocher à Pompée ;
Par fa feinte vertu la tienne fut trompée.
Ce citoyen fuperbe, à Rome plus fatal,
N'a pas même voulu Céfar pour fon égal,

Crois-tu, s'il m'eût vaincu, que cette ame hau

taine

Eût laifle refpirer la liberté Romaine?

Ah! fous un joug de fer il t'auroit accablé.
Qu'eût fait Brutus alors?

Mais Brutus lui répond:

Brutus l'eût immolé.

Mort de Cefar, de Voltaire.

Emilie, dame Romaine, avoit donné lieu à une confpiration contre la vie d'Augufte. Elle n'avoit promis fa main à Cinna que fous la condition qu'on vengeroit la mort de fon pere C. Toranius, qui avoit été profcrit pendant le triumvirat d'Augufte. Elle exhorte Cinna à perfévérer dans fon deffein, & elle parle d'Augufte en cet endroit :

Quelque foin qu'il fe donne, & quelque ordre qu'il tienne,

Qui méprife fa vie, eft maître de la fienne.
Plus le péril eft grand, plus doux en est le fruit,
La vertu nous y jette, & la gloire le suit.
Regarde le destin de Brute & de Caffie;

La fplendeur de leur nom en eft-elle obfcurcie? Sont-ils morts tout entiers avec leurs grands deffeins?

Ne les compte-t-on plus pour les derniers Ro mains?....

Va marcher fur leurs pas où l'honneur te convie, Mais ne perds pas le foin de conferver ta vie,

1

Et ailleurs Cinna lui dit :

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S'il eft pour me trahir des efprits affez bas
Ma vertu pour le moins ne me trahira pas,
Vous la verrez brillante au bord des précipices
Se couronner de gloire en bravant les fupplices.
S'il faut fubir le coup d'un deftin rigoureux,
Je mourrai tout enfemble heureux & malheu-

reux:

Heureux pour vous fervir, de perdre ainfi la vie : Malheureux de mourir fans vous avoir fervie. Cinna, de Corneille.

La conjuration contre Augufte, dont les chefs étoient Cinna & Maxime, ayant été découverte, Maxime, qui aimoit Emilie, en faveur de laquelle cette conjuration avoit été formée, lui confeilloit de fuir avec lui, & lui parle en ces termes:

Prenons notre avantage avant qu'on nous pourfuive:

Nous avons pour partir un vaiffeau fur la rive.... Avec la même ardeur je faurai vous chérir, Que....

EMILIE.

Tu m'ofes aimer & tu n'ofes mourir? Tu prétends un peu trop : mais quoi que tu pré

tendes,

Rends-toi digne du moins de ce que tu demandes,.....

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