Des mers l'intariffable fource
Fournit les eaux qui dans leur course Répandent la fécondité.
A mes befoins tout eft fidele, Et la nature universelle
Confpire à ma félicité.
Mon efprit à la fois dévore Les temps futurs & révolus; Je vois ce qui n'est pas encore Et j'apperçois ce qui n'est plus : Tout m'est préfent. Vaftes pensées, Qu'en votre effor je fens preflées Par l'univers trop limité, Soutenez-moi dans mon audace D'un vol je vais franchir l'efpace- Qu'enferme en foi immenfité.
Tout me furprend dans la nature ; La méchanique de mon corps M'étonne autant par fa ftru&ture, Que par le jeu de fes refforts. Cet objet épuife mes veilles, Et je me perds dans ces merveilles Où ne fauroit atteindre l'art. Qui l'anima? Qui le fit naître? Eft-ce la main d'un premier être, Ou le caprice du hafard?...
Strophes tirées d'une Ode fur la Foi.
Divine foi, dont la puiffance Guide nos efprits à ton gré, Je me vois par ton influence Au fein de la Divinité. Quel éclat! mon ame éperdue Ne fauroit foutenir la vue D'un Dieu fi terrible & fi grand; Et devant fa majesté fainte Mon cœur fe perd faifi de crainte Dans les abîmes du néant,
L'immensité fait son royaume: Ce vafte monde tel qu'il eft, Devant lui n'eft plus qu'un atome; Dans l'infini tout disparoît.
Mais l'homme infulte à fa puiffance, Et, jaloux de l'indépendance, Veut s'égaler au Créateur.
Cieux! fuyez. Que la terre tremble.
Que tous les élémens enfemble Vengent les droits de leur auteur.
Quelle est la main qui dans leur courfe
Retint des flots tumultueux,
Et du Jourdain jufqu'à fa fource Fit le reflux impétueux ?
Sous cette main toute-puiffante,
Notre cœur qu'entraînoit fa pente, Sent vers le Ciel un faint retour; Et cherchant fa fource fuprême, Il va fe perdre dans Dieu même Par le reflux de fon amour.
Rempli d'un espoir qui m'enflamme, Seigneur, quel divin mouvement De l'excellence de mon ame Fait naître en moi le fentiment? Cette ame à toi toute livrée Doit à jamais être enivrée Du torrent de ta volupté, Vivre abîmée en ton effence,
Et contemplant ta gloire immense, Partager ta félicité.
Infenfés, dont l'orgueil infulte A ces fublimes vérités, Qui blafphêmez contre le culte Du Dieu par qui vous exiftez; Plongés dans une nuit funefte, Des biens purs, du bonheur célefte Vous n'avez point connu le prix: Diffipez les ombres du vice,
Et du foleil de la justice
Le jour luira fur vos efprits.
Extrait d'une Ode de Rouffeau, dans la
quelle ce célebre Poëte fait voir que l'Hiftoire fauve de l'oubli des temps la mémoire des héros.
Ce vieillard qui, d'un vol agile Fuit fans jamais être arrêté, Le temps, cette image mobile De l'immobile éternité, A peine du fein des tenebres Fait éclore les faits célebres Qu'il les replonge dans la nuit: Auteur de tout ce qui doit être, Il détruit tout ce qu'il fait naître A mesure qu'il le produit.
Mais la déeffe de mémoire, Favorable aux noms éclatans, Souleve l'équitable histoire Contre l'iniquité des temps; Et dans les registres des âges Confacrant les nobles images Que la gloire lui vient offrir, Sans ceffe en cet augufte livre Notre fouvenir voit revivre
Ce que nos yeux ont vu périr.
C'est là que fa main immortelle,
la déeffe aux cent voix,
Saura dans un tableau fidele
Immortalifer les exploits.
L'avenir faifant fon étude De cette vafte multitude D'incroyables événemens, Dans leurs vérités authentiques Des fables les plus fantaftiques Retrouvera les fondemens.
Ce n'eft point d'un amas funefte De maffacres & de débris Qu'une vertu pure & céleste Tire fon véritable prix.
Un héros qui de la victoire Emprunte fon unique gloire, N'eft héros que quelques momens; Et pour l'être toute fa vie, Il doit oppofer à l'envie
De plus paifibles monumens.
En vain fes exploits mémorables Etonnent les plus fiers vainqueurs : Les feules conquêtes durables Sont celles qu'on fait fur les cœurs, Un tyran cruel & fauvage Dans les feux & dans le ravage N'acquiert qu'un honneur criminel: Un vainqueur qui fait toujours l'être, Dans les cœurs dont il fe rend maître S'éleve un trophée éternel,
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