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e.

Pouffe un cri dans les airs & fuit de ce féjour,
Où pour vaincre autrefois le Ciel le mit au jour;
Il fuit. Mais quel objet pour cette ombre aliar-

mée !

Il voit ces vaftes champs couverts de notre ar

mée;

L'Anglois deux fois vaincu, fuyant de toutes

parts,

Dans les mains de Louis laiffant fes étendards; Le Belge en vain caché dans ses villes tremblantes;

Les murs de Gand tombés fous fes mains fou-r
droyantes,

Et fon char de victoire en fes vaftes remparts,
Ecrafant le berceau du plus grand des Céfars.

Les portraits qu'on vient de voir à la tête de cette defcription, font de main de maître. La vérité a conduit le pinceau ; les traits font hardis, les couleurs frappantes. L'image que le Poëte a tracée du combat, produit une f efpece de faififfement mêlé d'admiration tant elle eft vive & frappante, tant, elle eft décrite avec feu. Les éloges des héros François font d'une grande élévation : la pompe, T'harmonie & l'énergie des expreffions, jettent un grand éclat fur tout cet endroit. Enfin, les avantages que produifit la victoire de Fontenoy, font décrits avec la plus grande nobleffe.

Le Poëte', dans la description fuivante

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fait la peinture du maffacre de la S. Barthelemy, arrivé en France l'an 1572, fous le regne de Charles IX. C'eft Henri IV, qui n'étoit alors que Roi de Navarre, que le Poëte fait parler ainfi à Elifabeth, Reine d'Angleterre.

Qui pourroit cependant exprimer les ravages
Dont cette nuit cruelle étala les images?
La mort de Coligni (a), prémice des horreurs,
N'étoit qu'un foible effai de toutes leurs fureurs.
D'un peuple d'affaffins les troupes effrénées,
Par un aveugle zele au carnage acharnées,
Marchoient le fer en main, les yeux étincelans,
Sur les corps étendus de nos freres fanglans...
Et portant devant eux la lifte de leurs crimes,
Les conduifoient au meurtre, & marquoient leurs
victimes.

Je ne vous peindrai point le tumulte & les cris,
Le fang de tous côtés ruiffelant dans Paris ;
Le fils affaffiné fur le corps de fon pere,
Le frere avec la foeur, la fille avec la mere;
Les époux expirans fous leurs toits embrâfés,
Les enfans au berceau fous la pierre écrasés:
Des fureurs des humains c'eft ce qu'on doit at-
tendre....

Du haut de fon palais excitant la tempête,

(a) L'Amiral de Coligni étoit alors âgé de 82 ans, & fogeoit dans une maifon qui eft aujourd'hui l'Hôtel de Montbazon, rue Bérifi.

Médicis (a) à loifir contemploit cette fête.
Ses cruels favoris d'un regard curieux

Voyoient les flots de fang regorger fous leurs

yeux;

Et de Paris en feu les ruines fatales

Etoient de ces héros les pompes triomphales...
On eût dit que du haut de fon Louvre fatal
Médicis à la France eût donné le fignal.
Tout imita Paris: la mort fans résistance
Couvrit en un moment la face de la France.
Quand un Roi veut le crime, il eft trop obéi.
Par cent mille affaffins fon courroux fut fervi,
Et des fleuves François les eaux enfanglantées
Ne portoient que des morts aux mers épou-
vantées.

Henriade, de Voltaire.

Imitation de la defcription que fait Ovide, dans fes Métamorphofes (b), de la demeure du Sommeil.

Sous les lambris mouffus de ce fombre palais, Echo ne répond point & semble être afsoupie. La molle oifiveté fur le feuil accroupie

N'en bouge nuit & jour, & fait qu'aux environs Jamais le chant des coqs ni le bruit des clairons Ne viennent au travail inviter la nature.

Un ruiffeau coule auprès & forme un doux mur

mure.

(a) Voyez fon portrait, dans la matiere des portraits. (b) Métamorph. Lív. 11.

Les pavots dédiés au Dieu de ce féjour
Sont les feules moiffons qu'on cultive à l'entour.
De leurs fleurs en tout temps fa demeure eft
femée :

Il a prefque toujours la paupiere fermée.
Je le trouvai dormant fur un lit de pavots.
Les fonges l'entouroient fans troubler fon repos.
De fantômes divers une cour men fongere,
Vains & frêles enfans d'une vapeur légere,
Troupe qui fait charmer le plus profond ennui,
Prête aux ordres du Dieu, voloit autour de lui.
Là cent figures d'air en leurs moules gardées,
Là des biens & des maux les légeres idées,
Prévenant nos deftins, trompant notre defir,
Formoient des magafins de peine ou de plaifir.
La Fontaine, Euvres Pofthumes.

Defcription des Cieux...

Le Poëte les confidere ici comme cet ef pace immenfe que nous voyons fur nos têtes, & relativement au fyftême de M. Newton.

Dans le centre éclatant de ces orbes immenfes, Qui n'ont pu nous cacher leur marche & leurs distances,

Luit cet aftre du jour par Dieu même allumé,
Qui tourne autour de foi fur fon axe enflammé.
De lui partent fans fin des torrens de lumiere:
Il donne en fe montrant la vie à la matiere
Et difpenfe les jours, les faifons & les ans

A des mondes divers autour de lui flottans.
Ces aftres, affervis à la loi qui les presse,
S'attirent dans leur course, & s'évitent fans ceffe;
Et fervant l'un à l'autre & de regle & d'appui,
Se prêtent les clartés qu'ils reçoivent de lui.
Au-delà de leur cours, & loin dans cet espace
Où la matiere nage, & que Dieu feul embraffe,
Sont des foleils fans nombre & des mondes fans

fin:

Dans cet abîme immenfe il leur ouvre un chemin. Par-delà tous ces Cieux le Dieu des Cieux réfide... Henriade, Chant VII.

DES PORTRAITS.

On doit faire les mêmes obfervations fur les portraits, que nous avons faites fur les defcriptions ou les peintures vives. Ils ne font autre chofe que ce que les Rhetoriciens ap pellent Epopee, c'eft à-dire, la peinture du caractere & des mœurs d'une perfonne, ou les différens attributs de quelque vertu ou de quelque vice qui font fouvent perfonnifiés par le Poëte. Ils doivent être foutenus par des images vives & expreffives, qui aient une parfaite conformité avec le caractere de la perfonne ou la nature de la chofe qu'on veut dépeindre. Ce font les tableaux de la poéfie de même que les defcriptions.

(a)

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