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J'ai vu dans fon malheur la gloire de fa mort.
Monté fur les vaiffeaux & voyant nos geres
Il croyoit que le Roi, touché de ses miferes,
Par un beau fentiment d'honneur & de devoir,
Avec toute fa cour le venoit recevoir.

Mais voyant que ce Prince, ingrat à fes mérites
N'envoyoit qu'un efquif rempli de fatellites.....
Il réduit tous fes foins, dans ce preffant ennui,
A ne hafarder pas Cornélie avec lui.
<< N'expofons, lui dit-il, que cette feule tête
» A la réception que l'Egypte m'apprête;

» Et tandis que moi feul j'en courrai le danger, » Songe à prendre la fuite, afin de me venger ». Pendant que leur amour en cet adieu contefte, Achillas à fon bord joint fon efquif funefte.. Septime fe préfente, &, lui tendant la main, Le falue Empereur en langage Romain; Et comme député de ce jeune Monarque: « Paffez, Seigneur, dit-il, paffez dans cette >>> barque:

» Les fables & les bancs cachés deffous les eaux >> Rendent l'accès mal sûr à de plus grands vaif>> feaux ».

Ce héros voit la fourbe, & la brave en fon ame
Il reçoit les adieux des fiens & de fa femme,
Leur défend de le fuivre, & s'avance au trépas
Avec le même front qu'il donnoit les états..
La même majefté, fur fon vifage empreinte,
Entre ces affaffins montre un efprit fans crainte...
On l'amene; & du port nous le voyons venir,

Sans que pas un d'entr'eux daigne l'entretenir. Ce mépris lui fait voir ce qu'il en doit attendre. Si-tôt qu'on a pris terre, on l'invite à defcendre. Il fe leve, & foudain pour signal Achillas Derriere ce héros tirant fon coutelas,

Septime & trois des fiens, lâches enfans de Rome, Percent à coups preffés les flancs de ce grand homme.

Tandis qu'Achillas même, épouvanté d'horreur,
De ces quatre affaffins admire la fureur....
Mais voyez ce que fait ce généreux courage:
D'un des pans de fa robe il couvre fon vifage.
Aucun gémiffement à fon cœur échappé,
Ne le montre en mourant digne d'être frappé....
Sa vertu dans leur crime augmente ainsi son luftre,
Et fon dernier foupir eft un foupir illuftre,
Qui, de cette grande ame achevant les deftins,
Etale tout Pompée aux yeux des affaffins.
Sur les bords de l'efquif fa tête enfin penchée
Par le traître Septime indignement tranchée,
Paffe au bout d'une lance en la main d'Achillas,
Ainfi qu'un grand trophée après de grands cons

bats....

La trifte Cornélie, à cet affreux fpectacle,
Par de longs cris aigus tâche d'y mettre obstacle,
Défend ce cher époux de la voix & des yeux,
Puis, n'espérant plus rien, leve les mains aux
Cieux,

Et cédant tout-à-coup à la douleur plus forte,
Tombe dans fa galere évanouie ou morte....

Mais la mort de Pompée a produit un effet
Dont notre Roi ne peut être fort fatisfait.
Ses vaiffeaux en bon ordre ont éloigné la ville,
Et pour joindre Céfar n'ont avancé qu'un mille.
Il venoit à plein voile, & fi dans les hafards
Il éprouva toujours pleine faveur de Mars,
Sa flotte qu'à l'envi favorifoit Neptune,
Avoit le vent en pouppe ainfi que sa fortune.
Dès le premier abord notre Prince étonné,
Ne s'eft plus fouvenu de fon front couronné ;
Sa frayeur a paru fous fa fauffe allégreffe ;
Toutes les actions ont fenti la baffeffe.

J'en ai rougi moi-même, & me fuis plaint à moi
De voir là Ptolomée, & n'y voir point de Roi;
Et Céfar qui lifoit fa peur fur fon visage,
Le flattoit par pitié pour lui donner courage.
Lui d'une voix tombante offrant ce don fatal:
Seigneur, vous n'avez plus, lui dit-il, de rival,
Cet

que n'ont pu les dieux dans votre Theffalie »Je vais mettre en vos mains Pompée & Cor»nélie,

>> En voici déjà l'un, & pour l'autre elle fuit; » Mais avec fix vaiffeaux un des miens la

» fuit ».

pour

A ces mots Achillas découvre cette tête.
Il femble qu'à parler encore elle s'apprête,
Qu'à ce nouvel affront un refte de chaleur
En fanglots mal formés exhale fa douleur....)
Céfar à cet afpect comme frappé de foudre,
Et comme ne fachant

que croire ou que

réfoudre,

Immobile & les yeux fur l'objet attachés,
Nous tient affez long-temps fes fentimens cachés,
S'il aime fa grandeur, il hait la perfidie ;
Il fe juge en autrui, se tâte, s'étudie,
Examine en fecret fa joie & fes douleurs,
Les balance, choifit, laisse couler des pleurs,
Lâche deux ou trois mots contre cette infolence,
Puis tout trifte & penfif il s'obstine au filence;
Enfuite il fait ôter ce préfent de ses yeux,
Leve les mains ensemble & les regards aux Cieux,
Enfin ayant pris terre avec trente cohortes
Il fe faifit du port, il se faifit des portes,
Met des gardes par-tout, & des ordres fecrets,
Fait voir fa défiance ainfi que fes regrets,
Parle d'Egypte en maître, & de fon adverfaire,
Non plus comme ennemi, mais comme fon bear-
pere.

Voilà ce que j'ai vu.

Mort de Pompée, de Corneille.

DES IMAGES.

Les images font une des grandes fources de la beauté des defcriptions & des narrations, en un mot de toutes les peintures vives: elles confiftent à donner, pour ainfi dire, du corps & de la réalité aux chofes dont on parle, & à les peindre par des traits vifibles qui remuent l'imagination & qui montrent un ob jet fenfible. Les images font, à proprement parler, cette figure que les Rhétoriciens ap

pellent Hypotypofe, & dont le propre eft de peindre les chofes avec des couleurs fi vives, qu'on s'imagine les voir de fes yeux & non fimplement en entendre le récit. Leur effet eft d'émouvoir & d'affecter notre ame au gré du Poëte; elles font foutenues par des métaphores, des comparaifons, & autres figures de l'art; car la poéfie eft toute riche en images. Et qu'on ne s'étonne pas de cet effet admirable des images: ces fortes de peintures frappant notre imagination, excitent des fentimens dans notre cœur par le rapport & l'analogie qu'elles ont avec nos différentes affections. Nous fommes lents à faifir ce qui ne touche point nos fens ; il faut donc, fi on veut nous plaire, intéreffer notre imagination & remuer notre cœur. D'ailleurs les grandes images ont pour nous un grand charme; elles tiennent toujours par quelque coin au merveilleux or le merveilleux a un grand pouvoir fur nous, il maîtrise notre imagination avec une force impérieufe. On doit ajouter à cela, que l'harmonie qui regne dans les vers, contribue à les rendre plus belles, parce qu'elle nous les préfente par tous les côtés les plus gracieux, c'eft à-dire, les oreilles & l'imagination."

Jozabet, tante de Joas, Roi de Juda, raconte au Grand-Prêtre Joad comment elle fauva ce jeune Prince du carnage qu'Athalie fit faire des enfans d'Ochofias, qui étoient fes petits-fils.

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