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La méthode philosophique, nécessaire partout, et jusque dans les ouvrages de pur agrément pour en varier les détails et pour établir l'unité de but, ou d'intérêt, ou d'action, est surtout indispensable dans les sciences pour assurer leurs progrès en conservant l'unité d'idée. Toute science est une suite de raisonnemens. Une suite de raisonnemens est une suite de propositions identiques. Une suite de propositions identiques est une suite de propositions dans chacune desquelles une même idée se montre sous différentes expressions. Une suite de propositions où la même idée reparaît sous des expressions toujours nouvelles, doit être nécessairement une suite dans laquelle de nouveaux points de vue d'une même idée se montrent successivement. Mais une telle suite met à découvert l'origine et la succession des points de vue de cette idée : par conséquent, la méthode philosophique qui procède toujours par une suite de raisonnemens, est la méthode même qui nous

montre l'origine et les développemens successifs des idées.

Maintenant, on le voit, les quatre questions qu'on nous donne à résoudre se réduisent à une question unique, envisagée sous quatre points de vue: traiter de la méthode philosophique, c'est remonter à l'origine de nos connaissances; c'est découvrir la source commune de toutes nos erreurs; c'est approfondir les principes des

sciences.

Telle est la langue du raisonnement. En passant d'une proposition à d'autres propositions, elle nous fait toujours sentir l'ordre qui les enchaîne, la liaison qui les rapproche, l'identité qui les confond, et, pour tout dire, l'unité d'objet sur lequel elles reposent.

En nous donnant ainsi l'exemple et le précepte, on ne nous dit pas seulement ce que nous avons à faire, on nous le montre.

Il fallait en effet pouvoir ramener l'objet entier du cours à une idée fondamentale; sans quoi, nous aurions cru voir l'obligation de vous enseigner plusieurs sciences

quand nous devions ne vous en enseigner qu'une. Il fallait que cette idée fondamentale fût l'idée même de la méthode, puisque le cours est principalement destiné à une école normale, c'est-à-dire, à une école de méthode.

Ce n'est que du moment où l'art vient aider la nature, que l'esprit acquiert le sentiment de sa force.

Privé de toute méthode, il reste immobile et plongé dans les ténèbres.

Livré à une mauvaise méthode, chacun de ses pas est une chute, et il est plus à plaindre de son savoir qu'il ne l'était de son ignorance.

Mais si la bonne méthode lui prête son appui, tout change. L'esprit se dégage des ténèbres qui l'enveloppaient attiré par l'impression toujours croissante du jour qu'il a entrevu, il s'élève insensiblement ; il monte de vérité en vérité; et, conduit par l'analogie jusqu'à la source de la lumière, il goûte enfin le plaisir inexprimable de se reposer au sein de l'évidence.

LEÇONS

DE

PHILOSOPHIE.

OBJET DE CET OUVRAGE.

POURQUOI voyons-nous le soleil changer tous les jours le moment et le lieu de son lever? D'où viennent les couleurs de cet arc brillant qui se peint au milieu des airs? Comment se fait-il qu'agité sans cesse, l'Océan se soulève, et retombe alternativement sur lui-même ? Quelle est la cause du mouvement? Où se cache l'origine des êtres? Sur quel fondement reposent les sociétés? Quels sont les principes qui servent d'appui à la morale ? Qui nous dira la raison de l'existence du mal sur la terre? Pourquoi y a-t-il une terre? Pourquoi (1) y a-t-il quelque chose?

(1) On trouvera dans cet ouvrage, écrit pour des élèves, un emploi fréquent du caractère italique et un assez grand nom

ME I.

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Telles sont quelques-unes des innombrables questions que notre curiosité adresse incessamment à toute la nature; curiosité mille et mille fois trompée dans son attente, mais quelquefois aussi récompensée par des révélations sublimes.

Il ne suffit donc pas à l'homme de connaître ce qui est ; il se sent tourmenté du besoin de connaître la raison de ce qui est.

Et comme il ne peut ainsi connaître sans posséder une intelligence qui l'associe, en quelque sorte, aux desseins de la création, il aspire surtout à découvrir la raison de cette intelligence.

Condamné à ignorer comment elle se forme, il ne consentirait jamais à lui donner une confiance entière; et alors même qu'elle pourrait lui dire le secret de l'univers, mais en se taisant sur le secret de sa propre nature, il ne craindrait pas de l'accuser, plus jaloux d'être

bre de renvois. Les lecteurs instruits aiment peu ces sortes d'avertissemens dont ils n'ont pas besoin; ils les pardonneront en faveur de ceux qui commencent l'étude de la philosophie.

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