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passereaux, les fourmis, les araignées, remplissant chacun sa fonction, et servant selon leur pouvoir à l'harmonie du monde ? Et après cela tu refuses de faire ta fonction d'homme !

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Marc-Aurèle."

Maxime. Tant vaut l'homme, tant vaut la terre.

Personne, disait Socrate, n'a le droit de demander des fruits à la terre, s'il ne l'a cultivée avec soin.

Plutarque. Jeunes gens, rien n'échoit aux mortels sans travail. Réfléchissez à cela, et congédiez les plaisirs.

Travaillez, prenez de la peine:

Idem.

C'est le fonds qui manque le moins.

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine, Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage 5 Que nous ont laissé nos parents:

Un trésor est caché dedans.

Je ne sais pas l'endroit; mais un peu de courage
Vous le fera trouver: vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût: 10
Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.

Le père mort, les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout; si bien, qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le père fut sage

15

De leur montrer, avant sa mort,

Que le travail est un trésor.

2. Manquer. Signifie ici ne pas réussir. Ce fonds (le travail et la peine) manque moins souvent qu'aucun autre ; il réussit plus souvent que les meilleures terres.

Fonds. C'est une terre, un champ. Le travail et la peine sont comme un champ qui rapporte.

9. Venir à bout d'une chose. C'est la terminer heureusement. Il leur dit vous viendrez à bout de votre travail, de votre recherche; vous finirez par réussir à trouver le trésor.

10. L'oût. C'est la moisson ici (voir i, 13).

11. Fouiller. S'emploie bien après creuser, lequel signifie faire des trous; celui qui fouille creuse aussi, mais c'est principalement pour chercher. Il creuse profondément et dans tous les sens, et remue tous ces trous qu'il fait pour y trouver ce qu'il cherche. Cette idée de remuer est bien exprimée par le dernier verbe bécher, qui signifie remuer la terre.-Tel serait donc l'ordre de ce travail : Faites des trous dans tous les sens et profondément, et cherchez partout, et pour cela prenez votre bêche et remuez toute cette terre. Ce qui suit complète l'explication: Ne laissez nulle place où la main (armée de la bêche) ne passe, etc.

12. Grammaticalement ne passe et ne repasse.

13. Vous (voir xxvii, 12).

14. Deça, delà. De côté et d'autre, de tous les côtés. Partout, qui suit, résume ces deux mots.

XXII.

LA FORTUNE ET LE JEUNE ENFANT (V, 11).

Le bien, nous le faisons; le mal c'est la Fortune; On a toujours raison, le Destin toujours tort.

La Fontaine.

Si nous étions sages, ô Fortune, que deviendrait ta puissance? C'est nous, nous seuls, qui te faisons déesse et te logeons au ciel.

Juvénal.

Le commun des hommes ne sait que se répandre en plaintes. Ce qui leur arrive contrairement aux espérances qu'ils avaient conçues, ils l'attribuent à une Fortune envieuse, à des dieux jaloux. Tout excite leurs lamentations, leurs gémissements; ils accusent sans cesse leur malheureuse destinée. On pourrait leur dire: N'imputez pas vos maux au ciel, mais à vousmêmes, à savoir, à l'irréflexion, à la folie, dont votre ignorance est la cause.

Plutarque.

Ce qu'il y a de bizarre dans le procédé de la fortune, c'est que, nous préservant parfois des malheurs que nous méritons, elle nous envoie plus tard ceux que nous ne semblons pas mériter. Elle sauve l'enfant qui dormait imprudemment au bord d'un puits; que fera-t-elle plus tard de cet enfant devenu homme? Grand mystère. Saint-Marc Girardin.

Sur le bord d'un puits très-profond
Dormait, étendu de son long,

Un enfant alors dans ses classes.

Tout est aux écoliers couchette et matelas.
Un honnête homme, en pareil cas,
Aurait fait un saut de vingt brasses.
Près de là tout heureusement

La Fortune passa, l'éveilla doucement,

5

Lui disant Mon mignon, je vous sauve la vie ;.

Soyez une autre fois plus sage, je vous prie. 10 Si vous fussiez tombé, l'on s'en fût pris à moi; Cependant c'était votre faute.

Je vous demande, en bonne foi,

Si cette imprudence si haute

Provient de mon caprice. Elle part à ces mots. 15
Pour moi, j'approuve son propos.

Il n'arrive rien dans le monde
Qu'il ne faille qu'elle en réponde:
Nous la faisons de tous écots;

Elle est prise à garant de toutes aventures.
Est-on sot, étourdi, prend-on mal ses mesures,
On pense en être quitte en accusant son sort:
Bref, la Fortune a toujours tort.

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6. Un saut de vingt brasses. C'est un fameux saut, car une brasse est la mesure qu'on prend avec les deux bras étendus, un peu plus d'un mêtre et demi. /Comme La Fontaine se moque de cet honnête homme (vous ou moi) qui aurait fait sottement ce saut prodigieux, et ainsi, éveillant en sursaut l'enfant, l'aurait fait rouler dans le puits! La Fortune fit bien mieux en l'éveillant doucement.

9. Mignon. Terme caressant qu'on adresse surtout aux enfants et aux jeunes personnes.

11. S'en prendre à quelqu'un. C'est l'accuser de ce qui arrive. 16 à 19. I like her logic I must say.

There takes place nothing on this planet,

But Fortune ends, whoe'er began it.

In all adventures good or ill

We look to her to foot the bill.

19. C'est-à-dire : elle doit payer tous les écots.

L'écot est la part que chacun paye dans un repas pris à frais

communs.

21. Est-on sot? C'est-à-dire, si l'on est sot, quand on est sot. 22. He clears himself by blaming fate.

Quitte. Vient de QUIETUS tranquille, et puis quitte celui qui ne doit plus rien./ Il est quitte et tranquille, car les créanciers ne le poursuivent ni ne le tourmentent plus. Ils ne le poursuivent plus, car ils ont été payés et ainsi apaisés. En effet, payer vient de PACARE apaiser, puis payer, ce qui est le moyen d'apaiser le créancier. Le rapprochement est curieux: l'un est payé et apaisé, l'autre est quitte et tranquille.

XXIII.

LE COCHET, LE CHAT ET LE SOURICEAU (VI, 5).

Avec cet heureux don qu'il avait de tout sentir et de tout aimer, La Fontaine a renouvelé l'apologue. L'apologue ancien ne s'intéressait qu'au sens et à la moralité ; point au récit, point aux personnages. Il ne s'agissait que d'enseigner une vérité morale et de l'enseigner d'une façon vive et spirituelle. Peu importait l'aventure et peu les personnages. La Fontaine changea tout. Il se mit à se prendre d'intérêt pour les bêtes, pour les arbres, pour tout enfin; ou plutôt il prit intérêt à l'homme, qui est le vrai héros de toutes ses fables sous des noms divers, tantôt loup et tantôt agneau, tantôt chien et tantôt renard, tantôt cerf et tantôt cheval, mais toujours homme, c'est-à-dire, victime de ses fautes et dupe de sa vanité. Le poëte dit :

J'oppose quelquefois, par une double image,

Le vice à la vertu, la sottise au bon sens,

Les agneaux aux loups ravissants,

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