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il y en a de ces petits voleurs, ce que le poëte dit dans ce vers. Tous les mangeurs, etc.

XVI.

LE PAON SE PLAIGNANT À JUNON (II, 17).

La nuit a ralenti les heures ;

Le sommeil s'étend sur Paris.
Charmez l'écho de nos demeures ;
Éveillez-vous, oiseaux chéris.
Dans ces instants où le cœur pense,
Heureux qui peut rentrer en soi !
De la nuit j'aime le silence:

Doux rossignols, chantez pour moi.

Béranger.

On se demande si en comparant ensemble les différentes conditions des hommes, leurs peines, leurs avantages, on n'y remarquerait pas un mélange ou une espèce de compensation de bien et de mal, qui établirait entre elles l'égalité.

La Bruyère.

Remplis d'une funeste jalousie et d'une envie démesurée, nous nous réjouissons moins de nos propres biens que nous ne sommes chagrinés de ceux des autres.

Plutarque.

Ce n'était pas assez pour Denys l'ancien d'être le plus puissant des souverains de son époque. Mais parce qu'il ne faisait pas mieux les vers que le poëte Philoxène, et qu'il ne surpassait pas Platon dans l'art de discourir, il était irrité et plein de fureur.

Idem.

Dès qu'on est quelque chose, on se croit propre à tout.
La gloire qu'on possède, on la prend en dégoût,
Pour courir follement à celle qu'on souhaite.
On veut tout effacer de son immense éclat,
Richelieu veut être poëte,

Et Lamartine homme d'État.

M. Viennet.

Admirons Achille, le héros du grand poëte, qui, après avoir dit: "Tel que je suis, aucun grec ne saurait m'égaler, ajoute aussitôt : dans les combats, car au conseil, s'il s'agit de parler, d'autres l'entendent mieux que moi."

Plutarque.

Le paon se plaignait à Junon.

Déesse, disait-il, ce n'est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure :
Le chant dont vous m'avez fait don
Déplaît à toute la nature;

Au lieu qu'un rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu'éclatants,
Est lui seul l'honneur du printemps.
Junon répondit en colère :

Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,

Est-ce à toi d'envier la voix du rossignol,

Toi que l'on voit porter à l'entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies;

Qui te panades, qui déploies

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Une si riche queue et qui semble à nos yeux 15 La boutique d'un lapidaire?

Est-il quelque oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire?

Tout animal n'a pas toutes propriétés.

Nous vous avons donné diverses qualités : 20
Les uns ont la grandeur et la force en partage;
Le faucon est léger, l'aigle plein de courage,
Le corbeau sert pour le présage;

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La corneille avertit des malheurs à venir;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre; ou bien, pour te punir,
Je t'ôterai ton plumage.

6. Chétive (voir iii, 9).

13. Nué. Participe de nuer qui signifie assortir des nuances. L'étymologie de ce mot est nue. En effet, les nues présentent des reflets très-variés, marqués de mille nuances.-Nuancer est le synonyme de nuer. M. Littré dit: La seule différence qu'on puisse trouver entre ces deux mots, c'est que nuer ne se dit jamais au figuré." Dans Athalie, le chef-d'œuvre de Racine, les caractères des personnages sont admirablement nuancés. Il n'est

pas permis de dire nués dans cette phrase. rekaon. 14. Se panader. C'est propre au paon. Quand un homme

marche avec l'ostentation du paon, il fait le paon, c'est un vrai paon, dit-on, il se panade. On a écrit autrefois se paonnader, ce qui permettrait de tirer se panader de paon. Mais nous possédons aussi le verbe se pavaner qui a la même signification que se panader et se rattache à PAVO paon et à un verbe PAVANARE, lequel exprime la marche du paon. Or PAVANARE peut se contracter en PANARE, ce qui réunit admirablement les deux verbes. -Je n'aime pas l'idée de M. Littré, qui voudrait tirer se panader de PENNA aile.

15. Et qui. Ce qui se rapporte à queue, et non pas à paon. La conjonction et amène une équivoque. Le vers serait détruit,

mais la phrase deviendrait correcte si l'on disait : une queue si riche et qui semble, etc.

20. Nous. C'est-à-dire, nous les dieux.

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LE CHAT ET LE VIEUX RAT (III, 18).

Proverbe La poil du renard change et non ses

mœurs.

Le chat est l'hypocrite de religion, comme le renard est l'hypocrite de cour. "Il est velouté, marqueté, longue queue, une humble contenance, un modeste regard, et pourtant l'œil luisant." Tout le monde reconnaît le maintien dévot de la prudente bête. Elle marche pieusement, posant avec précaution le pied sans faire bruit, les yeux demi-fermés, observant tout, sans avoir l'air de rien regarder. Si vous vous asseyez, elle vient tourner autour de vous, d'un mouvement souple et mesuré, avec un petit grondement flatteur, sans rien demander ouvertement comme le chien, mais d'un air à la fois patelin et réservé. Sitôt qu'elle tient le morceau, elle s'en va, elle n'a plus besoin de vous. Mais jamais ce doucet n'a l'air meilleure personne que lorsqu'il a gagné de l'âge et de l'embonpoint. Il se tient alors pendant tout le jour au soleil ou près du feu, enveloppé dans "sa majesté fourrée," sans s'émouvoir de rien, grave, et de temps en temps passant la patte sur sa moustache avec la mine sérieuse d'un penVous le prendriez pour un docteur allemand, le plus inoffensif et le plus bienveillant des hommes, si

seur.

quelquefois ses lèvres, qui se relèvent, ne laissaient voir deux rangées blanches de dents aiguës comme une scie, et le menton fuyant du plus déterminé menteur. Aussi, quoi qu'il fasse, il est toujours composé, maître de soi. Il n'avance la patte qu'avec réflexion; il ne la pose qu'en essayant le chemin; il ne hasarde jamais. "sa sage et discrète personne." Il est propret, dédaigneux, méticuleux, et dans tous ses mouvements adroit au miracle. Pour s'en faire une idée, il faut l'avoir vu se promener d'un air aisé, sans rien remuer, sur une table encombrée de couteaux, de verres, de bouteilles, ou le voir, dans La Fontaine, avancer la Patte délicatement, écarter la cendre, retirer prestement ses doigts un peu échaudés, les allonger une seconde fois, tirer un marron, puis deux, puis en escroquer un troisième. Il est rare que Bertrand les

croque, et Raton d'ordinaire n'est pas une dupe, mais un fripon.

H. Taine.

J'ai lu, chez un conteur de fables,

Qu'un second Rodilard, l'Alexandre des chats, L'Attila, le fléau des rats,

Rendait ces derniers misérables:

J'ai lu, dis-je, en certain auteur,
Que ce chat exterminateur,

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Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde:
Il voulait de souris dépeupler tout le monde.
Les planches qu'on suspend sur un léger appui,
La mort aux rats, les souricières,
N'étaient que jeux au prix de lui.

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