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Dame mouche s'en va chanter à leurs oreilles,

Et fait cent sottises pareilles.

Après bien du travail, le coche arrive au haut: 25 Respirons maintenant! dit la mouche aussitôt: J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine. Çà, messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine. Ainsi certaines gens,/faisant les empressés,/

S'introduisent dans les affaires :

Ils font partout les nécessaires,

Et, partout importuns, devraient être chassés.

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3. Coche. Grande voiture de transport en commun, que les diligences ont remplacée. Littré.-Notre fable a fourni à la langue cette locution: faire la mouche du coche, ou être la mouche du coche. Cela signifie se donner beaucoup de mouvement autour d'une affaire et s'en attribuer tout l'honneur, alors qu'en réalité on n'y fait rien qui vaille. Il y a beaucoup de ces gens empressés, de ces mouches du coche, qui ne produisent rien si ce n'est bruit et mouvement.

5. Être rendu. C'est n'en pouvoir plus, être très-fatigué; c'est renoncer à faire de nouveaux efforts qu'on juge inutiles. Quelle marche ! j'ai les jambes cassées, je n'en puis plus, je me rends. Quand on est réduit au point de ne plus pouvoir résister, on se rend à l'ennemi, on cède. Eh bien ! ce rude travail avec lequel nous luttons est comme un ennemi: s'il est plus fort que nous, nous cédons, nous nous rendons. Ces chevaux de notre fable étaient rendus.

14. Empressé. Être empressé auprès d'une personne, s'empresser de lui porter secours ou consolation/c'est bien agir et donner preuve de dévouement et d'amitié. Mais faire l'empressé, voilà une vilaine chose. Celui qui fait l'empressé est un importun, comme notre mouche. Le verbe faire dans cette locution et autres semblables change entièrement la signification de l'adjectif (adjectif substantifié), parce que faire exprime qu'on

air

joue la comédie, qu'on n'est point sincère. Faire l'innocent, faire le doux, faire le malade, quand on n'a ni innocence, ni douceur, ni maladie, telles sont les comédies qu'exprime le verbe faire. Ainsi celui qui fait l'empressé dans une affaire n'est pas sincère, il ne veut pas travailler à la chose, mais se donner l'air de travailler; cet autre qui fait l'empressé auprès d'un ami malheureux ne veut pas l'aider, mais seulement faire croire à son dévouement par de vains mouvements et de fausses démonstrations. 14, 15, 16. Flew back and forth in wondrous hurry,

And as he buzzed about the cattle
Seemed like a sergeant in a battle,
The files and squadrons leading on

To where the victory is won.

19. Se tirer d'affaire. Sortir d'embarras, sortir du mauvais pas où l'on est engagé./

20, 21, 22. The monk his prayers at leisure said;

Fine time to pray !-the dames at will

Were singing songs-not greatly needed!

22. S'agir. Il ne s'emploie que sous forme impersonnelle. Il s'agit de cela, c'est-à-dire il est question de cela, et c'est cela qu'il faut faire. Il s'agit de travailler, vous devez travailler. La mouche trouve qu'il ne fallait pas chanter quand les chevaux, et elle surtout, étaient si occupés.

31. Remarquez encore ce font : ces hommes ne sont pas nécessaires, certes, puisqu'ils ne sont qu'importuns; mais ils veulent vous faire croire que vous avez besoin d'eux : ils font les nécessaires.

XL.

LA LAITIÈRE ET LE POT AU LAIT (VII, 10).

On peut bien quelquefois se flatter dans la vie.
J'ai, par exemple, hier, mis à la loterie;
Et mon billet enfin pourrait bien être bon.
Je conviens que cela n'est pas certain: oh! non;
Mais la chose est possible, et cela doit suffire..

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J'aurai donc, à mon tour, des gens à mon service!
Dans le commandement je serai peu novice;

Mais je ne serai point dur, insolent, ni fier,
Et me rappellerai ce que j'étais hier.
Ma foi, j'aime déjà ma ferme à la folie.

Moi, gros fermier!... J'aurai ma basse-cour remplie
De poules, de poussins que je verrai courir !

De mes mains, chaque jour, je prétends les nourrir;
C'est un coup d'œil charmant ! et puis cela rapporte.
Quel plaisir, quand, le soir, assis devant ma porte,
J'entendrai le retour de mes moutons bêlants,
Que je verrai, de loin, revenir à pas lents,
Mes chevaux vigoureux et mes belles génisses!
Ils sont nos serviteurs, elles sont nos nourrices;
Et mon petit Victor, sur son âne monté,
Fermant la marche avec un air de dignité!
Je serai plus heureux que 'Monsieur sur son trône,
Je serai riche, riche, et je ferai l'aumône.

Tout bas, sur mon passage, on se dira: "Voilà
Ce bon monsieur Victor"; cela me touchera.
Je puis bien m'abuser; mais ce n'est pas sans cause :
Mon projet est, au moins, fondé sur quelque chose.
(Il cherche.)
Sur un billet. Je veux revoir ce cher. . . Eh! mais...
Où donc est-il ? tantôt encore je l'avais.
Depuis quand ce billet est-il donc invisible?
Ah! l'aurais-je perdu ? serait-il bien possible?
Mon malheur est certain: me voilà confondu.

Que vais-je devenir ? hélas ! j'ai tout perdu.

(Il crie.)

Collin d'Harleville.

C'est quelque chose encor que de faire un beau rêve.

Idem.

Quand je songe, je suis le plus heureux des hommes; Et dès que nous croyons être heureux, nous le sommes. Idem.

Nous faisons tous nos châteaux en Espagne; mais personne ne les fait mieux que La Fontaine. Que ne rêve-t-il pas ? qu'on l'élit roi et que son peuple l'aime. Je me persuade qu'à force de rêver, le poëte en avait fait un art à son usage, choisissant à dessein les chimères les plus impossibles, non pas l'élection, mais l'amour du peuple; et sachant bien aussi que les chimères les plus impossibles sont celles qui plaisent le plus. Ce qui rend charmants les rêves de La Fontaine, c'est qu'il n'y croit pas, même pendant qu'il les fait, et qu'il est toujours prêt à s'éveiller pour être Gros-Jean comme devant. Les bons rêveurs sont ceux qui ont toutes les illusions à la fois, qui lorsqu'ils se mettent à songer, éveillés ou endormis, ne sont pas seulement riches, mais qui sont aimables et aimés, qui ont tous les plaisirs et tous les honneurs, à qui cette abondance de biens inspire un petit doute sur leur réalité, doute charmant qui ne détruit pas la félicité des rêveurs, mais qui fait que personne ne la leur envie sérieusement.

Saint-Marc Girardin.

Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait

Bien posé sur un coussinet,

Prétendait arriver sans encombre à la ville. Légère et court vêtue, elle allait à grands pas, Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,

6*

5

Cotillon simple et souliers plats.
Notre laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée

Tout le prix de son lait; en employait l'argent ;
Achetait un cent d'œufs; faisait triple couvée: 10
La chose allait à bien par son soin diligent.
Il m'est, disait-elle, facile

D'élever des poulets autour de ma maison;
Le renard sera bien habile

S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon. 15
Le porc à s'engraisser coûtera peu de son ;
Il était, quand je l'eus, de grosseur raisonnable :
J'aurai, le revendant, de l'argent bel et bon.
Et qui m'empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il est, une vache et son veau, 20
Que je verrai sauter au milieu du troupeau?
Perrette là-dessus saute aussi, transportée:
Le lait tombe; adieu veau, vache, cochon, couvée.
La dame de ces biens, quittant d'un œil marri
Sa fortune ainsi répandue,

Va s'excuser à son mari,

En grand danger d'être battue.
Le récit en farce en fut fait

On l'appela le Pot au lait.

وت

Quel esprit ne bat la campagne ?

Qui ne fait châteaux en Espagne ?

Pichrocole, Pyrrhus, la laitière, enfin tous,

Autant les sages que les fous.

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30

Chacun songe en veillant; il n'est rien de plus doux:

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