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presque chassé de la langue le verbe clore. L'étymologie condamnerait cette substitution, car FIRMARE, d'où vient fermer, signifie rendre ferme, fortifier./Dans ce sens on dit bien fermer la porte, c'est-à-dire l'arrêter par la pêne ou par un loquet. Mais clore qui a pour étymologie CLAUDERE a précisément le sens qu'on exprime généralement par le verbe fermer. Malheureusement il ne conserve aujourd'hui que ces formes: je clos, tu clos, il clôt; je clorai; je clorais; clos; que je close et le participe clos, close. M. Littré dit qu'on ne peut guère trouver la nuance qui distingue dans leur signification clore et fermer. Il y en a une cependant, et chose étrange, c'est le mot clore qui semble signifier le plus. Ce qui est clos est fermé d'une manière plus permanente, il est fermé au superlatif. Ainsi je ferme ma lettre, mon ami l'ouvrira. Mais cela doit être pour vous lettre close signifie que vous ne devez jamais en prendre connaissance. Ma porte est close pour cette homme : je ne la lui ouvrirai jamais ; c'est-à-dire, ma maison lui est interdite. C'est de cette manière que la porte du poulailler devait être close pour le renard. Votre chambre est fermée si les portes et les fenêtres en sont fermées, mais pour qu'elle soit close il faut que l'air ni le froid n'y pénètrent par aucun passage.

54. À propos. Comme il convenait.

57. N'étant que d'un simple chien. Molière exprime la même idée dans Amphitryon, acte ii, scène 1:

"Tous les discours sont des sottises,

Partant d'un homme sans éclat ;

Ce serait paroles exquises,

Si c'était un grand qui parlât."

C'est pour cela que notre orateur fut sanglé.

59. Vous (voir vers 12).

Sangla. Une sangle est une bande de cuir./Sangler est proprement donner des coups de sangle; il signifie ensuite donner des coups avec force.

Pauvre drille. C'est-à-dire pauvre diable.

Drille signifia

d'abord un soldat à pied lequel était peu estimé. Il est tiré d'un vieux mot allemand qui signifait serviteur, DRIGIL.

64. Que si. Que précède élégamment si au commencement d'une phrase. Ce que s'expliquerait grammaticalement ainsi : je dis que, si quelque affaire t'importe, tu ne dois pas la faire par procureur. Mais alors l'emploi de l'impératif que nous avons semble peu justifié. Cette tournure est admise cependant.

XXVIII.

LE LION ET LE MOUCHERON (II, 9).

La Fortune se plaît à faire de ces coups:
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du Sort, et prenons garde à nous
Après le gain d'une bataille.

La Fontaine.

Un rien nous met à terre il suffit d'un seul jour Pour nous voir et monter et tomber tour à tour. Euripide.

La force des petits a des jours où elle est irrésistible, mais comme un rien l'élève, un rien la renverse, et le moucheron, vainqueur du lion, périt dans la toile de l'araignée.

Saint-Marc Girardin.

Il n'est point, en un mot, de petit ennemi :
Le plus faible est toujours à craindre.

M. Viennet.

Va-t'en, chétif insecte, excrément de la terre!

C'est en ces mots que le lion

Parlait un jour au moucheron.

L'autre lui déclara la guerre :

Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi

5

Me fasse peur ni me soucie?

Un bœuf est plus puissant que toi;
Je le mène à ma fantaisie.

À peine il achevait ces mots,

Que lui-même il sonna la charge,
Fut le trompette et le héros.
Dans l'abord il se met au large;

Puis prend son temps, fond sur le cou
Du lion, qu'il rend presque fou.

10

Le quadrupède écume, et son œil étincelle ; 15
Il rugit. On se cache, on tremble à l'environ;
Et cette alarme universelle

Est l'ouvrage d'un moucheron.

20

Un avorton de mouche en cent lieux le harcelle;
Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.

La rage alors se trouve à son faîte montée.
L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir. 25
Le malheureux lion se déchire lui-même,

30

Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs,
Bat l'air, qui n'en peut mais; et sa fureur extrême
Le fatigue, l'abat: le voilà sur les dents.
L'insecte, du combat, se retire avec gloire:
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin
L'embuscade d'une araignée ;
Il y rencontre aussi sa fin.

Quelle chose par là nous peut être enseignée? 35 J'en vois deux, dont l'une est qu'entre nos ennemis Les plus à craindre sont souvent les plus petits; L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire, Qui périt pour la moindre affaire.

1. Chétif. /Qui a peu de valeur ou peu de force (voir iii, 9). Go, paltry insect, nature's meanest brat !

76. Soucier. Verbe actif, signifie causer de l'inquiétude. 10, 11. Himself he blew the battle charge,

Himself both trumpeter and hero.

/12. Dans l'abord. Au commencement. Cette expression est plusieurs fois employée par La Fontaine et par Molière.

Se met au large. Dans cette expression large est un substantif, le large, c'est-à-dire la mer à distance des côtes, la pleine mer. Les vaisseaux s'éloignent des côtes, ils prennent le large. On dit dans le même sens : les vaisseaux se mettent au large. Eh bien ! le moucheron ne touche ni n'approche le lion d'abord, il met ou se met au large, dans l'air, à distance de l'ennemi.

13. Prend son temps. Peut signifier qu'il ne se presse pas, ou bien qu'il choisit son moment, le moment favorable.

15. With foaming mouth and flashing eye,

He roars.

16. À l'environ. Environs, substantif, n'a pas de singulier. On dit les environs. La Fontaine aurait dû écrire: Aux environs.

17, 18. Such mortal terror at

The work of one poor gnat.

19. Avorton. En effet un moucheron est comme une mouche manquée, une mouche qui n'a pas atteint son entier développement.

Harceler. "C'est, dit M. Littré, /tourmenter par de petites, mais de fréquentes attaques." D'où vient ce mot? M. Diez le fait venir de herce que nous écrivons maintenant herse. C'est l'anglais HARROW, lequel en effet réunit aussi les sens de herser

et de tourmenter. Ainsi harceler quelqu'un serait agir sur lui comme la herse agit sur la terre. Mais je préfère pour étymologie le vieux mot français HARCELLE, un diminutif de HART, qui était une petite baguette servant à faire aller les chevaux. On voit là ces coups fréquents, ces attaques répétées qui constituent l'idée de harceler. Harasser aurait la même origine, HAR ou HART, cette petit baguette.

20. Museau. La face des mammifères. C'est le bas latin MUSUS qui se rattache à MORSUS, ce avec quoi on mord (MORDERE, mordre). /La gueule est la bouche des quadrupèdes carnassiers. / On dit donc la gueule ou le museau du lion, la gueule le plus souvent. L'homme a une bouche. /Cependant on dit aussi la bouche du cheval, et même la bouche de l'âne, du mulet, du chameau, du bœuf, et en général des animaux qu'on monte ou que l'on attelle. On leur fait cet honneur, parce qu'ils sont les compagnons de travail de l'homme. En dehors de la science, c'est-à-dire de l'histoire naturelle, on ne dit pas la bouche mais la gueule du taureau, de la vache, du chien, du lion, du chat, etc.

21. Naseau. C'est l'orifice externe des narines de l'animal. Rapprochez de ce mot: nez, narine, nasal (sons nasaux, voyelles nasales), nasard (un ton nasard), une nasarde, qui est une chiquenaude sur le nez, nasiller, parler du nez, nasillement, le défaut de nasiller, et nasillard, celui qui a ce défaut.

23, 24, 25. En d'autres mots : L'invisible ennemi (ce moucheron que le lion ne voit plus, mais dont il sent cruellement les piqüres) triomphe, et rit de voir qu'il n'y a dans la bête irritée aucune griffe ni aucune dent qui ne soit employée à le mettre en sang. Ainsi toutes les armes du lion sont tournées contre luimême.

25. Ne fasse son devoir. Singulier devoir! mais faire son devoir signifie quelquefois simplement se bien acquitter d'une chose. Cette méchante langue fait bien son devoir de déchirer les gens c'est-à-dire, elle s'acquitte très-bien de cette vilaine chose, elle s'y emploie. Ainsi les griffes et les dents du lion s'emploient (comme si elles remplissaient un devoir) à déchirer son corps.

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