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cadres de la statistique par les maires dus communes. Elle obtiendra ainsi, beaucoup plus sûrement et plus facilement, les renseignements que nos confrères ont tant de difficultés à recolter.

Nous ajouterons, néanmoins, que ces documents statistiques, quelque précis qu'ils soient, ne pourront acquérir une valeur reelle, que lorsqu'ils porteront sur un certain nombre d'années consécutives. Aussi votre commission ne se fait-elle aucune illusion sur les conséquences que l'on peut tirer des renseignements statistiques partiels qu'elle va vous exposer pour 1872.

Ces réserves étant faites, voici, en ce qui les concerne la statistique des naissances et des décès des enfants de zéro jour à un an pendant l'année 1872, ce que nous enseignent les tableaux qui, seuls, nous ont paru mériter notre attention, surtout au point de vue du mode d'alimentation des nouveau-nés.

Dans les cantons de Vesoul (Haute-Saône), de Saint-Pierre-leMoutier (Nièvre), de Manosque (Basses-Alpes), de Salon-de-SaintChames (Bouches-du-Rhône), de même que dans tout le département de la Haute-Loire, l'allaitement maternel est la règle ; ajoutons que, dans la plupart de ces contrées, il règne, dans les campagnes mêmes, une aisance relative. Eh bien, là, les proportions moyennes de la mortalité se maintiennent entre 15 ei 16 pour 100. Elles sont les mêmes pour le canton d'Aix en Provence vu l'on trouve déjà plus de nourrices étrangères, et même à Clermont-Ferrand où celles-ci sont en nombre bien plus considérable encore et où l'allaitement maternel est beaucoup plus restreint; nous en verrons plus loin les causes. Dans un canlon, cependant, Cette mortalité s'élève à 20 pour 100; c'est dans celui de Beaunela-Rolande, qui reçoit des nourrissons de Paris, lesquels restreignent l'allaitement maternel.

Notons de suite, à l'occasion de la durée de l'allaitement, que, si dans la majorité des cas dans les départements du nord et du centre, cet allaitement ne se continue guère au delà de douze à quinze mois au plus, dans ceux du midi de la France, il se prolonge presque toujours jusqu'à seize, dix-huit ou vingt mois, ou jusqu'à la sortie des 12 premières dents. L'expérience a heureusement fait comprendre ici qu'il ne fallait sevrer qu'après les fortes chaleurs ou même après la saison d'hiver parce que les

accidents intestinaux les plus graves se montrent au plus fort de la dentition et pendant les grandes chaleurs.

La nourriture au biberon n'est en usage que dans un nombre assez restreint de cantons, dans ceux de Châtillon-sur-Seine, de Vesoul, à Clermont-Ferrand, où l'on trouve un quart, un cinquième et un huitième des enfants élevés par ce moyen; tandis qu'ailleurs l'allaitement artificiel est l'exception et ne s'emploie que pour aider l'allaitement au sein. Mais il est des pays dans lesquels, bien que l'allaitement maternel soit général, une nourriture artificielle est donnée à l'enfant pendant les premiers jours après sa naissance et avant la montée du lait de la mère; c'est dans la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme où les habitants, cédant à des habitudes invétérées et aux mauvais conseils de sagesfemmes ou de matrones ignorantes, nourrissent les enfants, dès le premier jour, avec du biscuit trempé dans du vin, des potages aux légumes, etc. Il est inutile d'insister sur les effets d'une nourriture si peu en harmonie avec les facultés digestives des nouveau-nés

Malgré ces différences et ces défauts dans le mode d'alimen tation des jeunes enfants, pourquoi voyons-nous la moyenne de la mortalité se maintenir, en général, dans les limites, assez restreintes, il est vrai, de 15 à 16 pour 100. C'est que l'allaitement maternel vient contrebalancer les effets de cette alimentation. Mais on ne voit pas la mortalité s'abaisser jusqu'à 10 pour 100 comme dans la Creuse, parce que, indépendamment du mode d'alimentation, les enfants se trouvent encore soumis à une foule d'autres causes qui agissent sensiblement sur le taux de cette mortalité; ce sont ces causes que nous allons passer rapidement en revue.

La faiblesse congénitale, comme cause de mort des enfants, se remarque surtout dans les villes importantes telles que ClermontFerrand, Vesoul, Nice, Aix; mais on en trouve aussi des cas relativement nombreux dans les pays qui reçoivent des enfants des grandes villes, comme les cantons de Beaune-la-Rolande et de Montargis (Loiret) où sont envoyés des nourrissons de Paris qui, selon les docteurs Huette et Filz dames, y arrivent presque mourants parce que, outre causes qui, dans les grands centres de population, ont pu préperer, chez les parents, leur état de faiblesse, ces enfants sont mal nourris en attendant le sein qu'ils ne prennent souvent que tardivement et chez des nourrices pauvres, dont le lait est loin d'offrir les qualités nutritives désirables.

Nous ne parlerons pas des accidents et des sévices qui entrent, pour une très-faible proportion, dans la mortalité portée sur les relevés qui vous sont parvenus, qui ne méritent pas

de nous arrêter. Mais, ce qui ressort le mieux de ces rapports et ce qui vient confirmer des opinions si souvent émises, c'est que la ma. jeure partie est imputée, soit aux maladies intestinales (diarrhées, entérites, dysenterie, choléra infantile), attribuées à la mauvaise direction donnée à l'alimentation des jeunes enfants, soit aux maladies des organes respiratoires bronchites, pneumonies, etc.), dues au peu de précautions prises contre les variations de température et le froid surtout dans les pays de montagnes.

C'est dans le premier mois après la naissance et surtout après les premiers huit jours que s'élève le plus le chiffre de la mortalité des jeunes enfants. Pendant les mois suivants on le voit suivre ordinairement la marche assez régulièrement décroissante. Dans quelques contrées, cependant, telles que les Basses-Alpes, Nice, Vesoul, Beaune-la-Rolande, cette décroissance semble moins régulière, car on y retrouve encore des chiffres de mortalité assez élevés aux sixième, dixième, onzième mois, chiffres dont la cause est, sans doute, la mauvaise direction donnée à l'alimentation. Il est même un médecin, M. Langlois, du Puy, qui émet cette opinion, controversable selon nous, que l'influence de l'alimentation prématurée et vicieuse ne se fait guère sentir dans la Haute-Loire au moins où l'allaitement maternel est général) que pendant les deuxième et troisième années, parce que pendant la première année le lait de la mère, mélangé avec les aliments indigestes, leur sert de condiment et en atténue l'action malfai

sante.

La question de la légitimité ou de l'illégitimité de la naissance des enfants joue certainement un grand rôle dans leur mortalité, mais les renseignements statistiques que vous avez reçus ne nous le font pas apparaître d'une manière générale, car les chiffres des décès des enfants naturels ne semblent pas assez significatifs pour que l'on y attache une réelle importance. Un seul médecin,

le docteur Langlois (du Puy), donne des proportions assez élevées de cette mortalité, 25 à 26 pour 100, pour tout le département de la Haute-Loire. C'est la seule appréciation que nous trouvons à mentionner, parce qu'elle résulte des relevés faits sur les registres officiels.

Enfin vous devons insister sur une observation faite par le docteur Villepraud (de Manosque). C'est qu'il faut rejeter sur l'abus continuel et désastreux que font les sages-femmes du seigle ergoté, le nombre relativement élevé des enfants mort. més qu'il a constaté dans les Basses-Alpes où les sages-femmes peu instruites suivent une pratique routinière et contribuent pour une grande part à propager des croyances souvent absurdes,

Nous ferons remarquer de nouveau, comme notre rapporteur l'a fait à l'occasion de la dernière discussion académique sur l'emploi du seigle ergoté par les sages-femmes, que c'est là l’opinion d'un très-grand nombre de médecins de rios provinces, opinion déjà ancienne et fondée sur une expérience de tous les jours, opinion qui, selon nous, exigeait une certaine réserve dans la décision à prendre par l'Académie.

A ces causes de léthalité, que l'on peut appeler directes, il faut ajouter les habitudes, les usages, les préjugés qui existent parmi certaines classes de la société dans beaucoup de pays. Et d'abord, citons cette croyance invétérée chez beaucoup d'habitants de la campagne, qu'il n'y a rien à faire à des enfants tout jeunes lorsqu'ils sont malades; aussi se garde-t-on dans l'immense majorité des cas d'appeler un homme de l'art et laisset-on le mal einpirer, d'où risulte que lorsque le médecin est mandé par hasarıl, il ne trouve plus de l'essources sulfisantes dans la thérapeutique.

Dans les pays très accidentés comme la Haute-Saône, la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme, qui sont couverts de montagnes élevées, de même que dans les Bouches-du-Rhône, où la surface du sol est balayée par des vents violents du nori qui font contraste avec la chaleur du soleil, sous un ciel presque constamment découvert, il existe dans la même journée des variations extrêmes de température contre lesquelles les habitants, qui y sont accoutumes, ne prennent pas pour leurs jeunes enfants

toutes les précautions nécessaires. Aussi est-ce dans ces dernières contrées surtout que ceux-ci succombent le plus fréquemment aux maladies de la gorge et de la poitrine. Les docteurs Langlois (du Puy), Gallice (de Langeac), Roques (de Salou), Sanguin (dle Saint-Chamas) font ressortir spécialement cette cause de maladie que no:15 avons déjà signalée et qui fait des ravages sérieux dans leurs pars. L'un d'eux, le docteur Langlois, appelle aussi l'attention sur l'usage de conduire les enfants dès les premiers jours de leur naissance à la paroisse pour les faire laptiser, quelle que soit la saison, quelle que soit la température, quelle que soit la distance qui les sépare de l'église dans des pays où les chemins sont à peine frayés et souvent d'un difficile accès.

Il est une autre coutume que l'on ne saurait trop condamner et qui existe encore dans plusieurs départements; c'est celle du maillot ancien ou complet que l'on trouve dans la Haute-Saône sous forme d'une enveloppe lacée du haut en bas et dans la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme, où il se compose d'une bande longue et forte enroulée par-dessus les vêtements de l'enfant et relenant ses membres supérieurs et inférieurs captifs avec le trone. Si dans ces pays les préjugés veulent que les membres du nouveau-né soient immobilisés, le maillot complet laisse malheureusement à découvert le haut de la poitrine et le cou qui restent soumis à l'impression des variations de température.

Nous n'avons pas à insister ici sur les inconvénients du maillot dont l'un des moindres est de rendre le lavage de l'enfant plus difficile et plus rare, de nuire, par conséquent, à l'hygiène de la peau. Dans la Haute-Loire en particulier, on ne se contente pas de ce supplice infligé au pauvre enfant, celui-ci reste pendant plusieurs mois couché et attaché dans une sorte de pelil berceau de bois en forme de bateau à base incurvée qu'il ne quille même pas pour être appliqué au sein. Cette coutume barbare ne se retrouve heureusement que chez les montagnards des departements ci-lessus désigués.

Il nous reste à vous entretenir des renscignements qui vous sont fournis sur l'assistance des mères et des enfants et surtout sur leur surveillance. Dans la plupart des localités ont il a été question, ce sont tantôt les hospices et les bureaux de bienfai

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