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bout central de l'artère du second. De même j'anastomose le bout périphérique de cette dernière artère avec le bout central de la première ; j'établis ainsi une communication réciproque entre les deux sujets, de telle façon que l'animal qui donne son sang en reçoit en échange une quantité équivalente de l'autre animal. J'ai pu ainsi par ce procédé faire passer plusieurs fois le sang de l'animal dans le système circulatoire de l'autre. Le fait a été d'autant plus frappant que M. Goubaux et moi nous avions pris deux animaux de taille et de force différentes. Au bout de quelque temps le plus petit présenta des signes évidents de pléthore et eut même quelques évacuations alvines sanguinolentes

On peut donc par mon procédé faire passer tout le sang d'un animal dans le système circulatoire d'un autre qui lui rend en échange la quantité de sang qu'il reçoit. Voilà le fait que j'ai constaté maintes et maintes fois sur les animaux.

J'ai la conviction que celle méthode peut être appliquée à l'homme. J'avoue que je n'ai pas encore pu l'essayer, mais je me réserve de le faire à la première occasion.

Je n'ignore pas les objections qu'on a faites et qu'on fera encore à ce procédé. Ainsi l'on a dit qu'on ne trouverait personne qui voulût s'exposer à donner son sang pour recevoir en échange un sang plus ou moins altéré. Je réponds qu'on trouvera loujours quelqu'un, car je suis prêt à fournir mon sang et à m'exposer le premier à l'expérimentation.

On a dit encore qu'ouvrir une artère c'était grave, qu'on s'exposait à des accidents sérieux, je ne le crois pas.

Un autre danger à craindre, c'est l'entrée de l'air dans le système circulatoire. Cet accident n'est nullement à redouter si l'on s'assure préalablement que le sang s'écoule bien par les deux bouts du vaisseau coupé.

Quant à la coagulation du sang, à la production d'un caillot, elle n'est pas davantage à craindre, car l'opération se faisant sur la radiale, si quelque rameau artériel venait à s'oblitérer, la circulation se rétablirait vite grâce aux anastomoses nombreuses que présentent les arcades artérielles de cette région.

Le seul danger véritable, c'est que le sujet qui fournit le sang s'expose à recevoir du sang plus ou moins vicié. C'est au moins ce qui ressort d'une expérience faite par M. Laborde, qui a mis

en communication deux chiens dont l'un était malade et l'autre bien portant. Celui-ci contracta rapidement la maladie de l'autre et les deux animaux succombèrent en quelques jours. C'est là sans doute un fait qui donne à réfléchir. Mais je répondrai que je ne propose pas d'appliquer ma méthode à tous les cas, il

у aura naturellement un choix à faire, des indications et des contreindications à établir, et certainement je ne conseillerai jamais de faire la transfusion dans ces conditions entre un homme bien portant et un phthisique, un cancéreux ou un syphilitique.

J'ai voulu seulement appeler l'attention de l'Académie sur une nouvelle méthode qui me parait présenter certains avantages. Resterait à examiner dans quelles limites cette méthode est applicable. Mais pour moi je suis intimement convaincu de son efficacité et je suis prêt à donner mon sang pour en vérifier au moins la possibilité.

. M. DOLBEAU : En 1856, étant interne de M. Briquet, j'ai eu occasion de pratiquer la transfusion avec un tube (analogue à celui de M. Colin, et je puis affirmer que le malade n'est pas mort de la transfusion.

M. Colin : Je suis bien aise d'entendre dire à M. Dolbeau qu'il a employé un appareil, du genre de celui que j'ai présenté, dans un cas de transfusion. Cela prouve qu'il est applicable à l'homme.

Je ferai observer à M. Broca que si le débit du petit appareil à transfusion ne se calculepas rigoureusement lorsque l'une de ses extrémités est libre, il pourrait être déterminé approximativement par des expériences sur des animaux de la taille de l'homme, sur des moutons, des ânes, par exemple, et en opérant sur des veines équivalentes à celles des bras. D'ailleurs, si l'on tenait à savoir exactement la quantité de sang transfusée, on l'aurait, à quelques grammes près, par la diminution du poids qu'éprouverait sur une balance ou une bascule l'individu qui donne.

D'autre part, pour répondre à la seconde objection de M. Broca, je ne pense pas que la tension du sang dans les veines du sujet qui reçoit soit capable de faire équilibre à la tension du sang dans les veines du sujet qui donne. Le sujet qui reçoit est toujours plus ou moins anémique; il a perdu le quart, le tiers, la moitié du contenu de ses vaisseaux, par conséquent ses veines sont peu distendues. Au contraire, la tension sanguine dans les veines da sujet qui fournit peut devenir très-considérable si l'on tient le bras comprimé. On sait, en effet, que sous l'influence de la compression la tension du sang veineux peut devenir égale à la moitié de celle du sang artériel. Donc, la tension du sang étant, sur le sujet qui prête, supérieure à la tension sur le sujet qui emprunte, le courant doit s'établir du premier vers le second.

M. BROCA : Le moyen proposé par M. Colin me paraît peu praticable; on ne peut pas mettre deux hommes et surtout des malades sur les plateaux d'une balance pour calculer les quelques grammes que l'un d'eux a pu céder à l'autre.

M. VOLPIAN : Le tube dont se sert M. Colin est à peu de chose près celui dont nous nous servons journellement dans nos laboratoires de physiologie pour pratiquer la transfusion chez les animaux; je désirerais savoir de M. Colin s'il a fait avec ce tube des expériences de veine à veine chez des chiens.

M. Colin: Aussi bien sur des chiens que sur d'autres animaux.

M. VULPIAN : Si j'insiste sur ce point, c'est qu'il est fort difficile chez les chiens de pratiquer, à l'aide de lubes de ce genre, la transfusion de veine à veine.

M. COLIN : Pour moi j'ai réussi très-souvent, et encore tout dernièrement j'ai eu occasion de répéter cette expérience qui a parfaitement marché.

M. VULPIAN : C'était bien de veine à veine ?

M. COLIN : Oui, j'avais mis en communication les deux veines ugulaires.

Communications.

I. M. LE PRÉSIDENT : J'ai le regret d'annoncer à l'Académie la perte qu'elle vient de faire dans la personne d'un de ses membres les plus anciens, les plus honorables et les plus honorés.

M. FÉE, professeur de l'ancienne Faculté de Strasbourg, est décédé jeudi dernier.

Après avoir supporté le siège de Strasbourg à l'âge de quatrevingts ans, M. Fée a dû quitter cette ville pour conserver sa nationalité française.

Il s'est rendu à Paris. Mais ce n'est pas sans un profond chagrin qu'il abandonnait sa ville d'adoption où, pendant trenteneuf ans, il avait été professeur de botanique et d'histoire naturelle médicale à la Faculté. Il quittait des collègues aimés, de nombreux amis et le lieu où il comptait finir ses jours.

Ce chagrin, il le manifestait à tout le monde; je n'y survivrai pas longtemps, disait-il, quoiqu'il fût entouré de sa fille et de son gendre, ancien professeur de clinique au Val-de-Grâce.

C'est à cette cause qu'il faut probalement attribuer la manifestation d'une affection organique qui s'est développée chez cette constitution robuste et qui semblait défier un siècle.

Si M. Fée était décédé à Strasbourg, son cercueil eût été entouré de tous les professeurs de la Faculté en robes.

A Paris, il n'avait d'autre attache officielle que celle de l'Académie de médecine.

Dans ces conditions, j'ai cru devoir suppléer dans la mesure de mes moyens d'action à ce qui faisait défaut à cette cérémonie funèbre : je m'y suis rendu en costume officiel, témoignant ainsi des regrets de l'Académie pour le professeur de la Faculté de Strasbourg détruite, le savant botaniste, le lettré, et par-dessus tout l'homme de bien. L'Académie de médecine était représentée par un grand nombre de ses membres.

M. Hirtz va vous donner lecture du discours que je l'ai prié de prononcer sur sa lombe, au nom de l'Académie de médecine.

M. VILLEMIN, au nom de M. Hirtz, donne lecture de ce discours.

« Messieurs, » Celui dont nous entourons les derniers restes fut autrefois mon maître, plus tard mon collègue à la Faculté de Strasbourg, et naguère mon confrère à l'Académie de médecine.

» C'est à ces litres, joints à une constante amitié, que je dois la douloureuse mission de lui rendre un dernier hommage.

» Il fut un savant éminent, mais ce n'est ici ni le lieu ni le temps de parler de son ouvre scientifique; cette cuvre fut con

sidérable et sera appréciée ailleurs. Mais au bord de cette tombe, sur le seuil en quelque sorte de l'éternité, la gloire humaine n'occupe pas le premier plan. Il n'y a de place ici que pour le souvenir et les mérites de l'homme de bien, pour le citoyen profondément dévoué à son pays et à la science, pour l'ami sûr et fidèle, pour le père de famille exemplaire. A tous ces titres, il a mérité l'estime de ses concitoyens, l'inaltérable attachement de ses amis et l'ardent amour de ses enfants. Ses vertus sont leur honneur ici-bas et-seront leur espérance ailleurs.

· Fée, élu par le concours professeur de botanique à notre Faculté de médecine, arriva à Strasbourg précédé d'une notoriété scientifique largement fondée; car déjà il avait l'honneur de siéger à l'Académie de médecine. Ce fut l'apostolat de l'enseignement qui l'entraîna vers nous. Bientôt il s'y fit apprécier, non-seulement par sa valeur scientifique, mais aussi par les charmes d'une personnalité éminemment sympathique.

» Dans notre ancienne cité universitaire pourvue de cinq Facultés et de nombreuses institutions auxiliaires, les traditions littéraires, philosophiques et scientifiques marchaient séculairement de front et maintenaient constamment un personnel et une atmosphère intellectuelle qui rayonnaient dans toutes les directions.

» Fée, par l'aménité et la sûreté de son caractère, par la fécondité et le charme de son esprit, par la variété de ses connaissances, se fit bientôt une place distinguée dans ce milieu qui comptait des savants et des philosophes éminents, des philologues et des littérateurs de premier ordre. C'est que notre collègue ne s'était pas exclusivement retranché dans sa science professionnelle. A l'exemple d'autres illustrations scientifiques, il pensait que toutes les cuvres intellectuelles se tiennent et se soutiennent réciproquement. Il était à son heure ou littérateur ou philosophe; et entre deux publications de botanique, il lançait soit un conte philosophique, suit une æuvre de critique littéraire ou des impressions de voyage. Il y a peu de mois, il consacra son dernier livre à revendiquer pour la France la priorité et la supériorité du Cid de Corneille sur celui de l'Espagne. OEuvres limpides d'un esprit bienveillant et aimable! Philosophie douce

a

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