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TAU

Tomber dans un tas de boue. (LE SAGE.) Employé en poésie ou au figuré,
tas emporte une idée de blâme, de mépris.

Un tas d'hommes perdus de dettes et de crimes. (Corneille.)
Lorsqu'un tus de grimauds vante notre éloquence.

Le plus sûr est pour nous de garder le silence. (BOILEAU.)

Tes pensées seraient plus belles si elles n'étaient pas étouffées sous un tas de paroles superflues. (VOITURE.) Ces biens lui échappent; ce tas de boue fond à ses yeux. (MASSILLON.)

On oppose même tas à monceau pour montrer d'un côté la quantité de choses inutiles sans valeur, et de l'autre une quantité plus grande de choses précieuses.

Et dévorant maisons, palais, châteaux entiers,

Rend pour des monceaux d'or de vains tas de papiers. (BOILEAU.)

On dit particulièrement des monceaux d'or et des tas de boue.

Amas est actif, c'est-à-dire qu'il rappelle l'action d'amasser, dont l'amas est le résultat. Ce n'était pas tant un seul palais qu'un magnifique amas de douze palais. (BOSSUET.) Il trouve en soi un amas de misères inévitables. (Pascal.) Cet amas de gloire ne sera plus qu'un poids de honte. (MASSILLON.) Cet amas de vertus que leur humilité tenait secrètes perce l'obscurité. (FLÉCHIER.) Amas d'épithètes, mauvaises louanges. (FLÉCHIER.)

Ce formidable amas de lances et d'épées. (RACINE.)

Un long amas d'honneurs rend Thésée excusable. (RACINE.)
Ce long amas d'aïeux que vous diffamez tous,

Sont autant de témoins qui parlent contre vous. (BOILeau.)

Les succès de l'ambitieux auront égalé ses désirs, mais tout cet amas de gloire ne sera plus à la fin qu'un monceau de boue, qui ne laissera après elle que l'infection et l'opprobre. (MASSILLON.) (V. F.)

1298. Taux, Taxe, Taxation.

L'idée commune qui fonde la synonymie de ces trois mots est celle de la détermination établie de quelque valeur pécuniaire.

Le taux est cette valeur même; la taxe est le règlement qui la détermine; les taxations sont certains droits fixes attribués à quelques officiers qui ont le maniement des deniers du roi.

On ne dit que taux, quand il s'agit du denier auquel les intérêts de l'argent sont fixés par l'ordonnance, parce que la cupidité ne pense pas tant à l'autorité déterminée qu'à ses propres

intérêts.

On dit assez indifféremment taux ou taxe, en parlant du prix établi pour doit un contribuable ; payer que la vente des denrées, ou de la somme fixée mais ce n'est que dans le cas où il n'est pas plus nécessaire de faire attention à la valeur déterminée qu'à la valeur déterminante car un contribuable qui voudrait représenter qu'il ne peut payer ce qu'on exige de lui, faute de proportion avec ses facultés, devrait dire que son taux est trop haut; et s'il voulait dire traité dans la proportion des autres contrique les impositeurs ne l'ont pas buables, il devrait dire que la taxe est trop forte.

On ne dit que taxe s'il s'agit du règlement judiciaire pour fixer certains frais qui ont été faits à la poursuite d'un procès ou d'une imposition en deniers sur des personnes, en certains cas : c'est que l'on a alors plus d'égard à l'autorité de la justice qui constate le droit, ou à celle du prince, qui est plus marquée qu'à l'ordinaire.

On dit quelquefois taxation au singulier pour signifier l'opération de la taxe. (B.)

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1290. Taverne, Cabaret, Guinguette, Logis, Auberge,

Hôtellerie.

Tous ces mots désignent des lieux ouverts au public, où chacun, pour son argent, trouve des choses nécessaires et utiles: les trois premiers indiquent proprement des lieux où l'on trouve des vivres, et les trois derniers des lieux où l'on trouve des logements.

Des vocabulistes disent que l'on confond aujourd'hui le mot de cabaret avec celui de taverne; qu'autrefois on ne vendait que du vin dans les tavernes, sans y donner à manger, et qu'on donnait à manger dans les cabarets: que les tavernes sont proprement les lieux où l'on vend du vin par assiette et où l'on donne à manger; et les cabarets, des lieux où l'on vend du vin sans nappe et sans assiette, qu'on appelle huis coupé et pot renversé : qu'enfin, la taverne a quelque chose de moins honnête et de plus bas que le cabaret. Ces observations sont justes à notre égard.

La taverne a été flétrie parmi nous, sans doute à cause des excès qui s'y commettaient autrefois : ainsi Patru remarquait que, par les lois, les tavernes et les mauvais lieux étaient également infàmes; ce qui peut paraître aujour d'hui bien outré.

Les cabarets étaient encore, au commencement de ce siècle, des lieux de rendez-vous, de société, d'amusement, de liberté; comme ensuite les cafés, négligés à leur tour, parce qu'ils sont trop publics, trop mêlés et trop suspects; et aujourd'hui les salons, les clubs, les musées (variation dont il serait assez curieux d'expliquer les causes, si cette explication n'entraînait une trop longue digression). Abandonnés au peuple, décriés par cette cause et par la mauvaise qualité des denrées, les cabarets ne sont plus guère regardés que comme des tavernes; mais le besoin d'un mot honnête pour exprimer un service honnête en lui-même fait que celui de cabaret, terme générique, ne se prend pas toujours en mauvaise part.

La guinguette est un petit cabaret où l'on boit du petit vin appelé guinguet, du mot guinguet, étroit, serré, petit, mince. La guinguette est le rendez-vous du petit peuple, qui, faute de lieu pour s'assembler dans la ville, et d'argent pour y boire du vin potable, va boire la ripopée dans ces tavernes, placées au dehors des villes, danser, se divertir, manger les gains de la semaine, perdre la santé des jours suivants.

La destination naturelle du logis, de l'auberge, de l'hôtellerie, est de loger, d'héberger, de recevoir des hôtes.

Logis, lieu où l'on s'arrête, où l'on demeure, où l'on prend son logement : on y mange ou on n'y mange pas. Il y a des logis qui ne sont que des gites, des retraites, où l'on ne fait que passer, soit hôtelleries, soit maisons bourgeoises. Logis est donc un mot vague et générique.

Auberge, autrefois héberge, est proprement un lieu connu où on loge. Il y a des auberges où on loue des chambres garnies; mais à l'auberge du traiteur on n'y fait que manger.

L'auberge est faite pour la commodité de ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas tenir un ménage. On dit une auberge pour un honnête cabaret.

L'hôtellerie est une maison où un hôte reçoit des hôtes, des étrangers, des passants, des voyageurs qui y sont logés, nourris et couchés pour leur argent, comme le dit Beauzée.

Les hôtelleries ont remplacé les hospices; l'on y donne l'hospitalité pour de l'argent. (R.)

1291. Tel, Pareil, Semblable.

Termes de comparaison. Achille tel qu'un lion, pareil à un lion, semblable à un lion poursuivant les Troyens.

Tel désigne l'objet qui est de même qu'un autre, qui a les mêmes qualités

TEM

et les mêmes rapports, qui est parfaitement conforme. Pour sentir toute la force du mot et de la comparaison qu'il exprime, il n'y a qu'à rapidement parcourir ses différentes applications usitées: a Tel fut le discours d'Annibal à Scipion; c'est là le discours même d'Annibal. «Telle est la condition des hommes, qu'ils ne sont jamais contents de leur sort; » c'est leur nature, leur caractère, leur qualité distinctive. Tel maître, tel valet ; c'est comme si l'on disait: autant vaut le maître, autant le valet. Tel tient lieu de pronom et de nom : Un tel a dit; tel fait des libéralités qui ne paye pas ses dettes. On craint de se voir tel qu'on est, dit Fléchier, parce qu'on n'est pas tel qu'on devrait être, etc. Toutes ces phrases marquent la qualité, la forme, le caractère propre des choses, la rigoureuse exactitude, la parfaite conformité, la comparaison la plus absolue, et jusqu'à l'identité des choses.

Pareil désigne des choses qui, sans être rigoureusement égales entre elles et les mêmes, ont néanmoins de si grands rapports qu'elles peuvent être mises en parallèle, être comparées ensemble, s'appareiller l'une avec l'autre, de manière que l'une ne diffère guère de l'autre, qu'elle ne paraisse pas céder à l'autre, qu'elle soit propre à lui servir d'équivalent ou de pendant.

les La ressemblance n'est pas une égalité ou une conformité parfaite : les choses qui ne sont que semblables ne soutiennent pas l'examen et le parallèle que choses pareilles comportent; et elles sont loin d'être telles ou les mêmes, quant à leur nature, à leur caractère, à leurs formes et à leurs qualités distinctives. Semblable dit moins que pareil, et pareil moins que tel.

Un objet tel qu'un autre ne diffère pas de celui-ci. Un objet pareil à un autre ne le cède point à celui-ci. Un objet semblable à un autre s'assortit avec celui-ci.

Achille, tel qu'un lion, a toute la furie ou la qualité distinctive de cet animal; vous le prendrez pour un lion. Pareil à un lion, il a le même degré de furie; vous l'égalerez au lion. Semblable à un lion, il en imite la furic; sa vue vous rappelle l'idée du lion.

Vous ne savez lequel choisir de deux objets tels l'un que l'autre. Vous ne trouverez guère de raison de préférer un objet pareil à un autre. Vous avez besoin d'attention pour distinguer un objet d'un autre auquel il est semblable.

Tel sert proprement à fixer l'idée de la chose par la comparaison exacte avec un objet connu. Pareil sert à estimer dans la balance le prix de la chose par la comparaison juste avec un objet apprécié. Semblable sert à donner une sorte de représentation de la chose, par la comparaison sensible avec un objet familier. (R.)

1292. Temple, Église.

Ces mots signifient un édifice destiné à l'exercice public de la religion. Mais temple est du style pompeux; église, du style ordinaire, du moins à l'égard de la religion romaine, car à l'égard du paganisme et de la religion protestante, on se sert du mot de temple, même dans le style ordinaire, au lieu de celui d'église. Ainsi on dit le temple de Janus, le temple de Charenton, l'église de SaintSulpice.

Temple paraît exprimer quelque chose d'auguste, et signifier proprement un édifice consacré à la divinité. Église paraît marquer quelque chose de plus commun, et signifier particulièrement un édifice fait pour l'assemblée des fidèles.

Rien de profane ne doit entrer dans le temple du Seigneur. On ne devrait permettre dans nos églises que ce qui peut contribuer à l'édification des chrétiens.

c'est

L'esprit et le cœur de l'homme sont les temples chéris du vrai Dieu, là qu'il veut être adoré; en vain on fréquente les églises, il n'écoute que ceux qui lui parlent dans leur intérieur.

Les temples des faux dieux étaient autrefois des asiles pour les criminels, mais c'est, ce me semble, déshonorer celui du Très-Haut, que d'en faire un refuge de malfaiteurs. Si l'on ne peut apporter à l'église un esprit de recueillement, il faut du moins y être d'un air modeste la bienséance l'exige ainsi que la piété. (G.)

1293. Ténèbres, Obscurité, Nuit.

Les ténèbres semblent signifier quelque chose de réel et d'opposé à la lumière. L'obscurité est une pure privation de clarté. La nuit est la cessation du jour, c'est-à-dire le temps où le soleil n'éclaire plus.

On dit des ténèbres, qu'elles sont épaisses; de l'obscurité, qu'elle est grande; de la nuit, qu'elle est sombre.

On marche dans les ténèbres, à l'obscurité et pendant la nuit. (G.)

1294. Termes, Limites, Bornes.

Le terme est un point; les limites sont une ligne; les bornes, un obstacle. (Encycl., II, 236.)

Le terme est où l'on peut aller. Les limites sont ce qu'on ne doit pas passer. Les bornes sont ce qui empêche de passer outre.

On approche ou l'on éloigne le terme. On resserre ou l'on étend le slimites. On avance ou on recule les bornes.

Le terme et les limites appartiennent à la chose; ils la finissent. Les bornes lui sont étrangères; elles la renferment dans le lieu qu'elle occupe, ou la contiennent dans sa sphère.

Le détroit de Gibraltar fut le terme des voyages d'Hercule. On dit, avec plus d'éloquence que de vérité, que les limites de l'empire romain étaient celles du monde. La mer, les Alpes et les Pyrénées sont les bornes naturelles de la France.

Le terme de la prospérité arrive souvent dans le moment qu'on projette de ne plus donner de limites à son pouvoir, et qu'on ne met plus de bornes à son ambition.

Je ne vois le terme de nos maux que dans le terme de notre vie. Les souhaits n'ont point de limites, l'accomplissement ne fait que leur ouvrir une nouvelle carrière. Nous ne sommes heureux que quand les bornes de notre fortune sont celles de notre cupidité. (G.)

Le terme est le point dans l'espace ou dans le temps où une chose finit. Il n'y a que les choses qui ont de l'étendue ou de la durée qui puissent avoir un terme. M. Le Tellier a regardé la mort comme la fin de son travail et le terme de son pèlerinage. (FLÉCHIER.) Que la vanité humaine rougisse en regardant le terme fatal que la Providence a donné à ses espérances trompeuses. (Bossuet.) Le terme étant la fin est pris quelquefois pour le but. Nous le vimes comme un sage pilote aller droit comme au terme unique d'une si périlleuse navigation à la conservation du corps de l'État. (BOSSUET.) Qui vous a dit que vous arriveriez au terme que vous vous marquez à vous-même? (MASSILLON.)

Les Romains tenaient qu'il y avait une divinité particulière qui présidait aux bornes, aux limites des champs et ils l'appelaient le dieu Terme. (ACADÉMIE.) Limite vient du latin limes, sentier. Sillon présente à l'esprit une ligne qui entoure la chose. Borne, quelle que soit son origine, veut dire pierre qui borde un champ, un chemin et par extension tout ce qui sert à marquer les limites d'une chose ou à contenir une chose dans les limites.

La limite n'est qu'une ligne de démarcation. Les bornes sont, comme le dit l'Encyclopédie, des obstacles réels. On dira donc plutôt limites au moral et s'il s'agit de choses convenues, réglées, et bornes quand il s'agira de choses existant en effet, de barrière. Un traité fixe les limites des États; la nature leur a donné des bornes naturelles. La terre n'est pas assez vaste pour les contenir

et les fixer chacunes dans les bornes que la nature elle-même a mises aux États et aux empires. (MASSILLON.) La puissance de Dieu n'a point de limites. (BosSUET.) Certains philosophes donnent à la puissance de Dieu les mêmes bornes que Dieu a données à leurs connaissances. (FLÉCHIER.) La miséricorde de Dieu est infinie, mais ses effets ont leurs limites prescrites par sa sagesse; c'est elle qui a prescrit des bornes aux flots de la mer. (IDEM.)

Les bornes de l'empire étaient toujours resserrées du côté de la Suède. (VOLTAIRE.) Astrakan est la borne de l'Asie et de l'Europe. (IDEM.) J'ai déjà dit quelque chose de la licence où se jettent les esprits quand on ébranle les fondements et qu'on remue les bornes une fois posées. (BOSSUET.) Le monde réel a ses bornes; le monde imaginaire est infini. (J.-J. ROUSSEAU.) Le cœur arrive. insensiblement à ces bornes périlleuses qui ne séparent plus que d'un point la vie de la mort, le crime de l'innocence. (IDEM.)

Quiconque a su franchir les bornes légitimes

Peut violer aussi les droits les plus sacrés. (RACINE.)

Les bornes de leurs héritages étaient les bornes de leurs désirs. (FLÉchier.) (V. F.)

1295. Termes propres, Propres termes.

Les uns et les autres sont ceux qui conviennent à la circonstance pour quelle on les emploie.

la

Les termes propres sont ceux que l'usage a consacrés, pour rendre précisément les idées que l'on veut exprimer. Les propres termes sont ceux mêmes qui ont été employés par la personne que l'on fait parler, ou par l'écrivain que l'on cite.

La justesse dans le langage exige que l'on choisisse scrupuleusement les termes propres c'est à quoi peut servir l'étude des différences délicates qui distinguent les synonymes. La confiance dans les citations dépend de la fidélité que l'on a à rapporter les propres termes des livres ou des actes que l'on allègue. (B.)

1296. Terreur, Épouvante, Effroi, Frayeur.

Tous ces mots indiquent une grande peur. La peur (pavor), dit Cicéron, est un trouble qui met l'âme hors de son assiette; si l'âme est fortement frappée de l'horreur d'un danger, dit Varron, c'est la peur. La peur est une crainte violente. Le mot crainte répond au latin timor. La crainte est un trouble causé par la considération d'un mal prochain.

Il semble que l'effet propre de la terreur soit de faire trembler.

L'épouvante est une peur grande et durable. La grandeur de ce genre de peur est non-seulement dans son intensité ou sa force, mais encore dans son étendue ou la multitude des objets qu'elle embrasse; car l'épouvante regarde surtout, mais non pas uniquement, le nombre, la foule, une armée, un peuple. La raison en est que la peur, quand elle s'empare de la foule, devient en effet épouvante; chacun alors a sa peur et la peur des autres. L'épouvante met en fuite.

La frayeur n'exprime qu'un frisson, un mouvement qui n'est pas fait pour durer. L'effroi est un état durable de frayeur, et par conséquent une frayeur plus grande, plus profonde, plus puissante.

La terreur est une violente peur, qui, causée par la présence ou par l'annonce d'un objet redoutable, abat le courage et jette le corps dans un tremblement universel. L'épouvante est une grande peur, qui, causée par un objet ou un appareil extraordinaire, donne les signes de l'étonnement et de l'aversion, et, par la grandeur du trouble qui l'accompagne, ne permet pas la délibération. L'effroi est une peur extrême, qui, causée par un objet horrible, jette dans un état funeste, et renverse également les sens et l'esprit. La frayeur

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