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culier, variable, payable par tel ordre de personnes qui contribuent au même objet. Elle est au tribut ce que l'imposition est à l'impót.

Le subside est le secours accordé à celui qui le reçoit par ceux qui le payent. Si ce subside est l'impôt même, c'est l'impôt tel que les peuples ont consenti à le payer, mais rigoureusement un impôt secondaire ou auxiliaire.

La subvention est une imposition auxiliaire ou une augmentation d'impôt accordée ou exigée dans une nécessité pressante et seulement pour cette nécessité. C'est proprement un secours fait pour cesser avec le besoin.

La taxe est proprement une imposition extraordinaire en deniers ou sommes déterminées et proportionnelles, mises, dans certains cas, sur certaines per

sonnes.

La taille est une imposition particulière sur la roture, et dans son origine. une capitation, comme je l'ai fait remarquer. Mais on dit quelquefois les tailles en général, pour désigner en gros des impositions mises, ce me semble, à titre de dépendance particulière, sur le peuple, ou plutôt des contributions populaires, variables, réparties et réglées sous une forme de taxe. Il semble qu'en usant de ce mot, on veuille affecter une sorte de note aux

personnes.

L'impôt est payé par le citoyen, comme membre de la société. Les impositions, fondées sur le devoir naturel de l'impôt, sont des prescriptions faites à ce titre au citoyen par la souveraineté. On fait l'histoire économique de l'impôt, et le détail historique des impositions; j'aurais fondu l'une et l'autre. dans l'histoire des finances, partie de l'histoire générale sans laquelle il n'y a point d'histoire.

Le tribut et les contributions sont payés par les sujets, les vassaux, les vaincus, et même des princes souverains, comme un gage de dépendance. Le subside est payé par un peuple politiquement libre et considéré comme tel, parce qu'il s'impose lui-même. Une puissance absolument indépendante paye des subsides à une autre puissance.

La subvention est payée passagèrement à la nécessité, par le citoyen comme par le sujet, et par les peuples politiquement libres comme par les autres. Les dons gratuits extraordinaires sont des espèces de subventions.

Les taxes sont payées par les sujets ou par certaines classes de sujets. Par là, on entend les taxes régulières, fixes et permanentes, créées sans le concours des peuples.

Les tailles sont payées par le peuple, ainsi qu'elles l'ont été par des vassaux ou par des serfs. Les seigneurs levaient des tailles dans leurs domaines. (R.)

743. Imprécation, Malédiction, Exécration.

L'imprécation est, à la lettre, l'action de prier contre, du latin precatio, action de prier, et in, contre. La malédiction est l'action de maudire, du latin dictio, action de dire, et malè, mal. L'exécration est l'action d'exécrer, du latin secratio, consecratio, action de sacrer ou consacrer, et ex, dehors. Exécration exprime deux actions différentes, celle de perdre la qualité de sacré, et celle d'attirer ou provoquer contre quelqu'un la vengeance divine. Dans un sens relâché, il désigne encore une sainte horreur, l'horreur la plus profonde, ou même l'action digne de cette horreur. Il s'agit de l'exécration qui réclame la colère du ciel contre un objet.

L'imprécation est donc proprement une prière; la malédiction, un souhait ou un arrêt prononcé; l'exécration une sorte d'anathème religieux.

L'imprécation invoque la puissance contre un objet; la malédiction prononce son malheur; l'exécration le dévoue à la vengeance céleste.

Celui qui abuse indignement et impunément de son pouvoir contre celui qui ne peut se défendre s'attire des imprécations; le faible opprimé ne peut

qu'appeler au secours: celui qui se complaît dans le mal qu'il fait aux autres, ou même dans celui qu'il leur voit souffrir, s'attire des malédictions; la plainte dédaignée se change en cris de haine : celui qui viole audacieusement ce qu'il y a de plus sacré s'attire des exécrations; le sacrilége est proprement et rigou

reusement exécrable.

L'imprécation part de la colère et de la faiblesse : c'est une règle que JésusChrist a donnée aux chrétiens de pardonner toute injure et de bénir ceux qui les chargent d'imprécations. La malédiction vient aussi de la justice et de la puissance: l'exécration naît d'une horreur religieuse, et c'est pourquoi ce sentiment s'appelle aussi exécration, comme quand on dit avoir en exécration. Dans l'Avare de Molière, Clitandre se trouve presque forcé par l'avarice de son père à faire des imprécations contre lui, et Harpagon répond en lui donnant sa malédiction. (R.)

744. Imprévu, Inattendu, Inespéré, Inopiné.

Imprévu, ce qui arrive sans que nous l'ayons prévu. Inattendu, ce qui arrive sans que nous nous y soyons attendus. Inespéré, ce qui arrive que nous n'osions espérer. Inopiné, ce qui arrive subitement sans que nous ayons pu l'imaginer ou y songer.

Imprévu regarde les choses qui forment l'objet particulier de notre prévoyance; tels sont les événements intéressants qui surviennent dans nos aflaires, nos entreprises, notre fortune, notre santé: nous tàchons de les prévoir, pour nous précautionner, nous prémunir, nous régler, nous conduire. Au milieu de notre course, un obstacle imprévu nous arrête.

nattendu regarde les choses qui forment l'objet particulier de notre attente; tels sont les événements ordinaires qui doivent naturellement arriver, qui sont dans l'ordre commun, auxquels nous sommes plus ou moins préparés. La visite d'une personne avec qui vous n'êtes pas en société ou en relation d'affaires est inattendue.

Inespéré regarde les choses qui forment l'objet de nos espérances, et par conséquent de nos désirs; tels sont les événements agréables qui nous délivrent d'une peine, qui nous procurent un plaisir, qui contribuent à notre satisfaction: nous les désirons, nous y croyons. Une faveur longtemps sollicitée en vain est inespérée.

Inopiné regarde les choses qui font le sujet de notre surprise; tels sont les événements extraordinaires qui surpassent notre conception, contrarient nos idées, ne nous tombent pas dans l'esprit, et qui arrivent à l'improviste; nous n'y songions pas, nous ne les imaginions pas, nous n'y étions nullement préparés, nous avons peine à y croire. La chute subite d'un bâtiment neuf est inopinée.

Tout est imprévu pour qui ne s'occupe de rien. Tout est inattendu pour qui ne compte sur rien. Tout est inespéré pour qui n'oserait se flatter de rien. Tout est inopiné pour qui ne sait rien. (R.)

745. Impudent, Effronté, Éhonté.

Impudent, qui n'a point de pudeur. Effronté, qui n'a point de front. Éhonté, qui n'a point de honte.

L'impudent brave avec une excessive effronterie les lois de la bienséance, et viole de gaieté de cœur l'honnêteté publique. L'effronté, avec une hardiesse insolente, affronte ce qu'il devrait craindre et franchit les bornes posées par la raison, la règle, la société. L'éhonté, avec une extrême impudence, se joue de l'honnêteté et de l'honneur, et livrera son front à l'infamie aussi tranquillement qu'il livre son cœur à l'iniquité.

L'impudent n'a point de décence; il ne respecte ni les choses, ni les hommes, ni lui. L'effronté n'a point de considération; il ne connait ni frein, ni bornes,

ni mesure. L'éhonté n'a plus de sentiment; il n'y a rien qu'il n'ose, qu'il ne brave, qu'il ne viole de sang-froid.

L'impudent a secoué le premier des freins qui nous est imposé pour nous retenir dans la bonne voie et nous détourner du mal, la pudeur. L'effronté a surmonté le sentiment qui naturellement nous contient dans les bornes de la modération, la crainte. L'éhonté a rompu depuis le premier jusqu'au dernier des liens qui nous empêchent du moins de donner dans les excès et de nous y complaire, la honte et la crainte de la honte. (R.)

On dit un menteur impudent, un coquin effronté, un voleur éhonté.

Il y a des gens qui naissent impudents; les enfants sont souvent effrontés ; il y a du cynisme à être éhonté.

746. Inaccessible, Inabordable.

On dit d'une montagne qu'elle est inaccessible et non inabordable, et d'un lieu entouré d'eau, de marécages, de boue, qu'il est inabordable et non inaccessible. Faites un chemin, la montagne ne sera plus inaccessible, sans qu'il y ait de changé que le chemin qui mène au sommet. Faites sécher les eaux qui rendent le lieu inabordable, et tout sera changé. Que conclure? Qu'un lieu est inaccessible pour des causes qui lui sont étrangères; inabordable, pour des causes qui lui sont propres. Exemple: Gravir cette montagne inaccessible est une entreprise inabordable. On dit inaccessible à : Ce chemin est inaccessible aux voitures, mais accessible aux piétons; ce poëte s'élève à des hauteurs inaccessibles, c'est-à-dire où les autres ne peuvent le suivre.

Appliqués aux personnes, la différence de ces deux mots est encore plus marquée : être inaccessible tient aux affaires, à la position, aux circonstances; être inabordable tient au caractère : l'homme inaccessible ne vous reçoit pas, l'homme inabordable vous reçoit si mal, qu'il vaudrait mieux qu'il ne vous reçût pas. Les rois sont inaccessibles; s'il leur fallait donner accès à tous ceux qui veulent les approcher, ils ne feraient que recevoir des demandes. La colère rend inabordable; il y a peu de gens inabordables: ceux qui sont inaccessibles à la prière ne le sont pas toujours à la crainte. (V. F.)

747. Inaction, Désœuvrement, Oisiveté.

Inaction, l'état de celui qui ne fait rien; désœuvrement, l'état de celui qui n'a rien à faire; oisiveté, l'état de celui qui fait des riens, dont la vie se passe sans occupations importantes. L'inaction emporte la cessation de toute activité, au moins extérieure: l'oisiveté comporte également et l'indolence et une activité employée à des choses inutiles; le désœuvrement suppose toujours une activité sans emploi.

L'inaction ne peut être durable que pour les corps insensibles: l'oisiveté est un état permanent, entretenu par une activité sans fatigue. L'agitation, engendrée par une activité inutile, rend le désœuvrement impossible à supporter longtemps.

Après le travail, l'inaction a ses douceurs pour beaucoup de gens, l'oisiveté est un état plein de charme.

Un homme qui se repose n'est pas désœuvré, car il a quelque chose à faire, c'est de se reposer: il n'est pas oisif, car le repos dont il a besoin pour rétablir ses forces est pour lui une affaire importante; il n'est qu'inactif.

Un homme qui se promène a l'air désœuvré, s'il se promène sans autre objet que celui de passer un temps dont il n'a rien à faire: s'il s'amuse, il n'est qu'oisif: pour retomber dans l'inaction, il faut qu'il s'arrête. (F. G.)

748. Inadvertance, Inattention.

J'aurais négligé d'assigner la différence de ces termes, si je n'avais vu des vocabulistes définir l'inadvertance un défaut d'attention, une action commise

sans attention aux suites qu'elle peut avoir. Il me semble que c'est là précisément l'inattention et nullement l'inadvertance.

Selon la valeur propre des mots, l'inadvertance désigne le défaut ou la faute de n'avoir pas tourné ou porté ses regards sur un objet, de manière qu'on n'a pu traiter la chose comme elle l'exigeait ; et l'inattention, le défaut ou la faute de n'avoir pas tendu et fixé sa pensée sur un objet, de manière à pouvoir traiter la chose comme on le devait. Vous voyez une personne, et vous n'attendez pas à savoir les égards que vous devez observer; si vous la heurtez, c'est une inattention. Vous n'apercevez pas cette personne, et vous n'êtes pas averti de l'attention que vous devez y faire; si vous la choquez, c'est une inadvertance.

Dans l'inadvertance, vous n'avez pas pris garde, mais vous n'étiez point averti; dans l'inattention, vous étiez averti de prendre garde, et vous ne l'avez pas fait. Dans le premier cas, vous auriez pu; vous auriez dû, dans le second, éviter la faute. L'inadvertance est un accident involontaire; l'inattention est une négligence répréhensible; cependant l'inadvertance, si vous avez pu et dû la prévenir, est un tort comme l'inattention. Il y aura un défaut de prévoyance dans l'inadvertance; il y a dans l'inattention un défaut de soin.

Un homme abstrait, absorbé dans ses abstractions, est sujet à de grandes inadvertances; il ne voit ni entend. Un homme distrait, emporté par ses distractions, est sujet à de grandes inattentions; il voit sans remarquer, il entend sans distinguer.

Les gens vifs tombent dans des inadvertances, ils vont à leur but sans regarder autour d'eux. Les esprits légers tombent dans des inattentions; ils sont à peine tournés vers un objet qu'ils en regardent un autre,

Avec de fréquentes inadvertances, vous passerez pour étourdi dans la société, avec de fréquentes inattentions, vous passerez pour impoli.

749. Inaptitude, Incapacité, Insuffisance, Inhabileté. L'inaptitude est le contraire de l'aptitude, et l'aptitude est une disposition naturelle et particulière qui rend fort propre à une chose.

L'incapacité est le contraire de la capacité, et la capacité est une faculté assez grande pour pouvoir saisir, embrasser et contenir son objet; et, par analogie, la faculté de concevoir, de comprendre, d'exécuter. C'est le sens propre du latin capax (capable), et de sa nombreuse famille.

L'insuffisance est le contraire de la suffisance, prise dans son vrai sens; et la suffisance est le pouvoir proportionnel, ou la possession des moyens nécessaires pour réussir.

L'inhabileté, ou, d'une manière positive et plus forte, la malhabileté, est le contraire de l'habileté; et l'habileté est cette qualité par laquelle une puissance exercée réunit à la supériorité d'intelligence la facilité de l'exécution.

L'inaptitude exclut tout talent; l'incapacité, tout pouvoir et tout espoir ; l'insuffisance, des moyens proportionnés à la fin; l'inhabileté, le talent et l'art qui dans les difficultés font les bons et prompts succès.

Avec de l'inaptitude, il ne faut entreprendre que des choses aisées et simples. Avec de l'incapacité, il ne faut pas entreprendre. Avec de l'insuffisance, il faut peser avant que d'entreprendre. Avec de l'inhabileté, il faut travailler et acquérir pour entreprendre des choses difficiles.

J'aurais pu ajouter à ces mots celui d'impéritie, qui désigne l'ignorance de l'art qu'on professe, ou le défaut des connaissances nécessaires pour la fonction publique qu'on exerce, la grande inhabileté de celui qui doit savoir. (R.)

L'insuffisance vient du défaut de proportion entre les moyens et la fin; l'incapacité, de la privation des moyens; et l'inaptitude, de l'impossibilité d'acquérir aucuns moyens.

On peut souvent suppléer à l'insuffisance; on peut quelquefois réparer l'incapacité; mais l'inaptitude est sans remède. (B.)

750. Incendie, Embrasement.

Je trouve dans un dictionnaire que l'incendie est un grand embrasement, et l'embrasement un grand incendie. Vaugelas remarque que les bons écrivains du temps du cardinal du Perron et de Coeffeteau évitaient le mot d'incendie; et même que les plus exacts de son temps préféraient celui d'embrasement. Selon lui, embrasement se dit d'un feu mis au hasard, et incendie d'un feu mis à dessein. Présentement, observe Bouhours, incendie n'est pas moins usité dans le sens d'embrasement.

Un corps est proprement embrasé lorsqu'il est pénétré de feu dans toute sa substance, sans que ce feu s'élance au-dessus de sa surface; circonstance qui distingue le corps enflammé. Le feu, lorsqu'il a pénétré toutes les parties d'une grande masse ou d'un amas de choses, forme l'embrasement proprement dit, comme il faut que tout brûle ou que tout soit en feu pour former le brasier. L'embrasement est donc une sorte de conflagration ou de combustion totale, ou plutôt un feu général. L'incendie, au contraire, a des progrès successifs: il s'allume, il s'accroît, il se communique, il gagne, il embrasse des masses énormes, des maisons, des villages, des bois, des forêts.

Une étincelle allume un incendie, et l'incendie produit un vaste embrasement. L'incendie est un courant de feu, l'embrasement présente un brasier ardent. L'incendie porte, lance de toutes parts les flammes; dans l'embrasement, le feu est partout, tout brûle, tout se consume.

L'incendie de Rome, par Néron, commença dans la partie du cirque adossée au mont Palatin et au mot Coelius. Faute de remparts et d'édifices revêtus de gros murs, et par le concours actif d'une foule d'incendiaires, l'embrasement fut bientôt général : l'incendie dura six jours et six nuits.

L'embrasement ne présente l'objet que sous un aspect physique; l'incendie le présente en outre sous un aspect moral. C'est l'effet naturel que nous considérons dans l'embrasement; c'est un malheur, et un grand malheur, que nous considérons dans l'incendie. La physique et la chimie s'occuperont de l'embrasement des corps; l'histoire nous retracera les terribles effets d'un grand incendie. Il est inutile d'observer que ces mots, employés au figuré, se distinguent par les mêmes différences. Une guerre qui s'allume successivement entre plusieurs puissances, une révolte qui gagne d'une province à l'autre, forment des incendies. Une guerre qui est allumée tout à la fois en divers pays, une révolte qui a éclaté tout d'un coup dans plusieurs provinces, sont des embrasements.

Enfin le mot incendie désigne proprement, par sa terminaison, ce qui est, l'état où est la chose; et embrasement, l'action, la cause, ce qui fait que la chose est dans cet état. (R.)

751. Incertitude, Doute, Irrésolution.

Dans le sens où ces mots sont synonymes, ils marquent tous les trois une indécision: mais l'incertitude vient de ce que l'événement des choses est inconnu ; le doute vient de ce que l'esprit ne sait pas faire un choix; l'irrésolution vient de ce que la volonté a de la peine à se déterminer.

On est dans l'incertitude sur le succès de ses démarches; dans le doute sur ce qu'on doit faire; et dans l'irrésolution sur ce qu'on veut faire.

L'homme sage ne sort guère de l'incertitude sur l'avenir, du doute sur les opinions, et de l'irrésolution sur les engagements. (B.)

752. Inclination, Penchant.

L'inclination dit quelque chose de moins fort que le penchant. La première nous porte vers un objet, et l'autre nous y entraîne.

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