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sarde nationale, et leurs armes leur sont rendues.

ils

Les vainqueurs dinèrent au fort de la Garde. Un billet leur ayant annoncé qu'ils avoient encore bien du chemin à faire, et qu'ils n'avoient pas un moment à perdre, ils passent sur la terrasse, et jetant un coup d'œil sur les forts de Saint-Nicolas et de Saint-Jean, s'écrient : « C'est-là qu'il faut aller souper. 20 Ils prennent chacun un soldat sous leur bras, et partent pour cette expédition, comme pour une fête ; mais ils n'eurent pas la peine de combattre. Toute la jeunesse de Marseille avoit pris les armes, et les commandans des forts sentant l'impossibilité de les défendre, prirent le parti de capituler. Ces forts, qui pouvoient à peine contenir sept à. huit cents hommes de garde, renfermoient sept à huit mille fusils et trois cents mille cartouches; et dans ce temps - là, M. de Saint Priest, qui étoit encore ministre, répondoit aux marseillois qui lui demandoient des armes, qu'il n'en avoit point à leur donner. Il les réservoit sans doute pour les tremper dans leur sang..

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A six heures du soir, les portes. furons,

ouvertes à la garde nationale. Les soldats de la garnison témoignèrent leur joie par les cris de Vive la nation, vive le roi, vive la liberté ! Les volontaires placèrent sur le donjon le pavillon tricolore. A ce signal, le fort de Notre-Dame de la Garde tira trois coups de canon. Tous les citoyens y répondirene par des cris de joie.

Les gardes nationales partagèrent la garde de leurs conquêtes avec les soldats cantonnés dans les forts. M. de Beausset, aidemajor de M. de Calvet, commandant du fort Saint-Jean, voulut faire pendant la nuit des préparatifs de défense, et charger les canons à mitraille; il commanda même aux soldats de Vexin d'arrêter les volontaires qui étoient de garde dans le fort. Mais les soldats, au lieu d'obéir, mettent bas les armes, se réunissent aux volontaires, l'arrêtent luimême, et se mettent en devoir de le conduira à l'hôtel-de-ville. Les femmes s'attroupent, les poissonnières demandent sa tête ; la multitude accourt et pousse les mêmes cris. M. de Beausset effrayé se jette dans la boutique d'un perruquier, mais il y est poursuivi et par un homme qui, d'un coup de sabre

saisi

lui abat la tête. On s'acharne sur son cadavre, et une nouvelle scène d'horreur ternit la gloire d'un des coups de main les plus hardis de la révolution.

Les marseillois résolurent de démolir ces forts plus dangereux pour les citoyens que pour les ennemis. L'un d'entr'eux, le fort Saint Jean, inutile du côté de la mer, nc pouvoit servir qu'à foudroyer le port. Louis XIV ne l'avoit fait construire que dans l'intention d'asservir la cités et par un raffinement et un luxe de despotisme, qui n'appar tenoit qu'à lui, il avoit mis en évidence ses vues d'oppression, en faisant graver sur une, des pierres angulaires de l'édifice, l'inscription, suivante: Ludovicus XIV adificavit hanc arcem, ne fideles Maffilienses nimium in libertatis amorem irruerent.

On se livroit avec autant plus d'ardeur à sette démolition, qu'on la regardoit comme une œuvre patriotique. Mais l'Assemblée nationale considérant que les forts n'appar tiennent pas aux villes particulières, mais à l'état, et les inconvéniens qui pourroient résulter de ces destructions arbitraires, ordonpa de suspendre les travaux, et de remettre

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les forts au pouvoir exécutif. Les marseillois se firent un nouvel honneur, en rendant hommage à la loi, et en donnant un grand exemple d'obéissance.

La prise des forts de Marseille fut bientôt suivie de celle de la citadelle de Montpellier; il n'y avoit que huit hommes de garde. Vingt-un citoyens s'en emparèrent, et la remirent à la municipalité, qui après avoir apposé le scellé sur les magasins et ap. partemens, y mit une garnison de garde nationale. Celle du Saint - Esprit eut le même

sort.

La ville de Toulon éprouva aussi de violentes secousses. Un attroupement considérable d'ouvriers se forma, le ; Mai, devant l'arsenal, puis vers l'hôtel de la Marine, bù logeoit M. de Glandèves, commandant de la marine; ils demandèrent d'abord la liberté de trois matelots détenus sur la frégate l'Alceste; ils exigerent ensuite des armes et des gibernes ; et leur audace s'accroissant par la facilité avec laquelle on accédoit à leurs demandes, ils forcèrent M. de Glandèves à se rendre à l'hôtel-de-ville. Son frère fut arraché de ses bras. M. de Chanlet qui l'accom

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pagnoit, reçut trois coups de sabre, deux coups de bayonnette, et ne dut son salut qu'à quelques volontaires nationaux. Des menaces terribles se faisoient entendre contre le commandant. Arrivé près de l'hôtel-deville il aperçut le maire et les officiers municipaux qui venoient au-devant de lui. Ils le reçurent avec les égards dûs à sa place, et encore plus à son malheur. Après une nuit de crainte et d'agitation, ils parvinrent enfin à rétablir le calme. M. de Glandèves fut reconduit chez lui par un bataillon de volontaires, avec les drapeaux, la musique, le cortège municipal, et tous les officiers de la garde nationale, au milieu des applaudissemens du peuple; c'étoit un vrai triomphe pour ce général, qui donna des marques vifibles de son attendrissement. Les officiers pleins de sensibilité, reconduisirent le corps municipal à l'hôtel-de-ville, et l'on se sépara avec le témoignage et les sentimens de la plus parfaite harmonie.

M. de Miran, commandant en second de Provence, ne fut pas si heureux. Après l'événe ment de M. de Beausset, il s'étoit retiré à Tasascon, où une garde de trente hommes veil,

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