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d'une nation dont la conquête récente de la liberté augmentoit encore la fierté et le courage, « Jusqu'à ce moment, dit M. de Volney, vous avez délibéré dans la France et pour la France, aujourd'hui vous allez délibérer pour l'univers et dans l'univers. » Après avoir voté des remerciemens au roi pour les mesures qu'il avoit prises pour le maintien de la paix et de la tranquillité, on mit à l'ordre du jour du lendemain, la décision de cette question constitutionnelle. A qui, de l'Assemblée législative ou du pouvoir exécutif, la nation doit-elle déléguer le droit de déclarer la gurrre et dé faire la paix?

Deux opinions opposées se prononcèrent fortement, et furent soutenues avec la même force et la même chaleur. On convenoit unanimement que ce droit appartenoit à la nation, source commune de tous les pouvoirs. Mais ne pouvant l'exercer clle-même, à qui devoit-elle le déléguer?

Ceux qui le réclamoient pour le roi, disoient que la constitution distinguoit deux pouvoirs, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif; l'un chargé d'exprimer la volonté générale et de disposer seul de la force publi

que; l'autre, chargé d'exécuter seul la volonté générale et de diriger la force publique dans le sens de certe volonté. Le premier, chargé de vouloir pour la nation, doit exprimer une volonté qui ait tous les caractères de la loi. Or, pour qu'une volonté ait ce caractère, il faut qu'elle ait pour objet, non un fait présent et particulier, sur le jugement duquel influeroient des circonstances et des passions, mais une vérité générale, un principe dicté par la raison et la réflexion, applicable à tous les faits de même nature, à toutes les circonstances qu'il embrasse, et dont aucune ne doit ni la dominer ni l'égarer. Il est clair qu'une déclaration de guerre n'a rien de commun avec les faits de cette classe ; elle ne peut donc être un acte de législation, elle n'appartient donc qu'au pouvoir exécutif.

Ils objectoient la lenteur et la publicité des opérations d'une assemblée nombreuse sur un objet qui exige du secret et de la célérité: agir au grand jour quand les autres s'enveloppent de nuages, c'est marcher à décou vert devant des batteries masquées.. Avant de faire adopter un tel systême, il falloit faire adopter à tous les peuples la constitution

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françoise. Ils insistoient sur la responsabilité des ministres par opposition aux membres de l'Assemblée nationale qui ne sont pas responsables. Si les ministres ne sont pas incorruptibles, les membres d'une assemblée nombreuse ne sont pas plus à l'abri de la corruption, témoins la Suède et la Pologne, dont les diètes vendues à l'or des étrangers, ont si mal usé du droit de déclarer la guerre. Ils citoient l'Angleterre, si jalouse de conserver sa liberté, et qui a cependant délégué à ses rois ce pouvoir si terrible à nos yeux. Que pouvoit on redouter de l'ambition des monarques et de l'abus qu'ils pourroient faire du droit de déclarer la guerre, quand par le simple refus des subsides on pourroit les contraindre à mettre bas les armes? Enfin ils s'étendoient sur l'importance de nos colonies, sur la nécessité d'une marine formidable pour les conserver sur la tendance des anglois à la monarchie universelle, sur leurs projets de vengeance contre l'empire françois, sur la jalousie des puissances du conti nent sur les invasions subites, etc.

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A les entendre, on cût dit que le nom d'un

roi, seul arbitre de la guerre et de la paix,

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garderoit mieux les côtes et les frontières de France, que les soldats, les forteresses, les matelots et le courage des citoyens. Quelques-uns distinguoient entre la guerre offensive pour laquelle ils demandoient le consentement de la nation, et bornoient à la guerre défensive la prérogative royale, distinction qui fut rejetée par les deux partis.

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A l'égard du droit de faire la paix et de conclure les traités, ils concluoient également qu'il fût délégué au roi, seul chargé de représenter la nation dans ses relations Extérieures, et demandoient pour ceux de commerce seuls la ratification du corps législatif. Tels étoient les principaux raisonnemens de MM. de Serent, Clermont-Tonnerre, Virieu, Dupont, de Custine, de Casalès, de Praslin, du Châtelet.

Ceux qui vouloient confier exclusivement au corps législatifle glaive de la nation, scute. noient au contraire que ce doit être à ceux sur qui pèse la guerre, et non à ceux que leur position met au-dessus des malheurs qu'elle entraîne, que peut appartenir le droit de la déclarer; que le déférer au roi, seroit dénaturer le pouvoir exécutif, puisqu'une déclaration de

et

que

guerre est une volonté nationale, l'expression des volontés nationales n'appartient qu'au corps législatif; que si l'on considère son étendue er ses effets, on reconnoîtra qu'un tel acte ne peut émaner que des représentans de la nation, puisqu'il porte sur la nation entiére et compromet ses intérêts; que si l'on ne veut pas appeler cet acte une loi, ce sera du moins un décret qui ne peut être rendu que par l'Assemblée nationale.

Examinant les avantages du secret qu'exaltoient si fort. les partisans du pouvoir exécu-. tif, ils faiscient voir qu'on ne pouvoit y attacher un si grand prix, qu'en confondant deux choses très-distinctes, la déclaration de guerre et la direction des opérations militaires que tout le monde convenoit devoir appar tenir au monarque; que presque toutes les grandes guerres ont roulé sur des questions. de droit public dont la discussion a été publique; que ce prétendu secret des conseils des rois, violé la plupart du tems par l'espionage et la corruption, n'étoit qu'un germe de guerre offensive, sous ombre de prévenir les projets cachés d'un ennemi; que le véritable. intérêt national étoit la justice, qu'elle de-.

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