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leur demande de permettre aux compagnies de s'armer et de sortir : ils s'y refusent. Le maire, il est vrai, se porte par-tour avec célérité, voit cet affreux désordre, harrangue les séditieux.

« Mes amis ! la paix, la paix, je vous en conjure ». On ne l'écoute pas, il se retire, et la rixe continue. Le tumulte finit avec le jour, mais on entendoit crier dans les rues vive le roi! vive la croix! à bas la nation! vive l'aristocratie! ».

Le lendemain, 4 Mai, devoit nécessairement s'annoncer par une scène de carnage. M. de Bonnes-Lesdiguieres, lieutenant-colonel du régiment de Guyenne, voyant qu'il ne pouvoit plus être maître de ses soldats, que les officiers avoient jusqu'alors contenus, et voulant prévenir les maux qu'il prévoyoit, se rendit dès six heures du matin à l'hôtel-de-ville pour signifier au maire que s'il ne faisoit proclamer la loi martiale, il ne répondoit ni de son régiment, ni des suites de la vengeance à laquelle il étoit provoqué si ouvertement; il exigea de plus que le maire se fit deux compagnies par escorter patriotes et non par celles de la croix. Cet

acte de vigueur et de patriotisme décida le retour de l'ordre. La loi martiale fut proclamée à dix heures; le drapeau rouge fut promené Le tems de la douceur est passé, disoit M. le maire, celui de la rigueur est venu, la loi martiale est proclamée ». Le peuple obéit, et le soir tout rentra dans le calme. M. de Bonnes promit à ses soldats que les coupables seroient punis. On s'embrassa dans les rues, et l'on n'y entendit plus que ces cris: » vive la loi! vive le roi! vive la nation »>!

M. de Marguerites, maire de Nîmes, n'avoit obtenu de l'Assemblée nationale qu'un congé de six semaines, depuis longtems expiré. Il avoit demandé une prolongation; elle lui fut refusée, et il n'en demeura pas moins dans cette ville. La part que la municipalité eut à ces troubles, et son absence prolongée, firent naître des soupçons sur les motifs de sa résidence. II fut mandé à la barre pour rendre compte de sa conduite; sa justification ne fut rien. moins que plausible; mais il trouva dans l'indulgence de ses collégues une sauve-garde contre la rigueur des loix. Des commissaires

du roi furent envoyés à Nîmes pour y rétablir l'ordre et la paix ; mais trop de haines fermentoient encore dans les cœurs, et le parti des factieux conservoit trop de puissance, pour que de nouvelles explosions ne fussent pas inévitables elles éclatèrent

bientôt.

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Le 4 Juin, quelques désordres survinrent devant le palais, où le corps électoral étoit assemblé. Des patrouilles furent commandées et faites par les dragons et le régiment de Guyenne. Le lendemain, les compagnies qui portoient auparavant la cocarde blanche, voulurent faire ce service. Les officiers municipaux consultèrent les commissaires du roi, dont la décision fut contraire au vœu de ces compagnies. Cependant ils défendirent aux dragons et au régiment de Guyenne de continuer les patrouilles. Le 13, les compagnies de Froment, Melchion et Descombes attaquèrent des dragons démontés, dont un fut tué et volé. Les citoyens indignés se réu nissent aux dragons; les aristocrates veulent fondre sur eux : le tumulte et le danger augmentent. Les commissaires du roi requièrent la proclamation de la loi martiale, et de

mandent qu'on fasse marcher le régiment de Guyenne. La loi martiale n'est proclamée que deux heures après, le régiment de Guyenne n'est pas commandé, et les patriotes sont repoussés.

Le 14, les assaillans recommencent l'at aque. Cachés dans leurs maisons, ils tirent des fenêtres sur les citoyens; bientôt ils s'emparent d'une tour attenante à la maison de M. Froment; ils s'y retranchent et établissent une batterie de pierriers qui paroissoient préparée de longue main. Le jour suivant, le régiment de Guyenne s'avance avec du canon jusqu'au bas de la tour. On se dispose alors à des conciliations, et l'attaque est suspendue. Mais, soit trahison, soit imprudence, les aristocrates font feu sur les patriotes. Rien ne peut plus arrêter le . régiment de Guyenne; la tour est forcée, plusieurs soi-disant catholiques demeurent sur la place, le reste se réfugie dans un couvent. Peu rebutés par le mauvais succès de la veille, ils oseat encore revenir à la charge, et tirer sur leurs vainqueurs. Le combat recommence, ils sont encore forcés dans cet asyle. Quatre-vingts personnes

au

au nombre desquelles étoient plusieurs capucins, périssent dans ces différentes affaires. Le procureur de la commune et un officier municipal sont arrêtés. On désarme les vaincus, et l'on envoie des couriers pour arrêter la marche des gardes nationales qui s'avançoient de tous côtés au secours des citoyens. Un gros détachement de Montpellier étoit déjà arrivé. Le 16, les légions réunies se fédèrent sur l'esplanade: on supprime les dix-neuf compagnies catholiques, source de tout le mal, l'état-major est remplacé par un autre, la paix proclamée, et pour l'assurer, quinze cens Cévénols demeurent aux portes de la ville.

Les mouvemens que l'on travailloit à exciter parmi les soldats, ne causoient pas moins d'inquiétudes et de désordres. La perfide indulgence de quelques chefs, les vexations exercées par d'autres, ne tendoient à rien moins qu'à désorganiser complettement l'armée. Les traits de ce genre se ressemblent presque tous et seroient trop nombreux pour -être rapportés. Nous nous bornerons à l'affaire du régiment de Touraine, dont M. Mirabeau le jeune étoit colonel.

F

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