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çoit l'ordre qu'il demande, mais il ne peut plus pénétrer jusqu'à l'hôtel-de-ville. On recommence même à faire feu sur lui.

Le commandant-général prie le maire de se rendre avec lui à la maison commune, il offre de se jeter entre le peuple et la garde nationale. Ils partent : il est porté par la foule jusques dans la cour. On le charge de coups; un des plus vertueux citoyens de la France alloit être égorgé, si la maréchaussée par des prodiges de force et de courage ne l'eût arraché à la fureur des assassins et conduit à la caserne, d'où il s'enfuit malgré ses bles

sures.

Cependant, des flots d'énergumènes inondoient les rues adjacentes à l'hôtel-de-ville et demandoient la tête des patriotes. La mu nicipalité réitère aux dragons l'injonction de se retirer. Mais ils étaient dans l'impossibilité de le faire sans être massacrés. Dans cette extrémité, ils prennent le parti de se jeter dans le corps-de-garde et de s'emparer de quelques mauvaises armes qui s'y trouvoient, pour se défendre contre cette multitude ameu tée et dirigée par les principaux chefs des nouvelles compagnies. Mais à peine y sont

Tome V

ils entrés, qu'ils y sont bloqués par une foule de furieux armés de sabres, de bâtons, de pierres et de fusils qu'on avoit eu soin de leur procurer, et par une troupe d'employés des fermes et des gabelles que l'on n'avoit pas manqué de commander pour cette noble expédition.

Les patriotes étoient sans munitions et ne pouvoient opposer aucune résistance. Les fanatiques dirigeoient un feu continuel sur les fenêtres. Les dragons présentent un mouchoir blanc au bout d'une bayonnette et demandent la vie. On leur crie de rendre les

armes leur foiblesse augmente

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la

rage

de la multitude. A travers les portes et les fenê tres on en tue cinq, puis on se met à démolir le mur du corps-de-garde, sous les yeux mêmes de la municipalité : déjà les portes sont ébranlées, et les patriotes n'attendent plus que la mort. Alors enfin, on se résout à requérir le régiment de Languedoc. Il arrive, sauve la vie à ceux qui restent, et contient la populace, toute fière encore de se voir maî tresse des armes qui étoient à l'arsenal, et qu'on avoit, disoit-on, été contraint de lui livrer.

Le corps-de-garde s'ouvre, et les martyrs de la constitution en sortent couverts de sang. La férocité des assassins augmente à cette vue; l'air retentit de hurlemens. On leur arrache la cocarde patriotique, on les dépouille de leurs vêtemens, on les fait promener dans la ville, et pour annoncer le rétablissement de la paix, on fait conduire par le maire lui-même portant un drapeau blanc à la main, cinquante-cinq citoyens dont tous les pas étoient marqués par les traces sanglantes de leurs blessures; on les mène sur la place d'armes pour les forcer à faire. amende honorable et à crier avec leurs assassins vive le roi, à bas la nation et la "cocarde nationale !

Ce n'est pas tout les monstres veulent avoir leurs têtes et les porter sur leurs piques, pour venger, disoient ils, la mort de Favras. On les arrache avec peine à leur furie, et ils ne trouvent d'asyle qu'au fond d'un cachot. Les nouvelles compagnies demeurent maîtresses de la ville, et la cocarde devenue un signe de proscription, est remplacée par une croix.

On avoit espéré que les pieuses barbaries

des fanatiques de Montauban trouveroient des imitateurs. On se trompa : la cocarde fut reprise. Mais les persécutions commencées contre les patriotes ne furent point rallenties. La municipalité défendit ces funestes assemblées où tant de crimes avoient éré préparés; mais elle ne prit aucune mesure pour assurer la liberté et la vie des bons citoyens, qui se voyoient chaque jour exposés aux outrages, à la prison et à la mort.

A la nouvelle de tant d'attentats, la ville de Bordeaux indignée, s'apprête à les punir. Toute la jeunesse veut partager la gloire de venger des frères si lâchement trahis, et une armée patriotique part de la ville en mêmetems qu'un courier va rendre compte de ces évènemens au corps législatif et lui demander ses ordres. Les instructions les plus sages er les plus précises avoient été données au commandaut pour assurer le bon ordre pendant la route, et se borner à protéger l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale. De plus, il lui étoit enjoint d'attendre à Moissac les ordres du corps législatif.

La marche des troupes bordeloises répandit la consternation à Montauban. Les offi

ciers municipaux, assez insensés pour croire à une guerre civile, et par suite à une contrerévolution, demandèrent des secours de toutes parts. Pour éloigner la garde de Toulouse qu'ils redoutoient, ils écrivirent à la municipalité que la paix étoit rétablie, et dans le même tems, ils requéroient toutes les autres villes de leur envoyer des détachemens de garde nationale. Leurs émissaires parcouroient les campagnes et enrôloient jusqu'aux gardes de la ferme préposés sur les frontières du Languedoc à veiller sur la contrebande du sel. Un de ces recruteurs, nommé Porquet, se transporta à Moissac, pour engager les propriétaires des bateaux à les couler à fond, pour que l'armée bordeloise ne pût point passer la rivière à la pointe..

En même-tems on envoyoit à ces légions citoyennes une adresse dans laquelle on leur attestoit que le calme le plus profond avoit succédé à une journée orageuse. On jura aux pères des prisonniers qu'on alloit les faire élargir; mais ce serment fut violé le soir même par les officiers municipaux, qui arrêtèrent de surseoir à leur délivrance jusqu'au retour de leurs députés, et on excita une

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