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paix, les ennemis de la révolution ne la vouloient pas, et ne pouvant réussir à diviser entièrement la garde nationale, ils engagèrent la municipalité à former de nouvelles compagnies.

Dans le même tems, on tenoit des assem→ blées dans les églises, on y proposoit de demander à l'Assemblée nationale, la conservation du siége épiscopal de Montauban, celle des maisons religieuses, et un décret qui déclarât que la religion catholique seroit la seule religion de l'état. Dans ces assemblées qui étoient très-fréquentes, on n'omettoit rien pour allumer le fanatisme du peuple et pour l'armer contre la garde nationale, par l'établissement des nouvelles compagnies.

Quand on crut les esprits suffisamment disposés, la municipalité rendit une ordonnance pour leur formation.. Les meilleurs citoyens effrayés du danger dont la ville étoit menacée, la supplièrent de différer jusqu'à la décision de l'Assemblée nationale. Mais les fanatiques n'en devinrent que plus pressans. Les libelles les plus incendiaires furent répandus avec profusion; des registres furent ouverts chez divers particuliers, pour une crois

sade contre les protestans; de nouvelles assemblées furent convoquées ; des adresses à l'Assemblée nationale et au roi furent signées; enfin le 25 avril, les vicaires généraux donnèrent un mandement pour ordonner des prières de quarante heures.

Cependant, la garde nationale en butte à tant de haines, prit le parti de s'adresser au corps législatif et de lui envoyer une députa tation, après en avoir prévenu le corps municipal. Consultée individuellement sur la formation des nouvelles compagnies, elle avoit émis son vœu pour le refus, en déclarant néanmoins qu'elle étoit prête à recevoir dans les compagnies existantes, tous les citoyens qui voudroient prendre part au service de la patrie. La municipalité persistoit dans sa résofution, et la garde nationale dans la sienne, d'autant plus qu'un grand nombre de ceux qu'on lui présentoit, domestiques, porteurs de chaise, gens flétris de justice, lui paroissoient devoir être plus dangereux qu'utiles.

Cependant arriva le décret du 30 Avril, qui ordonnoit que toutes les choses demeureroient en l'état, jusqu'à l'organisation définitive de la garde nationale, et que les modi

fications dont elle seroit susceptible, seroient' aites de concert entr'elle et les municipalités. Les séditieux n'en poursuivirent pas leurs proets avec moins d'activité.

La fermentation étoit au comble, tout annonçoit une prochaine et violente explosion. Le 7 Mai, on renouvella la pétition relative aux nouvelles compagnies; le 8, M. Dupuy de Montbrun et quelques pères de familles se réunirent pour aviser aux moyens de prévenir les malheurs dont on étoit menacé. Il supplia les officiers municipaux d'adhérer à quelque plan de conciliation qui pût rapprocher les deux partis. L'état-major étoit déterminé aux plus grands sacrifices: on nom ma des commissaires de part et d'autre. II n'étoit plus tems.

La municipalité avoit fixé au 10 Mai, premier jour des Rogations, la visite qu'elle devoit faire dans les cinq communautés religieuses, pour y procéder à l'inventaire ordonné par le décret du 26 Mars. Elle ne pouvoit choisir un jour plus favorable pour exciter un soulèvement. Afin d'accélérer, dit-elle, es opérations, elle nomma cinq commissions de deux membres chacune, à l'effet de

e transporter au même instant dans les cinq communautés. Une foule immense composée sur-tout de femmes, interceptoit les passages. A lá vue des commissaires, elles crièrent de toutes leurs forces, qu'elles s'opposoient tout inventaire et les forcèrent à se retirer.

Peu de tems après se forma un attroupement considérable sur la place de Monges, devant la maison du commandant-général. Ón instruit la municipalité que des groupes nombreux se réunissent dans divers quartiers. On la presse de requérir la force publique pour les dissiper; elle répond que ce ne sera rien, et qu'il ne faut employer ce moyen qu'à défaut de tout autre. On assure même que M. d'Elbreil, avocat-général, et un M. de Channac, apprenant que le peuple menaçoit de brûler la maison du commandant-général, eurent l'atrocité de battre des mains.

M. Dupuy-Montbrun étoit au comité militaire; il accourt et traverse la place au milieu des cris d'une multitude de forcenés, qui le menacent de la mort s'il n'adhère par sa signature à l'admission des huit compagnies et à l'adresse à l'Assemblée nationale pour la conservation des maisons religieuses. Il rem:

contre le maire qui parvient à calmer un peu les fanatiques, et engage le commandantgénéral à l'accompagner dans sa maison.

:

Les patriotes alarmés de ce tumulte, se rendent au corps-de-garde de l'hôtel-de-ville pour empêcher le peuple de s'emparer de l'arsenal. Au même instant, on convoque toutà coup une assemblée de catholiques aux Cordeliers les femmes comme des furies, souffent par-tout le feu du fanatisme et de la discorde; des forcenés haranguent la foule. On crie que la compagnie des dragons composée de protestans et de inauvais catholiques s'est emparée de l'arsenal; que le moment est venu d'immoler ces hérétiques. On foule aux pieds la cocarde; on entend quelques coups de cloches à la paroisse Saint Jacques. Une troupe de tigres parcourt la ville avec d'affreux rugissemens.

La municipalité étoit alors assemblée. Elle fait dire aux patriotes de se retirer. Ils répondent qu'ils ne peuvent quitter leur poste sans l'ordre de leur chef. M. Moulet, capitaine, va le demander au commandant-général, qui étoit encore chez le maire; on lui tire dans les rues plusieurs coups de fusil; il re

foit

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