Page images
PDF
EPUB

prêter le serment civique. Les aristocrates furieux crient aux armes. S Soixante soldats qu'ils avoient cachés dans le voisinage, accourent commandés par un procureur au par lement, font feu sur les citoyens et les poursuivent avec acharnement. Le trouble et l'alarme se répandent dans toute la cité : elle alloit être inondée de sang. La municipalité paroît; sa fermeté en impose aux assassins, Elle dissout ces assemblées séditieuses et en défend le retour par une sévère proclamation, Quelques membres du corps législatif ne yoyoient rien que de pieux et d'innocent dans ce délire fanatique. Mais la majorité jugea que des coups de fusils et de bayonnettes n'é toient pas des pétitions, et que des assemblées dont le résultat étoit de mettre la ville

à feu et à sang, n'étoient celles qui pas étoient autorisées par les décrets.

Dans tout le royaume, les prêtres aigui sant les armes du fanatisme avec celles de la calomnie les rendoient encore plus terribles. Un certain abbé de Boulogne porta l'impu dence jusqu'à prêcher à Paris dans l'église des Théatins, que c'étoient les philosophes qui avoient dévoré les richesses de l'état. Quels

philosophes, en effet, que les Polignac, les d'Aligre, les Thierry, les Villequier et ce ramas de valets et de femmes perdues qui figurent dans le livre rouge! A Paris, de tels Sermons n'étoient que ridicules. Nous avons vu combien ils pouvoient être redoutables dans les départemens éloignés; nous allons voir combien ils devinrent funestes dans ceux où la diversité des cultes donnoit la facilité d'armer les citoyens les uns contre les autres, et de les faire s'entr'égorger pour des distinctions théologiques.

Les protestans formoient à peu près le sixième de la population de Montauban. Ils vivoient avec les catholiques dans la meilleure intelligence; ils composoient ensemble la garde nationale, et quoique ces derniers en fissent la très-grande majorité, le patriotisme très-prononcé et le zèle ardent des cal. vinistes avoient engagé à prendre parmi eux presque tous les officiers. Il y avoit dans cette garde une compagnie de dragons spécialement destinés au service extérieur, et distingués par leur attachement à la cause de la liberté. Tout ce corps ne sembloit animé que d'un même esprit. Il maintint la tranquillité

dans la ville, au milieu de la fermentation excitée par les intrigues de ceux qui travailloient à écarter les protestans de toutes les places de la municipalité; il garantit auffi les terres et les châteaux menacés par Ics pay sans, et montra la plus grande ardeur à porter du secours lors de l'incendie de celui de M. Cazalès en particulier.

On commençoir à s'apercevoir qu'il exis toit deux partis à Montauban. Les aristocrates voilant leurs desseins perfides sous les apparences de l'attachement au culte catholique, mettoient tout en œuvre pour écraser les protestans dont ils connoissoient l'enthousiasme pour la liberté, et résolurent de créer un nouveau corps sous le nom de volon taires. La garde nationale crut s'apercevoir que cette nouvelle troupe ne partageoit pas ses principes, et se souvenant des désordres occasionnés à Lyon par des compagnies for mées sur le même modèle, fit entendre se3 réclamations contre une corporation dons les services ne pouvoient compenser les dangers. Elle fut dissoute; le calme reparut, mais il ne fut pas de longue durée.

La municipalité fur installée peu de tems
Cu

après, et les soldats citoyens s'empressèrent de lui rendre hommage. Une de ses premières opérations fut de redemander au commandant de la garde nationale, les clefs de l'arsenal où les armes étoient déposées. Elles con sistoient en cent cinquante fusils destinés à armer trois compagnies, qui faisoient à tour de rôle le service extraordinaire pour la tranquillité publique, les incendies et autrescas imprévus. La garde nationale, quoique mortifiée, arrêta de déférer à la demande de la municipalité, par amour de la paix, et par respect pour la loi.

Les patriotes de Montauban voulant imf.. ter l'exemple de toutes les villes du royaume, qui opposoient des fédérations destinées à entretenir l'ordre établi par les loix, aux ligues que l'on formoit de toutes parts pour le troubler, envoyèrent le 13 Mars une circulaire aux gardes nationales voisines, pour les inviter à un pacte fédératif. Plusieurs acceptèrent avec transport cette proposition. Le 29 Mars, les soldats-citoyens et le régiment de Languedoc en garnison dans cette ville, firent aussi un acte d'association et s'engagèrent sous la foi du serment, d'être

soumis irrévocablement aux décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi, d'en maintenir l'exécution, et de la forcer même à la première réquisition de la municipalité. Le 30, le corps municipal fit afficher une ordonnance, qui supprimoit la circulaire écrite le 13 par la garde nationale Montalbanoise; démarche impolitique qui mettoit à découvert ses sentimens d'incivisme.

Les fauteurs des troubles, pour rendre la garde nationale odieuse et y semer la division, ys affectoient de faire remarquer que tous ses chefs étoient protestans. Elle nomma pour son commandant général, M. Dupuy-Montbrun, et lui donna pour major M. d'Escorbiac, tous deux bons catholiques, tous deux excellens citoyens et généralement estimés. Cette mesure de prudence déconcerta ses ennemis; mais ils ne se rebutèrent pas. Ils continuèrent à souffler dans les compagnies, l'ese prit de fanatisme et de jalousie : ils se plaignirent de ce que la majorité du conseil de guerre et du comité de correspondance, étoit composée de calvinistes. On renforça sur-lechamp l'un et l'autre par des catholiques. Mais les bons citoyens vouloient en vain le

« PreviousContinue »