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fage, & qui était alors mourant? (f) Trois mages d'Orient ont-ils pu lui faire accroire qu'ils avaient vu l'étoile d'un petit enfant roi des Juifs, qui venait de naître dans une écurie de village? A quel imbécille aura-t-on pu perfuader une telle abfurdité ? & quel imbécille peut la lire fans en être indigné ? Pourquoi ni Marc, ni Luc, ni Jean, ni aucun autre auteur ne rapporte-t-il cette fable? Bolingbroke.

(f) Quelques efprits faibles ou faux, ou ignorans, ou fourbes, ont prétendu trouver dans l'antiquité des témoignages du massacre des enfans qu'on suppose égorgés par l'ordre d'Hérode, de peur qu'un de ces enfans nés à Bethleem n'enlevât le royaume à cet Hérode âgé de foixante & dix ans, & attaqué d'une maladie mortelle. Ces défenfeurs d'une fi étrange cause, ont trouvé un paffage de Macrobe dans lequel il eft dit: Lorsqu' Auguste apprit qu' Hérode roi des Juifs en Syrie avait compris fon propre fils parmi les enfans au-deffous de deux ans qu'il avait fait tuer, il vaut mieux, dit-il, être le cochon d'Hérode que fon fils.

Ceux qui abusent ainfi de ce paffage ne font pas attention que Macrobe eft un auteur du cinquième siècle, & par conféquent qu'il ne pouvait être regardé par les chrétiens de ce temps-là comme un ancien.

Ils ne fongent pas que l'empire romain était alors chrétien, & que l'erreur publique avait pu aifément tromper Macrobe qui ne s'amuse qu'à raconter de vieilles hiftoriettes. Ils auraient dû remarquer qu'Hérode n'avait point alors d'enfant de deux ans.

Ils pouvaient encore observer qu' Augufte ne put dire qu'il valait mieux être le cochon d'Hérode que fon fils, puifqu'Hérode n'avait point de

cochon.

Enfin on pouvait aisement foupçonner qu'il y a une falfification dans le texte de Macrobe, puifque ces mots, pueros quos infra bimatum Herodes juffit interfici les enfans au-deffous de deux ans qu'Hérode fit tuer,) ne font pas dans les anciens manufcrits.

On fait affez combien les chrétiens fe font permis d'être fauffaires pour la bonne cause. Ils ont falfifié, & très-mal-adroitement, le texte de Flavien Jofephe; ils ont fait parler ce pharifien déterminé, comme s'il eût reconnu Jefu pour meffic. Ils ont forgé des lettres de Pilate, des lettres de Paul à Séneqne, & de Sénèque à Paul, des écrits des apôtres, des vers des fibylles. Ils ont fuppofe plus de deux cents volumes. Il y a eu de fiècle en fiècle une fuite de fauffaires. Tous les hommes inftruits le favent & le difent; & cependant l'impofture avérée prédomine. Ce font des voleurs pris en flagrant

Cinquième doute.

On vit alors rempli ce qui fut dit par le prophète Jérémie, difant: Une voix s'eft entendue dans Rama, des lamentations & des hurlemens, Rachel pleurant fes enfans, car ils n'étaient plus. Quel rapport entre un difcours de Jérémie fur des efclaves juifs tués de fon temps à Rama, & la prétendue boucherie d'Hérode! Quelle fureur de prédire ce qui n'a pu arriver ! On fe moquerait bien d'un auteur qui trouverait dans une prophétie de Merlin l'hiftoire de l'homme qui a prétendu se mettre de nos jours dans une bouteille de deux pintes.

Sixième doute.

Matthieu dit que Jofeph & fa femme s'enfuirent & menèrent le dieu Jefu fils de Marie en Egypte ; & c'eft-là que le petit Jefu défenchante un homme que les magiciens avaient changé en mulet, fi on croit l'évangile de l'enfance. Matthieu ajoute qu'après la mort d'Hérode, Jofeph & Marie ramenèrent le petit dieu à Nazareth, afin que la prédiction des prophètes fût remplie il fera appelé Nazaréen.

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On voit par-tout ce même foin, ce même groffier artifice de vouloir que les chofes les plus indifférentes de la vie de Jefu foient prédites plufieurs fiècles auparavant; mais l'ignorance & la témérité de l'auteur se manifestent trop ici. Ces mots, il fera appelé Nazaréen, ne font dans aucun prophète.

Enfin pour comble, Luc dit précisément le contraire de Matthieu. Il fait aller Jofeph, Maria, & le petit dieu

juif droit à Nazareth, fans paffer par l'Egypte. Certainement l'un ou l'autre évangélifte a menti. Cela ne s'eft pas fait de concert, dit un énergumène. Non, mon ami; deux faux témoins qui fe contredifent, ne se font pas entendus ensemble; mais ils n'en font pas moins faux témoins. Ce font-là les objections des incrédules.

Septième doute.

Jean le baptifeur, qui gagnait fa vie à verser un peu d'huile fur la tête des Juifs qui venaient se baigner dans le Jourdain par dévotion, inftituait alors une petite fecte qui fubfifte encore vers Mozul, & qu'on appelle les oints, les huilés, les chrétiens de Jean. Matthieu dit que Jefu vint fe baigner dans le Jourdain comme les autres. Alors le ciel s'entr'ouvrit ; le St Efprit (dont on a fait depuis une troifième perfonne de DIEU) defcendit du ciel en colombe, fur la tête de Jefu, & cria à haute voix devant tout le monde : Celui-ci eft mon fils bien aimé en qui je me fuis complu.

Le texte ne dit pas expreffément que ce fut la colombe qui parla, & qui prononça: Celui-ci eft mon fils bien aimé. C'est donc DIEU le père qui vint aussi lui-même, avec le St Efprit & la colombe. C'était un beau fpectacle & on ne fait pas comment les Juifs oferent faire pendre un homme que DIEU avait déclaré fon fils fi folemnellement devant eux, & devant la garnifon romaine qui rempliffait Jerufalem. Colins, page 153.

Huitième doute.

Alors Jefu ful emporté par l'efprit dans le défert, pour être tenté par le diable; & ayant été quarante jours & quarante nuits fans manger, il eut faim; & le diable lui dit: Si tu es le fils de DIEU, dis que ces pierres deviennent des pains.. Le diable auffitôt l'emporta fur le pinacle du temple, & lui dit : Si tu es fils de DIEU, jette-toi en bas.... Le diable l'emporta enfuite fur une montagne du haut de laquelle il lui fit voir tous les royaumes de la terre, & lui dit: Je te donnerai tout cela, fi tu veux m'adorer.

...

Il ne faut pas discuter un tel passage : c'est le parfait modèle de l'histoire. C'eft Xénophon, Polybe, Tite-Live, Tacite, tout pur, ou plutôt c'eft la raifon même écrite de la main de DIEU ou du diable; car ils y jouent l'un & l'autre un grand rôle. Tindal.

Neuvième doute.

Selon Matthieu, deux poffédés fortent des tombeaux, où ils fe retiraient, & courent à Jefu. Selon Marc & Luc, il n'y a qu'un poffédé. Quoi qu'il en foit, Jefu envoie le diable ou les diables qui tourmentaient ce poffédé ou ces poffedés, dans les corps de deux mille cochons qui vont vîte fe noyer dans le lac de Tibériade. On a demandé fouvent comment il y avait tant de cochons dans un pays où l'on n'en mangea jamais, & de quel droit Jefu & le diable les avaient noyés, & ruiné le marchand auquel ils appartenaient; mais nous ne fefons point de telles queftions. Gordon.

Dixième doute.

Matthieu, dans fon chapitre II, dit que Jefu nourrit cinq mille hommes, fans compter les femmes & leurs enfans, avec cinq pains & deux poiffons, dont il refta deux pleines corbeilles.

Et au chapitre XV, il dit qu'ils étaient quatre mille hommes, & que Jefu les raffafia avec sept pains & quelques petits poiffons. Cela femble fe contredire, mais cela s'explique. Trenchard.

Onzième doute.

Enfuite Matthieu raconte que Jefu mena Pierre, Jacques, & Jean, à l'écart fur une haute montagne qu'on ne nomme pas; & que là il fe transfigura pendant la nuit. Cette transfiguration confifta en ce que fa robe devint blanche, & fon visage brillant. Moïfe & Elie vinrent s'entretenir avec lui; après quoi il chaffa le diable du corps d'un enfant lunatique qui tombait tantôt dans le feu, tantôt dans l'eau. Notre Wolfton demande quel était le plus lunatique, ou celui qui fe transfigurait en habit blanc pour converser avec Elie & Moife, ou le petit garçon qui tombait dans le feu & dans l'eau. Mais nous traitons la chofe plus férieusement. Colins.

Douzième doute.

Jefu après avoir parcouru la province pendant quelques mois, à l'âge d'environ trente ans

vient

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