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SYNONYMIQUE

DE

LA LANGUE FRANÇAISE.

A.

À. APRÈS. On dit arracher brin à brin, et arracher les brins l'un après l'autre. Dans la premiere phrase, à indique que lorsqu'on a arraché un brin, un autre brin devient le but d'une nouvelle action semblable; dans la seconde, après signifie qu'on n'arrache pas plusieurs brins à la fois, mais qu'à l'action d'en arracher un, succède l'action d'en arracher un autre. L'an marque la succession de la tendance à des termes; l'autre, la suc-sition qui indique ce rapport. cession des actions dans l'ordre du temps. un fusil à balles, un canon à mitraille, et non Brin á brin semble avoir rapport à la conser-pas avec des balles, avec de la mitraille, parce vation des brins, aux précautions nécessaires pour ne pas les endommager; l'un après l'autre semble avoir rapport à la difficulté de l'action. Pour ne pas endommager le chanvre, il faut le cueillir brin à brin. Si vous ne pouvez pas arracher ces plantes à la fois, arrachez les brins l'un après l'autre, et non pas arrachez

avec celle de mon frère; ici le mot épée est considéré abstraction faite de tout choix, de toute exclusion. On dit se battre avec une fourche, et non pas se battre à la fourche, parce qu'une fourche n'est pas une arme dont on se serve ordinairement pour se battre; que l'idée de se battre n'a pas un rapport de terme avec l'idée de fourche, et qu'on ne saurait par conséquent lier ces deux idées par une prépoOn charge

les brin à brin.

À, AVEC. Il y a de la différence entre se battre à l'épée et se battre avec une épée. La premiere phrase suppose le choix d'une arme particulière parmi celles dont on se sert ordinairement pour se battre, à l'exclusion de toutes les autres; la seconde indique seulement lasage que l'on fait d'une arme particulière, abstraction faite de tout choix et de toute exclusion. Ainsi l'on dirait nous décidàmes que tous nous battrions à l'épée; c'est le choix d'une arme à l'exclusion de toute autre; mais comme je n'avais point d'épée, je me battis

que cette manière de charger est une de celles dont on fait ordinairement usage pour ces sortes d'armes, et que la préposition à indique comme terme le choix qu'on en a fait. Mais on dirait charger nn fusil avec des boules de liége, charger un canon avec des pierres, et non pas à

boules de liége, à pierres, parce que les boules de liége et les pierres n'étant pas des choses destinées à ces chargemens, on ne peut en avoir fait choix entre ces choses, ce qu'indiquerait la préposition à.

À, DANS, EN. Dans Pierre va à Rome, Pierre est à Rome, etc., à indique que le terme est considéré comme un point fixe, déterminé, indivisible. Mais lorsqu'un lieu est considéré comme ayant de l'étendue, le rapport à ce terme considéré ainsi est indiqué par la préposition dans ou en. On ne dit pas aller à l'Italie ou être à l'Italie; mais aller en Italie, être en Italie, parce que l'Italie n'est pas un lien que l'on puisse se

Je

bâtis à la manière d'Italie, lorsque, connaissant bien cette manière, je la regarde comme un but que je veux atteindre; je bâtis selon ou suivant la manière d'Italie, lorsque je considère cette manière comme une règle que je veux suivre.

À, SUR. Monter à cheval, c'est se placer sur un cheval dans le dessein de le faire marcher ou manœuvrer. Monter sur un cheval n'a rapport qu'à la position où l'on était auparavant. On monte à cheval pour partir, pour aller au combat, pour s'enfuir. On monte sur

figurer comme un point indivisible, mais un taisie a pris sa fantaisie pour règle; il la conpays étendu dans lequel on peut entrer par di-sulte toujours, et la suit ordinairement. vers points très éloignés les uns des autres. Par la même raison, on dit monter à cheval, être à cheval, parce que l'endroit par où l'on touche un cheval peut être considéré comme un point fixe, déterminé et indivisible. Mais on ne dit pas monter à voiture, être à voiture, mais monter en voiture, être en voiture, parce qu'une voiture ne peut être considérée comme un point auquel on atteint en s'y placant, et que l'idée qu'elle présente est nécessairement liée à celle d'un espace dans lequel on est contenu. Si l'on dit aller aux Indes, au Pérou, au Mexique, à la Chine, c'est parce que lors-un cheval pour ne pas rester à terre; je faique ces pays furent découverts, l'éloignement ne les fit considérer que comme des points; et ces façons de parler se sont conservées après qu'on a su que ces lieux étaient des empires ou des royaumes. L'Amérique n'ayant reçu son nom que dans le temps où l'on connaissait déjà plusieurs des pays dont elle est composée, on a dit aller en Amérique, comme on disait aller en Asie. Dans être à Paris, vivre à Paris, Paris est considéré comme un point où l'on est fixé; dans être dans Paris, vivre dans Paris, Paris est considéré comme un espace dans lequel on est contenu. Un homme qui est à Paris n'est pas à Marseille ou à Toulouse; un homme qui est dans Paris n'est pas hors de Paris. Voyez DANS.

sais cette route tantôt à pied, tantôt à cheval; quand j'étais fatigué d'aller à pied, je montais sur mon cheval. La foule m'empêchait de voir le cortége; je montai sur mon cheval pour voir par-dessus la foule. On ne pourrait pas dire ici je montai à cheval. On met un cadavre, un sac sur un cheval; on ne les met pas à cheval.

À, VERS. Venez à moi indique la personne qui parle comme le terme, le but du mouvement qu'elle commande; venez vers moi n'indique qu'un rapprochement. A moi, soldats! signifie soldats, venez à moi, à ma personne, pour la défendre, pour la soutenir, Venez vers moi signifie venez près de moi, approchez-vous de moi.

À, OU. Cela coûte dix à douze francs, c'est-à-dire le prix de cette chose peut aller depuis dix francs jusqu'à douze francs. Il y avait dixà onze personnes dans cette chambre signifie que le nombre des personnes était de

terme; dans la seconde, on veut dire qu'on n'est pas sûr s'il était de dix ou de onze, et ou marque cette alternative.

EN, A, PAR. On dit, on voit à sa mine qu'il n'est pas content, et on juge par sa mine qu'il n'est pas content. Dans le premier exemple, à indique que la mine est regardée comme un signe certain de mécontentement, c'est une chose à laquelle on voit, on remarque le mé-dix, ou tout au plus de onze. Il y avait dix ou contentement comme attaché; dans la seconde, ouze personnes dans cette chambre veut dire, par indique que la mine n'offre qu'un signe le nombre des personnes était de dix ou de probable de mécontentement, un signe par le- onze, je n'affirme ni l'un ni l'autre. Dans la quel on juge que le mécontentement doit exis- première phrase, on assure que le nombre ne ter. Dans le premier cas, on voit le méconten-passait pas onze, et à indique le rapport à ce tement sur la mine; dans le second, par la mine on juge l'existence du mécontentement. À, POUR. On eut bien de la peine à le persuader, on a bien de la peine pour le persuader. Dans la première phrase, la peine tombe sur les efforts tendant à le persuader; dans la seconde, elle tombe sur les moyens employés pour parvenir à ce but. On a bien de la peine à persuader quelqu'un qui ne veut pas écouter les raisons qu'on lui donne on a bien de la peine pour persuader quelqu'un qui réfute tous les raisonnemens qu'on lui fait. À, SELON, SUIVANT. Celui qui vit à sa fantaisie a pris sa fantaisie pour but de toutes ses actions; toutes ses actions tendent à la satisfaire. Celui qui vit selon ou suivant sa fan

:

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À, DE. On dit commencer à faire une chose et commencer de faire une chose. Dans la première phrase, à indique un rapport au terme, au but, à la fin de l'action; dans la seconde, de indique un rapport au commencement de l'action. Un enfant commence à marcher lorsque, par un usage réitéré de ses jambes, il tend à contracter l'habitude de marcher, à laquelle il est destiné par la nature. Un homme qui veut aller d'un lieu à un autre commence de marcher lorsqu'il fait les premiers pas lorsqu'il franchit le commencement de l'espace qu'il doit parcourir; mais il ne commence pas

& marcher. Un convalescent commence à mar- est dans une bassesse réelle; mais Homère et cher lorsqu'il reprend la force de marcher. Les Bélisaire, forcés de mendier, n'étaient que antres différences de ces prépositions seront dans une bassesse d'opinion, ou plutôt ils n'éexpliquées à l'article de chaque verbe qui prend taient que dans l'abaissement. Bassesse en ce l'une on l'autre. Il suffit de remarquer ici qu'a- sens tient du jargon de l'orgueil. Une basse près ces verbes, à indique toujours un rapport naissance ne produit pas toujours une bassesse à un terme, à un but, à une fin. réelle. On dit état d'abaissement pour siABAISSEMENT, BAISSE. L'abaissement gnifier un état déchu, ou simplement infésuppose toujours la descente, la chute, l'éloi-rieur; et bassesse d'état pour signifier une gnement qui a lieu ou qui a en lien d'un degré prétendue bassesse qui tient à la nature de ou d'un point élevé à un point ou à un degré l'état. On a commencé par avilir l'état pour moins élevé; c'est ce que marque la préposition être autorisé à avilir ceux qui s'y trouvent à. La baisse suppose seulement la diminution placés. de la chose, sans rapport à ce mouvement. Ce qui est en baisse diminue, devient moindre; ce qui est dans l'abaissement est au-dessous. La baisse des effets publics.

ABAISSEMENT, CHUTE. Ces deux mots se disent au propre et au figuré du passage des personnes on des choses d'un état supérieur à un état inférieur; mais abaissement indique une action lente, modérée, successive, et chute une action subite, violente, précipitée. L'abaissement des eaux d'une rivière se fait successivement; la chute des eaux d'une cascade se fait avec rapidité.-L'humeur dure et fière de ce courtisan amena son abaissement; une imprudence accéléra sa chute.

ABAISSEMENT, AFFAISSEMENT. L'abaissement indique l'action d'abaisser ou l'état de ce qui est abaissé, sans aucun rapport particulier à la manière dont se fait l'action, ou dont s'est établi l'état. Affaissement ajoute à l'idée d'abaissement celle de plusieurs choses ou de plusieurs parties d'une chose, posées les unes sur les autres, qui, par leur propre poids, cansent l'action ou ont causé l'état.

ABAISSER, AFFAISSER. Ces deux mots sont synonymes au propre; le premier exprime seulement l'action de diriger vers un point bas, sans rapport à la manière; le second ajoute à cette idée celle d'une manière particulière, savoir, la pression de plusieurs choses ou des parties d'une chose qui, étant l'une sur l'autre, se foulent par leur propre poids, et tiennent moins de place en hauteur.

ABAISSER, BAISSER. Abaisser a toujours rapport à un point élevé, baisser à un point bas. On abaisse une chose pour qu'elle ne soit pas si haute, on la baisse pour qu'elle soit basse. Si un mur m'empêche, par sa hauteur, d'avoir la vue sur la campagne, je le fais abaisser; si je veux pouvoir m'appuyer dessus, je le fais baisser jusqu'à hauteur d'appui. Si une femme, développant entièrement son voile, le fait descendre aussi bas qu'il peut s'étendre, elle le baisse parce qu'elle veut qu'il soit bas, pour cacher ce qu'elle ne veut pas laisser voir. S'il était fixé sur le haut de sa tête et qu'elle voulût le fixer sur son front, elle l'abaisserait, parce qu'elle voudrait le placer moins haut. ABAISSEMENT, BASSESSE. Le premier On baisse le dessus d'une cassette qui est enindique également une action et un état; le tièrement levé, afin qu'étant bas, il convre second n'indique qu'un état. L'abaissement se l'ouverture qu'il doit couvrir; on abaisse le dit an propre et au figuré. En ce sens, abais-dessus d'une cassette, lorsque n'étant baissé sement a tonjours rapport à un état plus élevé; qu'en partie, il est trop haut pour remplir sa bassesse n'indique qu'un état bas et avili, soit destination. C'est dans le même sens qu'on réellement, soit par l'opinion. Abaissement baisse ou qu'on abaisse un pont-levis, la vin'emporte pas nécessairement l'idée d'avilisse- sière d'un casque, etc. On baisse la tête, les ment et de mépris; bassesse emporte toujours bras, les yeux, les paupières, lorsqu'on les cette idée. On peut être dans l'abaissement et dirige en bas; mais dans le langage des arts, jouir encore de quelque estime, de quelque on abaisse la tête, les bras, les yeux, les pauconsidération; la bassesse exclut l'une et l'au- pières d'une figure, lorsqu'on veut les placer tre. Une ame fière peut conserver de la dignité dans une position moins élevée, soit pour se dans l'abaissement et dans la bassesse d'opi- conformer aux règles générales de l'art, soit nion: dans la bassesse réelle, l'ame avilie n'est pour mieux exprimer la passion que l'on a en capable d'aucune élévation, d'aucun sentiment vue. Baisser ses regards sur un objet, c'est les honnéte. Il faut en sortir pour mériter quelque diriger en bas pour voir cet objet; abaisser estime, et l'on en sort rarement. La bas- ses regards sur un objet suppose une élévation sesse d'opinion a cela de commun avec l'abais- | de laquelle on descend en portant ses regards sement qu'on peut dans cet état conserver sur un objet très inférieur et comme indigne des sentimens élevés. Le mendiant volontaire de nous. Il n'imite pas ces esprits puérilement

superbes qui n'osent abaisser leurs regards sur un insecte. (BARTH.)

ABAISSER, RABAISSER. La particule re, qui entre dans la composition du verbe rabaisser, indique un redoublement d'action, un effort, quelque chose de plus fort que dans le verbe abaisser. On abaisse ce qui est élevé; on rabaisse ce qui est trop élevé, beaucoup trop élevé. Vous abaissez un tableau qui est un peu plus haut que son pendant; vous le rabaissez s'il est beaucoup plus haut; après l'avoir abaissé, s'il est encore trop haut, vous le rabaissez. Abaisser exprime une action simple et modérée, rabaisser une action forte ou redoublée. - Les mêmes nuances qui distinguent ces deux mots dans le sens propre les distinguent aussi dans le sens figuré. Rabaisser | dit plus qu'abaisser. Le second ne suppose qu'une élévation que l'on veut diminuer. Le premier suppose une élévation présomptueuse ou que l'on croit être telle, une tendance à s'élever et des efforts dans l'action qui s'oppose à cette tendance. Il se dit particulièrement de l'orgueil, de l'arrogance, de la présomption, des prétentions exagérées ou que | l'on croit telles. Rabaisser signifie aussi au | figuré abaisser trop ou abaisser injustement, avec envie, avec jalousie, avec dépit. Le mépris humain ne se rencontre d'ordinaire qu'en certaines gens qui, ne pouvant satisfaire leur ambition en se faisant grands, tâchent de satisfaire leur malignité en rabaissant ceux qui le font. (NICOLE.) V. RABAISSER.

ABAISSER, HUMILIER. Humilier ajoute à l'idée d'abaisser celle de faire éprouver à celui qu'on abaisse, un sentiment fâcheux, à le jeter dans un état de honte et de confusion.

S'ABAISSER, SE RABAISSER, SE RAVALER, S'AVILIR, S'HUMILIER. On s'abaisse souvent par modestie, par amour de la paix, par le besoin de se mettre à la portée des autres; on se rabaisse par ignorance, par simplicité; on se ravale par faiblesse; on s'avilit par làcheté; on s'humilie par dévotion.

S'ABAISSER À, S'ABAISSER DEVANT. S'abaisser à, c'est s'oublier, compromettre sa gloire, sa réputation, en faisant des choses qui en sont indignes. Un homme de votre rang a-t-il pu s'abaisser à une action de cette nature? S'abaisser devant quelqu'un, c'est reconnaître sa supériorité, s'avouer au-dessous de lui, lui rendre hommage comme à son supérieur en dignité, en mérite, etc. Les grands aiment qu'on s'abaisse devant eux. S'abaisser devant Dieu.

ABALOURDIR, ABASOURDIR. Ces deux mots signifient mettre quelqu'un dans un état où il n'est pas maître de sa raison, de sa réflexion; mais le premier se dit d'un état constant, causé par quelque cause permanente et non interrompue. On abalourdit un enfant en lui faisant éprouver constamment de mauvais traitemens; c'est-à-dire qu'on le rend lourd, stupide. Le second se dit d'un état momentané, produit par une cause subite. Au propre, on est abasourdi d'un coup de bâton donné sur la tête; au figuré, on est abasourdi d'une mauvaise nouvelle imprévue, d'un événement qui détruit les mesures qu'on avait prises, d'une réponse à laquelle on ne s'atten

Celui qui est abalourdi reste ordinairement toute sa vie lourd et stupide ; celui qui est abasourdi revient souvent de sa stupeur; s'il n'en revient pas il est abalourdi.

ABAISSER, RAVALER. Ravaler ajoute à l'idée d'abaisser un abaissement profond, un changement, ou plutôt une opposition d'état, de condition, de sentiment. Il met entre la hauteur dont l'objet déchoit et la sorte de bas-dait pas. sesse dans laquelle il tombe un grand intervalle, ce qui suppose naturellement qu'il était dans une assez grande élévation. On ne pent pas ravaler un homme du bas peuple, mais on peut l'abaisser s'il est orgueilleux ou insolent. Abaisser est susceptible de différens degrés; ravaler suppose le degré le plus bas au-dessous d'un degré très élevé. On peut abaisser un grand sans le ravaler. On l'abaisse en diminuant plus ou moins son autorité, son pouvoir, son crédit; on le ravale en le précipitant du faite des grandeurs dans l'état le plus bas. La critique abaisse les auteurs en diminuant leur réputation; la satire les ravale en leur refusant toute espèce de mérite et de talent.

ABAISSER, AVILIR. Avilir ajoute à l'action d'abaisser celle de rendre vil, méprisable, d'imprimer la flétrissure. Il dit plus que ravaler et humilier. Avec de la vertu, on peut être ravalé, humilié, mais non pas avili.

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ABANDON, ABANDONNEMENT. Dans le sens actif, abandon marque l'acte de la volonté qui abandonne. Il a consenti à faire l'abandon de ses biens. Abandonnement signifie l'acte par écrit par lequel on constate légalement et d'une manière permanente l'abandon que l'on fait. Voilà pourquoi ce dernier est particulièrement employé en style de notaire et de palais. On fait, par devant notaire, un abandonnement de ses biens à ses créanciers. Dans le sens passif, abandon semble désigner un état actuel, et abandonnement un état habituel et permanent. Un homme qui perd toute sa fortune perd ordinairement ses amis et se trouve dans l'aban

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don; un malheureux dénué de toute espèce

de ressource, et qui est abandonné depuis long-temps, est dans l'abandonnement. ABANDONNEMENT, DÉLAISSEMENT. Délaissement signifie, de même qu'abandonnement, un état habituel, mais il enchérit sur ce dernier, dans le sens principal; il signifie seul abandonnement général. L'abandon et l'abandonnement viennent de nos parens, de nos amis, de ceux qui, par devoir, par délicatesse, par bienséance, auraient dû prendre soin de nous. Le délaissement exclut toute espece de service, de secours.

ABANDONNEMENT, ABDICATION. L'abak.onnement suppose la propriété de la chose abandonnée et quelqu'un à qui cette propriété est transmise. On fait un abandon- | nement d'une propriété à quelqu'un. L'abdication suppose une dignité, une autorité suprème dont on est revêtu. Elle se fait absolument, à moins que les lois ne permettent de la faire en faveur d'un autre. On fait l'abandonnement de ses biens à ses créanciers; on fait l'abdication d'une couronne, d'un empire, purement et simplement, ou en faveur d'une autre personne.

ABANDONNEMENT, RENONCIATION. La renonciation se fait absolument. Faire une renonciation à ses droits, à ses prétentions, c'est déclarer que l'on renonce à les exercer; mais faire l'abandonnement de ses droits, de ses prétentions à quelqu'un, c'est les lui transmettre afin qu'il les exerce, comme on aurait pa les exercer soi-même. Dans le premier cas, les droits sont éteints; dans le second, ils appartiennent à un autre."

ABANDONNEMENT, DÉMISSION. L'abandonnement se fait d'autorité absolue, puisqu'il s'agit de choses sur lesquelles on a un plein pouvoir. La démission suppose une charge, une dignité, un emploi que l'on tient d'une autorité supérieure, et à laquelle il faut la remettre lorsqu'on s'en démet. On ne dat donc pas faire la démission d'une charge, d'un emploi, mais donner sa démission d'une charge, d'un emploi. Une autorité demande la démission d'un employé inférieur qu'elle veut ôter de place, et l'employé la donne.

ABANDONNEMENT, DÉSISTEMENT. L'abandonnement suppose une chose réelle, positive, qui appartient à celui qui l'abandonne; le désistement suppose des poursuites, des demandes pour obtenir quelque chose à quoi l'on croit avoir droit, ou pour s'opposer à quelque chose. On ne fait pas un désistement, on le donne.

ABANDONNER, QUITTER. En parlant des personnes, abandonner suppose un attashement ou une attache antérieure de la part

de la personne qui abandonne, et quelque dommage, quelque souffrance de la part de celle qui est abandonnée. Quitter ne marque qu'une simple séparation. On quitte une femme que l'on n'aime pas, dont on n'est point aimé, et qui se soucie fort peu d'être quittée. On abandonne une femme que l'on aimait, dont on est aimé, et qui souffrira de cet abandon. On quitte son père, c'est-à-dire qu'on s'en sépare, sans rompre les liens qui attachent à lui; on l'abandonne lorsqu'on rompt tous ces liens, et que par là on le plonge dans la douleur. En parlant des choses, on quitte le jeu lorsqu'on n'avait pour le jeu qu'un léger attachement; on abandonne le jeu lorsqu'on l'aimait avec passion: on rompt les liens qui attachaient au jen. On quitte une entreprise de peu d'importance, et qu'on n'avait pas suivie avec chaleur; on abandonne une entreprise considérable, et à laquelle on s'était livré avec ardeur. On quitte quelquefois un ouvrage, pour se reposer et dans le dessein de le reprendre; on l'abandonne pour s'en débarrasser, et ordinairement pour n'y plus revenir. On abandonne son ouvrage, ses affaires, lorsqu'on y était attaché par le besoin, par le devoir, par l'intérêt, par la raison, et que cela se fait mal à propos et pour des choses frivoles; on les quitte lorsqu'on les interrompt pour des choses nécessaires, indispensables ou plus importantes. Cet ouvrier qui est dans le besoin abandonne son ouvrage pour se livrer à la paresse; cet autre ne le quitte que pour prendre de la nourriture ou du repos.

ABANDONNER, RENONCER À. Aban donner une chose, c'est rompre, par quelque motif que ce soit, les liens qui nous attachaient à cette chose; y renoncer, c'est ne plus vouloir jouir des avantages de la chose, parce qu'on en est dégoûté, ou qu'on ne les regarde plus comme des avantages. On abandonne le jeu comme une passion nuisible et dangereuse; on renonce au jeu parce qu'ik n'amuse plus, ou qu'on a reconnu qu'on y perd plus qu'on n'y gagne, ou parce qu'ou croit pouvoir mieux employer son temps. On abandonne une succession parce qu'on est assez riche, ou qu'on veut obliger une personne à laquelle on l'abandonne; on renonce à une succession, parce qu'on ne trouve point d'avantage à l'accepter. Il n'est pas si facile qu'on pense de renoncer à la vertu; elle tourmente long-temps ceux qui l'abandonnent. (J.-J. ROUSSEAU.)

ABANDONNER, DÉLAISSER. Délaisser dit plus qu'abandonner. On est abandonné de ses parens, de ses amis, de ceux sur le se❤

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