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Darius reconnoi

faile.

fur leurs pas. Alexandre, ravi de cette bonne fortune, se hastoit de joindre fon ennemi dans les deftroits, mais Darius ne cherchoit qu'à reprendre fon premier camp, & à retirer fon armée des défilés où il l'avoit engagée, car il avoit desja compris la grande faute qu'il avoit faite de fe jet- la faute qu'il a ter ainfi dans des lieux ferrés d'un cofté par la mer, de l'autre par les montagnes,& traversés au milieu par la riviere du Pinare, de forte qu'ils eftoient impraticables pour la cavalerie, & fi coupés que fes troupes ne pourroient ni s'entrefecourir ni communiquer, & qu'ils n'eftoient propres & commodes que pour un ennemi inferieur en nombre, & dont le fort eftoit l'infanterie.

fe

C'est ainsi qu'il

faut lire Pinare,& non pas Pindare,

comme il y a dans

le texte.

Victoire d'Alexan bel ordre de ba

dre due fur tout à

fon

taille.

La Fortune donna à Alexandre un champ de bataille tres avantageux. Mais cette faveur de la Fortune contribua moins à fa victoire, , que fa grande habileté, par le bel ordre où il rangea fes troupes. Car voyant que les forces de fon ennemi eftoient infiniment fuperieures aux fiennes, il fongea fur tout à ne pas lui laiffer les moyens de l'envelopper. Eftendant donc fon aile droite de maniere qu'elle debordoit l'aile gauche des ennemis, & fe mettant lui mefme à la tefte de cette aile, il renverfa d'abord les Barbares, qui lui eftoient oppofés, & les mit en fuite. Dans cette charge il fut bleffé d'un coup d'efpée à la cuiffe, & Alexandre blesse Chares efcrit que ce fut de la main mefme de Da- la cuiffe. rius, car ils se joignirent & en vinrent aux mains l'un contre l'autre. Mais Alexandre dans une let

tre qu'il efcrivit à Antipater,& dans laquelle il lui faifoit le detail de cette bataille, ne dit point qui fut celui qui le blessa, il dit seulement qu'il receut un coup d'efpée à la cuiffe, & que fa bleffure ne lui avoit caufé aucun accident fafcheux. Cette victoire fut des plus efclatantes. Il y tua plus Morts du cofté de de cent dix mille des ennemis, mais il ne put prendre Darius, qui avoit pris les devants, & gagné quatre ou cinq ftades, il prit feulement fon arc & fon char, & se retira de la pourfuite.

Darius.

Alexandre fe retire

dans la tente de Darius, fe met au bain.

Magnificence de la

En rentrant dans le camp il trouva ses Macedoniens chargés de richeffes infinies qu'ils emportoient, quoyque Darius euft evité de charger fes troupes d'un grand bagage pour les rendre plus propres au combat, & qu'il euft laissé dans la ville de Damas la plus grande partie des equipages. Il trouva auffi qu'ils lui avoient refervé la tente de Darius, qui eftoit remplie d'Officiers de fa maison magnifiquement veftus, de meubles tres riches, & de quantité d'or & d'argent.

Dés qu'il fe fut fait defpouiller de fes armes, il alla fe mettre au bain, en difant, allons laver cette fueur de la bataille dans le bain de Darius. Sur quoy un de fes courtifans repartit, ne dites point dans le bain de Darius, Seigneur, dites pluftost dans le bain d'Alexandre, car les biens du vaincu appartiennent au vainqueur,

c'est ainsi qu'il faut les appeller. Mais quand il fut entré dans la chambre du bain, & qu'il eut veu chambre des tains, les baffins ; les urnes, les buires, les phioles, & autres uftenfiles du bain, tous d'or mallif & par

de la tente de Darius.

faitement bien travaillés, & qu'il fentit l'odeur delicieuse d'une infinité d'aromates & d'effences precieuses, dont la chambre eftoit parfumée, & que de là il fut paffé dans la tente, qui par fa grandeur & par fon exhauffement,par la magnificence de ses meubles, de fes lits, & de fes tables, & par la fomptuofité & la delicateffe du fouper qu'on y avoit preparé, caufoit l'eftonnement & attiroit l'admiration, alors fe tournant vers fes amis, il me Motd'Alexandre femble, leur dit-il, que c'eftoit là eftre Roy. Comme il fur cette magnifialloit se mettre à table,quelqu'un vint lui rappor ter qu'on menoit parmi les autres prifonniers la mere & la femme de Darius,& fes deux filles, qui n'eftoient pas encore mariées, & qu'ayant apperceu le char & l'arc de Darius, elles s'eftoient mifes à faire des cris & des gemiffements horribles, & à fe dechirer la poitrine dans la pensée que Darius eftoit mort.

cence.

On lui amene la mere, la femme les filles de Darius.

A cette nouvelle Alexandre fut quelque temps fans parler, plus touché des malheurs de ces Princeffes, que fenfible à son bonheur; enfin il Il leur envoye rompt le filence, & donne ordre à Leonatus d'al- Leonatus pour les ler leur apprendre que Darius eftoit vivant, & les affeurer qu'elles n'avoient rien à craindre d'Alexandre, car il ne faifoit la guerre à Darius que pour la gloire de regner;

Il me femble que c'eftoit là eftre Roy.] Ce mot ne me paroift pas digne d'Alexandre, & femble témoigner qu'il commençoit desja à eftre gafté par le luxe des peuples qu'il avoit vaincus. Eft

ce eftre Roy, que d'eftre un Roy
enervé par le luxe & par les de-
lices, & tout preft à eftre la proye
d'une poignée d'hommes, qui
vont l'attaquer ?

rasseurer.

Humanité gened'Alexandre pour

rofité, & politeße

ces Princeffes.

Le camp d'Ale

xandre fut pour ces prifonnieres comme un faint Temple.

qu'elles feroient traitées en Reines, & qu'elles recevroient de lui tout ce qu'elles auroient pû attendre de Darius mefme dans l'eftat le plus floriffant.

Si ces paroles parurent douces & confolantes à ces Princeffes, les effects les surpasserent, car elles furent servies avec tant de refpect, qu'à leur captivité prés, elles ne pouvoient s'appercevoir de leur infortune, & elles efprouverent une humanité, une generofité, & une politeffe qu'elles n'auroient jamais ofé efperer. Car Alexandre leur permit d'enterrer à la maniere de leur maniere de leur pays tous les Perfes qu'elles voudroient, & de prendre parmi les defpouilles tous les habits & tous les ornements dont elles auroient befoin pour honorer ces funerailles. Il leur donna autant d'Officiers pour les fervir qu'elles en avoient auparavant, ne feur retrancha rien des honneurs qu'on avoit accouftumé de leur rendre, ni de l'eftat de leur maifon, & leur affigna des 'penfions plus fortes que celles dont elles jouiffoient dans leur plus grande fortune.

Mais la faveur la plus agreable; la plus grande & la plus royale qu'elles receurent de lui, fut qu'eftant captives & ayant tousjours vefcu avec beaucoup de fageffe & de pudeur, elles n'entendirent jamais une feule parole deshonnefte, & n'eurent pas lieu un feul moment de foupçonner, ou de craindre la moindre chofe qui fuft contre leur honneur. Elles eurent la confolation d'eftre dans le camp d'Alexandre, non comme dans un camp

ennemi,

ennemi, mais comme dans un faint Temple, ou dans quelque lieu sacré destiné à estre l'alyle des vierges, & de vivre retirées fans estre veuës de perfonne, & fans que qui que ce fust osast approcher de leurs appartements.

d'Alexandre.

de ce Prince.

Cependant on dit que la femme de Darius eftoit la plus belle Princesse du monde, comme Darius eftoit le plus beau de tous les Princes, & de la taille la plus grande & la plus majestueuse, & que les Princeffes leurs filles leur reffembloient. Mais Belle maxima Alexandre trouvant fans doute qu'il eftoit plus. royal de se vaincre foy mefme, que de vaincre ses ennemis, ne leur toucha point. Sa continence Grande continenco eftoit mefme fi grande encore en ce temps-là, qu'il ne connut aucune femme avant le mariage, excepté Barfine, qui eftant devenue veuve par la mort de fon mari Memnon, fut prise prés de Damas. Comme elle eftoit fort belle, très fçavante dans les lettres Grecques, qu'elle avoit des mœurs. douces & polies, & d'ailleurs beaucoup de naiffance,eftant filled' Artabaze,quieftoit du fangRoyal, Alexandre s'attacha à elle parla fuggeftion de Parmenion, qui,comme l'eferit Ariftobule,lui repre- Mauvais confeil fenta qu'il ne devoit pas laiffer perdre l'occafion que Parmenion d'avoir les bonnes graces d'une Dame fi accom- dre. plie, & dont la beauté eftoit la moindre de fes perfections. Mais pour toutes les autres captives, Alexandre les voyant fi belles & d'une taille si

Alexandre les voyant fi belles tentoit de dire en badinant, que les dun raille fi noble, fe con- Perfiennes estoient le mal des ..Tome VI.

G

donne à Alexan

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