Page images
PDF
EPUB

Alexandre ne pou

çoit, ni où il finiffoit, ni d'appercevoir les deux teftes de la courroye. Alexandre, aprés plufieurs vant le delier, le tentatives, voyant qu'il ne pouvoit le delier, le coupe avec son espér. coupa avec fon efpée, & au lieu de deux bouts, il en fit voir plufieurs. Mais Ariftobule efcrit qu'il

Il foufmet la Pa

Cappadoce.

le delia tres facilement, aprés avoir ofté la cheville qui attachoit le joug au timon, & tiré enfuite à lui le joug.

Estant parti de Gordium il alla foufmettre phlagonie & la la Paphlagonie & la Cappadoce. Là il apprit la mort de Memnon, qui de tous les Lieutenants, que Darius avoit du cofté de la mer, eftoit le plus redoutable, & celui qui pouvoit lui donner le plus d'affaires, & l'arrefter plus longtemps. Cette nouvelle le confirma dans la refolution de marcher fans delai vers les hautes Provinces de l'Afie.

[blocks in formation]

Desja Darius eftoit parti de Sufe plein de confiance dans le grand nombre de fes troupes, car il avoit une armée de fix cents mille combattants, & encouragé encore par un fonge que fes Mages expliquerent plus pour lui plaire que pour lui dire la verité. Il fongea qu'il voyoit la phalange des Macedoniens en proye aux flammes, & Alexandre, qui veftu d'une robe, que lui mefme avoit portée autrefois lorfqu'il n'estoit que fimple courrier du feu Roy, le fervoit

Lorfqu'il n'estoit que fimple Hefychius l'explique, zero, courrier du Roy. ] Le Grec dit amandusäperos, Ascandes, Courdozávdne är Baonéwe, Afgandes, rier, dans un autre endroit il escrit Afcandes ou Aftandes, eft fans sárdus nμrced ééμos, il eft defini doute un mot Perfans la queftion ailleurs ὁ ἐκ διαδοχές γραμματοφόρος, eft de fçavoir ce qu'il fignifie le veritable mot eft Aftandes,

[ocr errors]

comme

naturelle & plus

ce fonge. Car la

comme fon domestique, & qu'eftant entré dans le temple de Belus, il eftoit difparu tout d'un coup. Par cette vifion il femble que le Dieu vouloit faire entendre Explication plus que les affaires des Macedoniens feroient efcla- vray Semblable de tantes & floriffantes, & qu'Alexandre foufmet- flamme eftoit dun troit toute l'Afie, comme Darius l'avoit foufmise, estant devenu Roy, de fimple courrier qu'il eftoit auparavant, mais auffi qu'il difparoiftroit & mourroit bientoft au milieu d'une tres grande gloire.

bon augure.

Grande maladie d'Alexandre en

La confiance & l'audace, que ce fonge avoit infpirées à Darius,s'accrurent confiderablement, fur ce qu'il fe figura que le long fejour qu'Alexandre faifoit dans la Cilicie, eftoit un effect de fa peur. Mais ce long fejour eftoit causé par une grande maladie, qui felon les uns, lui eftoit venuë de fes travaux & de fes grandes fatigues, Cilicie. & felon les autres, de s'eftre baigné dans le Cydne, dont l'eau eft froide comme la glace. Aucun de fes Medecins n'ofoit entreprendre de le fecourir, car perfuadés que le mal eftoit comme je l'ay appris de M. l'Ab- le Stator. Litteras à te mihi Stabé Renaudot, tres verfé dans les langues Orientales, & qui par fes fçavants ouvrages rend fes connoiffances fi utiles aux lettres & à la Religion. En Perfau, ditil, Stalen à l'infinitif fignifie Stare, Iftanda, Stator; de là les Grecs ont fait Aftandes, car la prononciation de la premiere fyllabe eft indifferente. Aftan les eft le mefme que Ciceron appel

Tome VI.

.

tor tuns reddidit Tarfi. Vostre
Courrier m'a rendu vos lettres à
Tarfe. Darius eftoit donc ce que
nous appellons Courrier du cabi-
net, ou peut-eftre que les Per-
fans donnoient ce titre à un hom-
me plus confiderable, & qu'ils
marquoient par là le maiftre des
Courriers, le general des poftes.

Car perfua lez que le mal eftoit
plus fort qu: tous les remedes, ils
F

reputation & pour

Medecin d'Ale

xandre.

Menagement des plus fort que tous les remedes, ils craignoient Medecins pour leur les reproches & le reffentiment des Macedoleur feureté. niens, s'ils avoient le malheur de ne le pas guePhilippe, premier rir. Mais Philippe, fon premier Medecin, Acarnanien de nation, voyant que le Roy eftoit en tres grand danger, & fe confiant en l'amitié que ce Prince lui tefmoigroit, & d'ailleurs faisant reflexion qu'il y avoit de la honte & de l'ingratitude à refufer, pour fecourir un fi bon maistre dans un extreme peril, de s'expofer à quelque danger,en efprouvant les plus extremes remedes, frons les plus pe- & en le fecourant jufqu'au dernier moment de sa vie, au hazard mefine de fe perdre & de perir avec lui, il entreprit de lui donner une medecine qui feroit un prompt & puiffant effect. Il l'exhorta donc à attendre avec patience, car il falloit trois jours pour la preparer & à la prendre quand elle feroit prefte. Il n'eut pas de peine à le perfuader tant ce Prince avoit d'imatience de gu erir pour fe rendre à la tefte de fon armée.

Devoir d'un Me

decin dans les occa

rillenfes.

Alexandre averti que fon Medecin

Sur ces entrefaites il reçoit une lettre de Parveut l'empoisonner, menion, qui lui efcrivoit du camp pour l'avertir de se donner bien garde de confier fa fanié à Philippe,parce

fournir, fans aucun efgard pour eux-memes. Hippocrate n'auroit pas approuvé cette lafche & cruelle timidité. Philippe enfeigne icy aux Medecins ce qu'ils doivent faire dans ces rencontres.

craignoient les reproches. ] Voilà à tenter tout ce que leur art peut
une malheureu e confideration,
qui encore aujourd'hui retient
fouvent les Medecins, & les em-
pefche de fecourir les malades qui
font d'une grande confequence,
& fur lefquels le public a les yeux,
comme fi leur devoir & la cha-
rité mefme ne les obligeoient pas

que gagné & corrompu par les grands prefents de Darius, & par la promeffe qu'il lui avoit faite de lui donner fa fille en mariage, il avoit promis de l'empoisonner. Alexandre ayant lû cette lettre, ne la communiqua à aucun de fes amis, & la mit fous fon chevet.

lution d'Alexan

confiance qu'il tef

Le temps eftant venu, Philippe arrive dans la chambre du Prince avec tous les autres Medecins, portant la medecine dans une grande couAlexandre tire la lettre de deffous fon chevet, pe. la donne à lire à Philippe, & en mefme temps il prend la coupe & l'avale fans hefiter & fans tefmoigner ni le moindre foupçon, ni la plus legere inquietude. C'estoit veritablement un spectacle admirable & auffi touchant qu'aucun denoue. Merveillenfe refoment de tragedie, de voir d'un cofté Alexandre dre, & la grande boire la medecine, & de l'autre Philippe lire la moigne à son Melettre, & de les voir fe regarder tous deux, mais d'un air bien different. Le Roy avec un visage gai & ouvert marquoit à fon Medecin l'amitié dont il l'honoroit, & la confiance qu'il avoit en lui, & le Medecin s'elevoit contre cette calomnie atroce, tantoft appellant les Dieux à tefmoin, & tendant les mains au ciel, & tantoft fe jettant fur le lit de fon maiftre, & le conjurant d'avoir bonne efperance, & de s'abandonner à fes foins.

Le remede s'eftant rendu d'abord le plus fort, abbattit à tel point les forces du malade, qu'il perdit la parole, & tomba dans de fi grandes foiblesses, qu'il n'avoit prefque plus ni poux nisen

decin.

Confeil tres fage

noit à Darius.

timent. Mais il fut fi promptement, & si efficacement fecouru par fon Medecin, qu'il reprit peu à peu fes forces, de forte qu'en trois jours il fut en eftat de se faire voir aux Macedoniens, dont les frayeurs ne cefferent que quand ils l'eurent veu de leurs propres yeux.

Il y avoit dans l'armée de Darius un Macedonien, nommé Amyntas, qui s'eftoit retiré de Macedoine pour embraffer le parti de Darius, & qui connoiffoit parfaitement le naturel d'Alexandre. Cet Amyntas, voyant Darius fe preparer à paffer les deftroits pour marcher à ce Prince, le qu' Amyntas don conjura d'attendre plustoft dans le lieu où il eftoit pour combattre dans ces vaftes & spacieuses campagnes un ennemi, qui lui eftoit fi inferieur en nombre. Darius lui ayant refpondu,que s'il prenoit ce parti, il craignoit que les ennemis ne fe haftaffent de prendre la fuite, & qu'Alexandre ne lui efchappast. Ah, Seigneur, lui repartit Amyntas, fi cen'eft que cela que vous craignés,raffeurés vous fur ma parole, il viendra bientoft à vostre rencontre, & il marche desja. Mais il eut beau dire, il ne perfuada pas Darius, quilevant fon camp, marcha droit en Cilicie.

Alexandre & Da

En mefme temps Alexandre s'avança vers la rius le manquent Syrie au devant de lui. Mais dans les tenebres de dans l'obscurité de la nuit ils fe manquerent,& retournerent chacun

la nuit.

Il y avoit dans l'armée de Darius un Macedonien,nommé Amyntas. C'eftoit Amyntas, fils d'Antiochus ; il s'eftoit retiré de la Macedoine, fans avoir reçu

aucun mauvais traitement, mais feulement parce qu'il craignoit le Roy, & qu'haïflant Alexandre, il croyoit auffi en estrçhaï.

« PreviousContinue »