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Aucun Rhéteur encore, arrangeant le difcours,
N'avoit d'un Art menteur enfeigné les détours.
Mais fi tôt qu'aux Humains, faciles à séduire,
L'Abondace eut donné le loifir de fe nuire,
125 La Molleffe amena la fauffe Vanité.

Chacun chercha, pour plaire, un visage emprunté.
Pour éblouir les yeux, la Fortune arrogante
Affecta d'étaler une pompe infolente.

L'Or éclata par tout fur les riches habits.
130 On polit l'Emeraude, on tailla le Rubis,
Et la Laine & la Soye en cent façons nouvelles,
Aprirent à quitter leurs couleurs naturelles.

La trop courte Beauté monta fur des patins. La Coquette tendit fes lacs tous les matins; 135 Et mettant la cérufe & le plâtre en usage,

Compofa de fa main les fleurs de fon visage.

L'ar

Normands leur peu de fincérité : témoin le Roman de la Ro-
Se ̧ fol. 25. de l'édition de 1531.

Male bouche que Dieu maudie,

Eut de fouldoyers de Normandie.

Les Romains faifoient un pareil reproche aux Grecs.

— Gracis nondum jurare paratis.

Per caput alterius. Juvenal Sat. VI. 16.

IMIT. Vers 131. Et la Laine & la Soie &c. ] Imitation de Virgile, Eglogue IV. 42.

Net

L'ardeur de s'enrichir chaffa la bonne foi.

Le Courtifan n'eut plus de fentimens à foi.

Tout ne fut plus que fard, qu'erreur, que trom perie

140 On vit par tout régner la baffe Flaterie.

Le Parnaffe fur tout fécond en Impofteurs, Diffama le papier par fes propos menteurs. De là vint cet amas d'Ouvrages mercenaires, Stances, Odes, Sonnets, Epîtres liminaires, 145 Où toujours le Heros paffe pour fans pareil, Et, fût-il louche & borgne, eft reputé Soleil. Ne crois pas toutefois, fur ce difcours bizarre, Que d'un frivole encens malignement avare, J'en veuille fans raison fruftrer tout l'Univers. 150 La louange agréable eft l'ame des beaux Vers, Mais je tiens,comme toi, qu'il faut qu'elle foit vraie, Et

Nec varios difcet mentiri lana colores.

VERS 146. Et fût-il louche & borgne, est réputé So'eil. } Mr. de SERVI BN Sur-Intendant des Finances, n'avoit qu'un cil; & on ne laiffoit pas de le traiter de Soleil dans les Epitres dédicatoires, & les autres éloges qu'on lui adreffoit. Notre Poëte a eu particulierement en vûe cet 'endroit de l'Eglogue intitulée Chriftine, que l'Abbé Méla Reine de Suéde, en 1656. vers 171. nage fit pour Le Grand, l'illuftre Abel, cet Esprit sans pareil, Plus clair, plus pénétrant que les traits du Soleil.

YERS

Et que fon tour adroit n'ait rien qui nous effraie.
Alors, comme j'ai dit, tu la fçais écouter,

Et fans crainte à tes yeux on pourroit t'exalter. 155 Mais fans t'aller chercher des vertus dans les nuës: Il faudroit peindre en toi des véritez connuës : Décrire ton Esprit ami de la Raison,

Ton ardeur pour ton Roi puifée en ta Maison; A fervir fes deffeins ta vigilance heureufe; 160 Ta probité fincere, utile, officieuse.

Tel, qui hait à fe voir peint en de faux portraits,
Sans chagrin voit tracer fes véritables traits.
Condé même, Condé, ce Héros formidable,

Et non moins qu'aux Flamans aux Flatteurs redou
table,

165 Ne s'offenferoit pas fi quelque adroit Pinceau Traçoit de fes Exploits le fidelle Tableau:

Et

VERS 167. Et dans Seneff en feu. ] La Bataille de Seneff en Flandre gagnée par le Prince de Condé, le 11. d'Août, 1674. contre les Allemands, les Efpagnols, & les Hollandois, au nombre de plus de foixante mille hommes commandez par le Prince d'Orange.

VERS 171,
Premier Prince du monde, &c.]
Commencement du Poëme de Charlemagne adreffé au Prin-
ce de Condé.

Premier Prince du sang du plus grand Roi du Monde ;
Courage fans pareil, Lumiere fans feconde ;

Et dont l'Esprit égal en diverse Saison,

Sfait triompher de tout, & cée à la Raifon,

&c.

Louis LE LABOUREUR, Tréforier de France, &
Bailli du Duché de Montmorenci, Auteur de ce Poème, le

Et dans Seneff en feu comtemplant fa peinture,
Ne défavouroit pas Malherbe ni Voiture.
Mais, malheur au Poëte infipide, odieux,
170 Qui viendroit le glacer d'un éloge ennuïeux.
Il auroit beau crier : Premier Prince du Monde,~,
Courage fans pareil, Lumiere fans feconde :

Ses Vers jettez d'abord, fans tourner le feuillet,
Iroient dans l'antichambre amufer Pacolet.

publia en 1664. Dans l'édition de 1666. il changea ainfi le
fecond vers:

Prince d'une valeur en victoire feconde.

La même année 1665. il parut un autre Poëme de Charle
magne, par Mr. COURTIN, Profeffeur en Rhétorique.
VERS dernier.
Amufer Pacolet. ] Fameux Va-
let de pié du Grand Prince de Condé. Quand Mr. le Labou-
reur eut prefenté à ce Prince fon Poëme de Charlemagne
il en lut quelque chofe ; après quoi il donna le Livre à Pa
colet, à qui il renvoyoit ordinairement tous les Livres qui
l'ennuyoient.

a

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PRE

PREFACE,

Sur les trois Epîtres fuivantes.

JE

Ene fçai fi les trois nouvelles Epitres. que je donne ici au Public, auront beaucoup d'Aprobateurs mais je fçai bien que mes Cenfeurs y trouveront abon

damment de quoi exercer leur critique. Car tout y eft extrêmement bazardé. Dans le premier de ces trois Ouvrages, fous prétexte de faire le procès à mes derniers Vers, je fais moimême mon éloge, & n'oublie rien de ce qui peut être dit à mon avantage. Dans le fecond je m'entretiens avec mon Jardinier de chofes très-baffes, & très-petites; & dans le troifiéme je décide bautement du plus grand & du plus important point de la Religion, je veux dire de l'Amour de Dieu. F'ouvre donc un beau champ à ces Cenfeurs, pour attaquer en moi, & le Poëte orgueilleux, & le &le Villageois groffier, & le Théologien téméraire. Quelque fortes pourtant que foient leurs attaques, je doutes qu'elles ébranlent la ferme réfolution que j'ai prife il y a long-tems, de ne rien répondre alb moins fur le ton férieux, à tout ce qu'ils écriront

contre moi.

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A quoi bon en effet perdre inutilement du papier? Si mes Epitres font mauvaifes, tout ce que je

di

1. Si mes Epitres font mauvaises. ] JOAN. OVEN, Epigr. ad Le&orem, pag. m. 122.

Noftra patrocinium non poscunt carmina : quare ?
Si bora funt, boua funt : fi mala funt, mala funt.

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