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Sont recherchez du Peuple,& reçûs chez les Princes? Ce n'eft pas que leurs fons agréables, nombreux, 50 Soient toujours à l'oreille également heureux:

Qu'en plus d'un lieu le fens n'y gêne la mesure, Et qu'un mot quelquefois n'y brave la céfure. Mais c'eft qu'en eux le Vrai,du Menfonge vainqueur, Par tout fe montre au yeux, & va faifir le cœur : 55 Que le Bien & le Mal y font prisez au jufte; Que jamais un Faquin n'y tient un rang auguste Et que mon cœur toujours conduifant mon efprit, Ne dit rien aux Lecteurs, qu'à foi-même il n'ait dit. Ma pensée au grand jour par tout s'offre & s'expofe; 60 Et mon Vers, bien ou mal, dit toujours quelque chofe.

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C'eft par là quelquefois que ma Rime furprend.
C'eft-là ce que n'ont point Jonas ni Childebrand;
Ni tous ces vains amas de frivoles fornettes,
Montre, Miroir d'Amours, Amitiez, Amourettes,

Dont

VERS 64. Montre. ] La Montre, petit Ouvrage mêlé de Vers & de Profe, par le Sr. de BONE CORSE, de Marseille, qui a exercé la Charge de Conful de la Nation Françoise au Grand-Caire. Il envoya cet Ouvrage à Mr. de Scuderi qui le fit imprimer à Paris en 1666. Quelques années après, Mr. Defpreaux plaça la Mentre parmi les Livres qui fervent au combat des Chanoines dans le cinquième Chant du Lutrin :

L'un tient l'Edit d'amour, l'autre en faifit la Montre

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65 Dont le titre fouvent eft l'unique foûtien;
Et qui parlant beaucoup ne difent jamais rien.
Mais peut-être enivré des vapeurs de ma Muse,
Moi-même en ma faveur, SEIGNELAI, je m'abuse.
Ceffons de nous flatter. Il n'est Esprit fi droit
70 Qui ne foit impofteur, & faux par quelque endroit.
Sans ceffe on prend le mafque, & quittant la Nature,
On craint de fe montrer fous fa propre figure.
Par là le plus fincére affez fouvent déplaît.

Ra

Bonecorfe étant à Paris, lui en fit parler par BERNIER mais Mr. Defpreaux ne lui ayant pas fait une réponse fatisfaifante, Bonecorfe pour s'en vanger compofa le Lutrigor qui eft un Poëme fatirique contre notre Auteur. Il fut imprimé a Marseille; & Bonecorfe en envoya le premier Exemplaire à Mr. de Vivonne. C'est l'extrait d'une Lettre que Mr. de Bonecorfe m'écrivit de Marseille le 19 de Février, 1700. Je la communiquai à Mr. Defpreaux qui me fit la réponse fuivante. » Je n'ai aucun mal talent contre » Mr. de Bonecorfe du beau Poëme qu'il a imaginé contre » moi. Il femble qu'il ait pris à tâche dans ce Poëme d'at»taquer tous les traits les plus vifs de mes Ouvrages; & le » plaifant de l'affaire eft, que fans montrer en quoi ces、 » traits péchent, il fe figure qu'il fuffit de les raporter, » pour en dégoûter les hommes. Il m'accufe fur-tout d'a»voir, dans le Lutrin, exageré en grands mots de petites

chofes pour les rendre ridicules; & il fait lui-même » pour me rendre ridicule, la chose dont il m'accuse. Il » ne voit pas que, par une conféquence infaillible, fi le Lutrin eft une impertinente imagination, le Lutrigot eft encore plus impertinent; puifque ce n'eft que la même chofe plus mal exécutée. Du rette, on ne fçauroit m'éle>ver plus haut qu'il fait, puifqu'il me donne pour fuivaus & pour admirateurs paffionnez, les deux plus beaux efprits de notre fiécle: je veux dire Mr. Racine & Mr. Chapelle. Il n'a pas trop bien profité de la lecture de

» ma

*Dont il eft fait mention fur le Vers 23. de l'Epître V.

Rarement un efprit ofe être ce qu'il eft.

5 Vois-tu cet Importun, que tout le monde évite; Cet homme à toujours fuïr, qui jamais ne vous quit te ?

Il n'eft pas fans efprit: mais né triste & pefant,
Il veut être folâtre, évaporé, plaifant :

Il s'eft fait de fa joye une loi néceffaire,

80 Et ne déplaît enfin que pour vouloir trop plaire. La Simplicité plaît fans étude & fans art. Tout charme a un enfant, dont la langue fans fard.

A

ma premiére Préface, & de l'avis que j'y donne aux Au teurs attaquez dans mon Livre, d'attendre pour écrire contre moi, que leur colere foit paffée. S'il avoit laiffé » passer la fienne, il auroit vû que, traiter de haut en bas » un Auteur aprouvé du Public, c'eft traiter de haut en bas » le Public même ; & que me mettre a califourchon fur un

Lutrin, c'eft y mettre tout ce qu'il y a de gens fenfez, & »Mr. Brofiette lui-même, qui me fait l'honneur meas effe aliquid putare nugas. Je ne me fouviens point d'avoir ja» mais parlé de Mr. de Bonecorfe à Mr. Bernier,je & ne con>> noiffois point le nom de Bonecorfe quand j'ai parlé de la » Montre, dans l'Epitre à Mr. de Seignelai. Je puis dire » même que je ne connoiffois point la Montre d'Amour » que j'avois feulement entrevûë chez Barbin, & dont le » titre m'avoit paru très-frivole, auffi-bien que ceux de » tant d'autres Ouvrages de galanterie moderne, dont je ne

lis jamais que le premier feuillet. Mais voi à affez parler » de Mr. de Bonecorfe : venons à Mr. Bourfaut, qui eft, à »mon fens, de tous les Auteurs que j'ai critiquez, celui » qui a le plus de mérite, &c.....

Ibid.

Miroir d'Amours, Amitiez, Amourettes.] Miroirs d' Amours: Ouvrage de PERRAULT in gitulé: Le Miroir, à Dorante

Amitiex, Amourettes: Les Oeuvres de R ENE' LE PAïs font intitulées Amttiez, Amours, & Amourettes. Voyez la note fur le vers 180 de la Satire III.

VERS 75. Vois-tu cet importun &c. ] Ce portrait a été fait fur un homme fort obfcur, dont l'Auteur a oublié le nom.

A peine du filet encor débarraffée

Sçait d'un air innocent bégayer fa penfée. 85 Le Faux eft toûjours fade, ennuyeux, languiffant; Mais la Nature eft vraye, & d'abord on la fent, C'est Elle feule en tout qu'on admire, & qu'on aime. Un Esprit ne chagrin plaît par fon chagrin même. Chacun pris dans fon air eft agréable en foi.

90 Ce n'eft que l'air d'autrui qui peut déplaire en moi. Ce Marquis étoit né doux, commode, agréable.

1

On vantoit en tous lieux fon ignorance aimable.
Mais depuis quelques mois devenu grand Docteur,
Il a pris un faux air, une fotte hauteur.

'95 Il ne veut plus parler que de rime & de profe. Des Auteurs decriez il prend en main la cause. Il rit du mauvais goût de tant d'Hommes divers, Et va voir l'Opera feulement pour les Vers. Voulant fe redreffer, foi-même on 's'estropie, 100 Et d'un original on fait une copie.

L'Ignorance vaut mieux qu'un Sçavoir affecté.

Rien

IMIT. Vers 84. Sçait d'un air innocent bégayer sa penfée. ] Perfe Satire I. 35. :

Tenero fupplantat verba palato.

VERS 88. Un efprit né chagrin plaît par son chagrin même.} Mr. le Duc de MONTAUSIER. Il ne laiffoit pas d'avoir beaucoup d'a nis, & d'être fort eftimé, à cause de sa probité & de fa vertu. Le Personnage du Mianthrope de Moliere, tout Mifanthrope qu'il eft, ne laiffe pas de plaire auffi, & de fe faire aimer, parce qu'il est honnête homme. Cela fait même que l'on s'intereffe dans fa fortune, dans fes

feu.

Rien n'eft beau, je reviens, que par la Vérité. C'est par elle qu'on plaît, & qu'on peut long-tems plaire.

L'efprit laffe aifément, fi le cœur n'est sincére.
105 En vain par fa grimace, un Bouffon odieux
A table nous fait rire, & divertit nos yeux.
Ses bons mots ont besoin de farine & de plâtre.
Prenez-le tête à tête, ôtez lui fon Théâtre,
Ce n'est plus qu'un cœur bas, un Coquin ténébreux,
IIO Son visage effuïé na plus rien que d'affreux.

J'aime un Efprit aifé qui fe montre, qui s'ouvre,
Et qui plaît d'autant plus, que plus il fe découvre.
Mais la feule Vertu peut fouffrir la clarté.

Le Vice toujours fombre aime l'obscurité.
115 Pour paroître au grand jour, il faut qu'il fe déguise,
C'est lui qui de nos mœurs a banni la franchise.
Jadis l'Homme vivoit au travail occupé ;
Et ne trompant jamais, n'étoit jamais trompé.
On ne connoiffoit point la Rufe & l'Imposture.
Le Normand même alors ignoroit le parjure.

120

All

fentimens, & dans la malheureuse tendresse qu'il a pour une coquette.

VERS 91. Ce Marquis &c. ] M. L. C. D. F. Il avoit autrefois une ignorance fort aimable, & difoit agréablement des incongruitez; mais il perdit la moitié de fon mérite, dès qu'il voulut étre fçavant, & fe piquer d'avoir de l'efprit.

VERS 120. Le Normand même alors ignoroit le parjure. ] Je date de loin, difoit l'Auteur : c'étoit deux cens ans avant le Déluge. Ce n'eft pas d'aujourd'hui que l'on reproche aux

Nor

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