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Affuré des bons Vers dont Ton bras me répond,

Je

S VERS dernier. Je t'attens dans deux ans aux bords de l'Hellefpont.] Dans le fecond Tome du Mercure Hollandois, contenant les Conquêtes du Roi Louis XIV, dit le Grand, fur des Provinces Unies des Païs-bas; par le Sieur P. Louvet, de Beauvais D. M. Conseiller & Hiftoriographe de S. A. R. Souverain de Dombes, imprimé à Lion en 1674. on trouve un petit Poëme fur le pasage du Rhin, où l'Auteur cite ce vers de Mr. Despréaux, & pouffe bien plus loin l'hyperbole :

Des tems de nos jours un des premiers Oracles,
Dans un Style pompeux parlant de tes miracles,
T'attend dedans deux ans au bord de l'Hellefpont :
Ma Muse plus hardie,ô grand Roi, te répond,
Que du moins ta Valeur à nulle autre feconde,
Tonnera dans deux ans aux quatre coins du Monde.
DU MONTEIL

IBID. Je t'attens dans deux ans aux bords de l'Hellefpont. ] Après la publication de cette Epitre, il revint à l'Auteur que le Comte de B u sst.RABUTIN en avoit fait une critique fanglante. Mr. Defpréaux réfolut de s'en vanger, & il dit fon deffein à quelques perfonnes, par le moyen defquelles Mr. de Buffi en fut informé dans une de fes terres où il étoit relegué. Ce Comte prit adroitement les devans pour prévenir la Satire. Dans cette vue le 20. d'Avril 1673. il écrivit féparément au P. Rapin, & au Comte de Limoges, tous deux amis de Mr. Defpréaux, pour les prier de voir ce Poëte, & de le détourner de fon entreprife. Les Lettres fuivantes diront ce qu'il en arriva.

Réponse du Comte de LIMOGES au Comte de Bussi.
A Paris le 26. Avril 1673.

» Auffi-tôt que j'ai eu reçu votre Lettre, Monfieur, j'ai été trouver Defpréaux, qui m'a dit qu'il m'étoit obligé de l'avis que je lui donnois; Qu'il étoit votre ferviteur, qu'il l'avoit toûjours été, & qu'il le feroit toute fa vie. Qu'il étoit vrai que pendant ces vacations il étoit à Baville avec le P. Rapin; Qu'il le pria de vous envoyer fon » Epî

* Cette Lettre n'a point été imprimée,

Je t'attends dans deux ans aux bords de l'Hellefpont. » Epitre de fa part avec un compliment. Que le P. Rapin » lui avoit dit que vous lui aviez fait une réponse fort hon »néte à ce compliment ; qu'à fon retour à Paris mille gens » lui étoient venus dire que vous aviez écrit une Lettre fanglante contre lui, pleine de plaifanteries contre fon Epitre, & que cette Lettre couroit le monde. Qu'il répondit à cela qu'on la lui montrât & que fi elle étoit » telle, il y répondroit, non-seulement pour justifier for Ouvrage, mais encore pour avoir l'honneur d'entrer en »lice avec un tel combattant. Que perfonne ne la lui » ayant montrée, il n'y avoit pas fongé depuis: fon feul » deffein étant de répondre par un Ouvrage d'efprit justifi»catif, à un autre Ouvrage qui avoit critiqué le fien, mais

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fans y mêler les perfonnes. Que quand vous auriez dit » pis que pendre de lui, il étoit trop jufte, & trop hon» nete homme, pour ne vous pas toûjours eltimer, & par » conféquent pour en dire quelque chofe qui put vous dé» plaire. Que les chofes d'efprit que vous aviez faites » fans compter vos autres faits, étoient dignes de l'eftime » de tout le monde & dureroient même à la postérité... » Là-dessus il me moutra une piece manufcrite que Linie »re avoit faite contre fon Epitre, dans laquelle > apres » avoir dit cent chofes offenfautes, il ajoûte que Mr. de » Buffi en dit bien d'autres plus fortes, dans une Lettre » qu'il a écrite à un de fes amis..... Defpréaux me dit » enfuite, qu'on lui avoit dit encore, que dans votre Let»tre il y avoit des chofes un peu contre le Roi, comme » par exemple, fur ce qu'il difoit que le Roi prendroit » tant de Villes qu'il ne le pourroit fuivre, & qu'il l'alloit » attendre aux bords de l'Hellefpont ; vous metriez au bout, » Tarare pon pon..... Il ajouta, en fortant, qu'il vous » feroit un compliment, s'il croyoit que fa Lettre füt bien » reçue, parce qu'il fçavoit bien qu'il n'y avoit point d'a»vances qu'il ne dût faire pour mériter l'honneur de vos » bonnes graces.

*Lettre de Mr. DESPRE'A Ux à Mr. de Bussi,

du 25. Mai 1673.

» Mon

*Cette Lettre a été imprimée dans la premiere partie des Nouvelles Lettres du Comte de Buffi, in 12. l'an 1709. p. 288. avec quelques changemens que l'on a faits dans le tour dans les paroles. §. Ces Nouvelles Lettres ont été inférées

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dans l'Edition des Lettres du Comte de Buffi faite à Amfterdam en 1715. où toutes les Lettres font rangées felon l'ordre Chronologique. La Lettre citée ici se trouve à la page 383. du Tom. 11. de cette Edition.

» Monfieur, J'avoue que j'ai été inquiet du bruit qui a » couru, que vous aviez écrit une Lettre par laquelle vous » me déchiriez moi & l'Epitre que j'ai écrite au Roi fur » la Campagne de Hollande; car outre le jufle chagrin, » que j'avois de me voir maltraiter par l'homme du mon» de que j'eflime & que j'admire le plus, j'avois de la » peine à digérer le plaifir que cela alloit faire à mes en»nemis. Je n'en ai pourtant jamais été bien perfuadé. Hé! » le moyen de penfer que l'homme de la Cour qui a le plus » d'efprit, put entrer dans les intérêts de l'Abbé Cotin, & » & le réfoudre à avoir raifon méme avec lui? La Lettre » que vous avez écrite a Mr. le Comte de Limoges, a ache» vé de me defabuler, & je voi bien que tout ce bruit n'a » été qu'un artifice très-ridicule de mes très-ridicules Enne >mis. Mais quelque mauvais deflein qu'ils ayent eu contre » moi, je leur en ai de l'obligation, puifque c'eft ce qui m'a » attiré les paroles obligeantes que vous avez écrites fur » mon fujet. Je vous fuplie de croire que je fens cet honneur » comme je dois, & que je fuis, &c.

*Réponse du Comte de Buss1.

A Chazeu, 30. Mai 1673.

» Je ne fçaurois affez dignement répondre à votre Lettre, » Monfieur. Elle eft fi pleine d'honnêtetez & de loüanges » que j'en fuis confus. Je vous dirai feulement, que je n'ai » rien vu de vɔtre façon, que je n'aye trouvé très-beau & » tres-naturel ; & que j'ai remarqué dans vos Ouvrages un » air d'honnête homme que j'ai encore eftimé plus que tout le refte. C'eft ce qui m'a fait fouhaiter d'avoir commerce avec vous: & puifque l'occafion s'en prefente aujourd'hui, je vous en demande la continuation, & votre amitié » vous affurant de la mienne. Pour mon eftime, vous n'en » devez pas douter, puifque vos ennemis mêmes vous l'ac» cordent dans leur cœur, s'ils ne font pas les plus fottes » gens du monde.

* Cette Lettre n'a pas été imprimée. § On fe trompe. On la trouvera à la page 385. du Tome II. de l'Edition d'Amfterdam que nous venons de citer.

345

A M. DE GUILLERAGUES,

SECRETAIRE DU CABINET.

ESPRIST né pour la Cour, & Maître en l'art

de plaire, GUILLERAGUES, qui fçais & parler & te taire

Aprend

de de

L'L'auteurf Citve
E fujet de cette Epitre eft la Connoissance de foi-même.

eft

notre félicité : ce n'eft ni l'ambition, ni les richeffes, ni les Sciences, ni enfin les biens extérieurs, qui peuvent nous rendre heureux dans le monde : notre bonheur dépend uniquement de nous ; & c'eft dans nous-mêmes que nous devons le chercher. Cette réflexion a été faite par un Ecrivain célébre. Nous cherchons, dit-il, notre bonheur hors de nous mêmes, dans l'opinion des hommes que nous connoissons flateurs, peu fincéres, fans équité, pleins d'envie, de caprices, & de préventions: quelle bizarrerie! Cette Epitre fut compofée en 1674. & publiée l'année fuivante. Mr. de GUILLERAGUES, à qui elle eft adreffée, étoit de Bourdeaux, où il avoit été Premier Préfident de la Cour des Ai des. En ce tems-là il fe fit connoître à Mr. le Prince de Con. ti, Gouverneur de Languedoc, qui le fit Secretaire de fes Commandemens, & l'obligea de quiter la Province. Il eut l'agrément du Roi, pour la Charge de Secretaire de la Chambre & du Cabinet de Sa Majefté; & pendant quelque-tems il eut la direction de la Gazette. Il n'y avoit perfonne a la Cour qui eût plus de politesse, qui parlât plus agréablement, qui entendit mieux la fine raillerie, ni qui fut plus généralement aimé, que Mr. de Guilleragues. Au mois de Décembre 1677. le Roi le nomma Ambassadeur à Conftantinople, où il alla en 1679. & il mourut d'Apoplexie quelques années après. IMIT. Vers 2. - Quifçais & parler & te taire, Į

Perfe, Satire I V. v. 5.

Dicenda tacendaque calles.

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* Caractères de LA BRUYE'RE, chap. de l'Homme p. 395.

5

Aprend-moi, fi je dois ou me taire, ou parler.
Faut-il dans la Satire encor me fignaler,

Et dans ce champ fecond en plaifantes malices,
Faire encore aux Auteurs redouter mes caprices?
Jadis, non fans tumulte, on m'y vit éclater:
Quand mon efprit plus jeune, & prompt à s'irriter,
Afpiroit moins au nom de difcret & de fage:
IO Que mes cheveux plus noirs ombrageoient mon vi
fage.

Maintenant que le tems a meuri mes defirs, Que mon âge, amoureux de plus fages plaifirs Bien-tôt s'en va fraper à fon neuvieme luftre ; J'aime mieux mon repos qu'un embarras illustre. 15 Que d'une égale ardeur mille Auteurs animez

Ai

IM IT. Vers 3. Apren-moi, fi je dois ou me taire ou parher.] Scaliger le pere commence ainfi une Satire:

At melius fuerat non fcribere ; namque tacero
Tutum femper erit.

VERS 10. Que mes cheveux plus noirs ombrageoient mon vilage. ] L'Auteur portoit alors fes cheveux qui commengoient à blanchir.

VERS 13. Bien-tôt s'en va fraper à fon neuvième luftre.] Un luftre eft l'espace de cinq ans : ainfi, le huitiéme luftre comprend les années qui font depuis trente-cinq ufqu'à quarante. L'Auteur compofa cette Epitre à trente huit ans : il en avoit environ quarante quand il la donna au public; & par conféquent il aprochoit de fon neuviéme luftre ; c'est-àdire, de fa quarante uniéme année.

VERS 17. Que tout jusqu'à Pinchéne, &c. ] Voyez la Remarque fur le vers 163. du cinquiéme Chant du Lutrin, où il eft parlé de PINCHEN B. Il avoit écrit quelque chose

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