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EPITRES.

G

AURO I.

289:

RAND ROI, c'eft vainement qu'ab

jurant la Satire,

Pour Toi feul deformais j'avois fait

vœu d'écrire.

Dès que je prens la plume, Apollon éperdu

Semble

A Près le Traité d'Aix-la-Chapelle, conclu au mois de Mai 1668. la France joüinoit d'une heureuse paix. Mais la précédente guerre n'ayant duré qu'un peu plus d'une année, la valeur de la Nation n'étoit point fatisfaite ; & la plupart des François ne refpiroient que la guerre. Mr. Colbert feul en détournoit le Roi: difant que la Paix étoit l'unique moyen de faire fleurir les Arts & les Scien ces, & de maintenir l'abondance dans le Royaume. Ce fur pour feconder les intentions de ce grand Miniftre, que notre Auteur compofa cette Piece, dans laquelle il entreprit de louer le Roi comme un Héros paifible, en faifant voir qu'un Roi n'est ni moins grand, ni moins glorieux dans la paix, que dans la guerre.

§ Le Commentateur donne une étrange idée des François. Après le Traité d'Aix-la-Chapelle, dit-il, la France jouisfoit d'une heureuse paix : mais la précedente guerre n'ayant duré qu'un peu plus d'une année, la valeur de la Nation'n'écoit point fatisfaite ; & la plupart des François ne re piroient que la guerre. Il ne prétend pas, fans doute, que les F ançois voulufient la guerre, pour ruïner & faccager leur: voifins. Ce n'étoit donc que pour le feul plaifir de batailler, & de faire voir leurs proüeffes. Mais n'est-ce pas les reprefenter comme des Spadaffins, plus ridicules mille fois que les Chevaliers errans, qui dans leur folie fe propofoient au moins de redreffer les torts, & de faire régner la justice? Il ajoute qu'après la Paix d'Aix-la-Chapelle, Mr. Colbert feul détournoit le Roi de faire la guerre. Mais le motif fecret qui avoit obligé les Miniftres à faire cette Paix, ne leur Tome I. N

per

Semble me dire: Arrête, infenfé, que fais-tu ?

5 Sçais-tu dans quels périls aujourd'hui tu t'engages? Cette mer où tu cours eft célébre en naufrages.

Ce

permettoit pas de recommencer fi-tôt la guerre. Ils s'étoient hâtez de la conclure, craignaut que Mr. de Turenne, qui commençoit à les traiter avec beaucoup de hauteur, ne fe rendit maitre des affaires. C'eft ce que le Commentateur ne devoit pas ignorer. D'ailleurs, il a mal expliqué le but de cette Epitre. Il dit que Mr. Defpréaux y fait voir qu'un Roi n'est ni moins grand, ni moins glorieux dans la paix que dans la guerre. Mr. Delpréaux va plus loin. Il y fait la Satire des Conquerans ; & foutient que la véritable gloire d'un Roi ne confifte pas à ravager la terre, mais à rendre fes Sujets heureux, en les faïfant jouir d'une profonde paix.

En vain aux Conquerans.
L'erreur parmi les Rois donne les premiers rangs, &c.
DU MONT EIL.

Cette Epitre fut faite en 1669. & ce fut Madame de THIANGE qui la prefenta au Roi.

IMIT. Vers 3. Dès que je prens la plume, Apollon éperdu, &c. 1 Virgil. Eclog. V I. 3.

Cum canerem reges & prælia, Cynthius aurem
Vellit, admonuit.

CHANG. Vers 5. Sçais-tu dans quels périls aujourd'hui tu t'engages?] Dans toutes les éditions qui ont précédé celle de 1701. il y avoit :

Où vastu t'embarquer ? regagne les rivages.

L'Auteur avoit même mis dans la premiere compofition >

Regagne le rivage.

Cette mer où tu cours est célébre en naufrage

Ce n'eft pas qu'aifément, comme un autre, à Ton

char

Je ne pûffe attacher Alexandre & Céfar ;

Qu'ai

Mais fes Amis lui confeillerent de mettre au pluriel, célébre on naufrages, & regagne les rivages. Cependant, comme cette derniere expreilion n'eft pas tout-à-fait jufte, il l'a corrigée en changeant le Vers entier.

§ Voici la Critique que Des Marets fit de ces deux Vers:

Où vas-tu t'embarquer? regagne les rivages.

Cette Mer où tu cours eft fameuse en naufrages.

» Ces deux Vers, dit-il, ont long-tems occupé fes amis qui s'étant engagez à faire paffer auprès du Roi cette » Epitre pour quelque chofe de rare, voyant qu'il avoit » mis d'abord regagne le rivage, comme il étoit plus rai» fonnable; & qu'enfuite pour rimer il avoit mis, célébre en naufrage, ce qui ne valoit rien; ils jugerent qu'il faloit mettre célébre en naufrages, au pluriel; & fur cela ils propofoient de mettre regagne les rivages; ce qui toutefois ne vaut rien car il fuffit à un Vaiffeau qui eft Den danger de gagner un port ou un rivage, fans en gagner plufieurs. De forte qu'ils furent long-tems partagez » là.defus, pour fçavoir s'il mettroit rivage & naufrage, on rivages & naufrages....... Il fut conclu pour

rivages & naufrages, comme leur femblant plus fuportable: parce que l'Auteur, pour la grande peine qu'il a dans les Vers, ne pouvoit le réfoudre à chercher un autre fens, & d'autres rimes. Mais voici un étrange malheur: C'est que pendant leur conteflation ils ne prenoient » pas garde au difcours infenfé & éperdu d'Apollon, qui difoit: Ou vas tu t'embarquer? & enfuite lui difoit: Regagne les rivages: car puifqu'il lui difoit: Où vas-tu t'embarquer? il n'étoit pas embarqué ; de forte qu'il n'étoit pas befoin de lui dire, Regagne les rivages. Et Apollon » étoit bien fou de lui dire, Cette mer où tu cours, puifqu'il » lui confeilloit de ne pas s'embarquer; & par conséquent » il n'étoit pas encore fur la Mer «. DU MONTEIL.

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CHANG. Vers 7. Ce n'est pas qu'aisément, &c. ] C'est dans l'édition de 1701. qu'il a mis ainfi. Dans toutes les éditions précédentes, il y avoit :

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