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Il en eft des milliers: mais ma bouche enfin laffe,

690 Des trois quarts, pour le moins, veut bien te faire grace.

695

700

J'entens. C'eft pouffer loin la modération.
Ah! finiffez, dis-tu, la déclamation.

Penfez-vous qu'éblouï de vos vaines paroles,
J'ignore qu'en effet tous ces difcours frivoles
Ne font qu'un badinage, un fimple jeu d'esprit
D'un Cenfeur, dans le fond, qui folâtre & qui rit,
Plein du même projet qui vous vint dans la tête,
Quand vous plaçates l'Homme au deffous de la Bête ?
Mais enfin vous & moi c'est affez badiner,

Il eft tems de conclurre; & pour tout terminer,
Je ne dirai qu'un mot. La Fille qui m'enchante,
Noble, fage, modefte, humble, honnête, touchante,
N'a pas un des défauts que vous m'avez fait voir.
Si par un fort pourtant qu'on ne peut concevoir,

dans cette peinture, & s'en fâcha bien férieufement.

La

VER'S 695. Ne font qu'un badinage, un simple jeu d'esprit, &c.] L'Auteur a mis ceci pour faire comprendre qu'il ne faut pas expliquer à la rigueur tout ce qu'il a dit contre les Femmes dans cette Satire, ni ce qu'il a dit contre les Hommes dans la Satire huitiéme. Il m'écrivit ainfi dans une Lettre du 5. Juillet 1706. » Quoique j'aye compofé animigra» tia une Satire contre les méchantes Femmes, je fuis pour» tant du fentiment d'Alcippe, & je tiens comme lui, Que » pour être heureux fous ce joug falutaire, Tout dépend, en » un mot, du bon choix qu'on fait faire. Il ne faut point » prendre les Poëtes à la lettre : Aujourd'hui c'eft chez eux » la fête du Célibat; Demain c'eft la fête du Mariage : Au»jourd'hui l'Homme eft le plus fot de tous les Animaux ; » Demain c'eft le feul Animal capable de juftice, & en cela femblable à Dieu.

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La Belle tout à coup renduë infsociable,
D'Ange,ce font vos mots, fe transformoit en Diable:
Vous me verriez bien tôt, fans me defefpérer,
Lui dire: Hé bien, Madame, il faut nous féparer.

Nous ne fommes pas faits, je le voi, l'un pour l'autre. 710 Mon bien fe monte à tant: Tenez, voilà le vôtre. Partez Délivrons-nous d'un mutuel fouci.

Alcippe, tu crois donc qu'on fe fépare ainfi ? Pour fortir de chez toi, fur cette offre offenfante, As-tu donc oublié qu'il faut qu'elle y confente? 715 Et crois-tu qu'aifément elle puiffe quitter Le favoureux-plaifir de t'y perfécuter? Bien-tôt fon Procureur, pour elle ufant fa plume, De fes prétentions va t'offrir un volume. Car , grace au Droit reçu chez les Parifiens,

VERS 708.

Gens

Il faut nous feparer,&c. ] Ce vers & les fuivans contiennent la formule du Libelle de Divorce qui étoit en ufage anciennement. Res tuas tibi habeto : Tuas res tibi agito, &c. Loi z. §. 1. au Digefte de divortiis & repudiis.

VERS 719- -Chex les Parifiens, &c. Ce n'est pas la premiere fois que ce reproche leur a été fait Co R NEILLE, dans la faite du Menteur, A&e II. Sc. I.

Il est riche, & de plus il demeure à Paris,
Où des Dames, dit-on, eft le vrai Paradis :
Et ce qui vaut bien mieux que toutes ces richesses.
Les Maris y font bons, & les Femmes maîtreßßes.

VERS 722. Dans ses prétentions une femme est sans bor

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720 Gens de douce nature, & Maris bons Chrétiens, Dans fes prétentions une Femme eft fans borne. Alcippe, à ce difcours je te trouve un peu morne. Des Arbitres, dis tu, pourront nous accorder. Des Arbitres.... Tu crois l'empêcher de plaider ? 725 Sur ton chagrin déja contente d'elle-même,

Ce n'eft point tous fes droits, c'eft le procès qu'elle aime,

Pour elle un bout d'arpent, qu'il faudra difputer, Vaut mieux qu'un Fief entier aquis fans contefter: Avec elle il n'eft point de droit qui s'éclairciffe, 730 Point de procès fi vieux qui ne fe rajeuniffe; Et fur l'art de former un nouvel embarras " Devant elle Rolet mettroit pavillon bas. Croi-moi, pour la fléchir trouve enfin quelque voier Ou

ne.] La Coûtume de Paris eft extrémement favorable aux Femmes. » Parmi nous, dit PATRU, Plaid. 9. les Fem» mes ont des Douaires & des préciputs; elles partagent la » communauté, où pourtant elles n'aportent prefque rien » que le bonheur de leur fexe, & la faveur de nos Coûtu»mes. Enfin à bien parler, elles font les principales héri» tieres de leurs Maris.

VERS 726. •Ceft le Procès qu'elle aime. ] Ce portrait de la Femme plaideufe, a été formé fur la Comteffe de CRISSE', dont on a parlé ci devant fur le vers 105. de la Satire troifiéme. L'Antiquité a auffi produit des Monstres de cette efpece-là: témoin la fameufe Afrania, Femme d'un Sénateur Romain. Elle fut la plus grande Chicaneuse que l'on vit jamais on n'entendoit qu'elle dans tous les Tribu naux, & par fon impudence elle mérita que toutes les Femmes plaideufes fuffent apellées de fon nom. Valer. Max. l. 8. 6. 3. 3. 20

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Ou je ne répons pas dans peu qu'on ne te voie
Sous le faix des procès abatu, confterné,

Trifte, à pié, fans Laquais, maigre, fec, ruiné,
Vingt fois dans ton malheur réfolu de te pendre.
Et, pour comble de maux, réduit à la reprendre.

VERS dernier. Et pour comble de maux, réduit à la reprendre. ] L'Auteur s'aplaudiffoit beaucoup d'avoir fçû finir par un trait de plaifanterie, comme il avoit commencé.

Il y a une Remarque importante à faire fur le total de l'Ouvrage : C'eft la varieté & la finesse des tranfitions, qui font ménagées avec beaucoup d'art. C'eft ce que l'Auteur re gardoit comme le Chef-d'œuvre de l'Art d'écrire, & qui lui a fait dire au fujet des Caractéres de LA BRUYERE, Ouvrage qu'il eftimoit d'ailleurs infiniment; que cet Ecrivain s'étoit liberé des tranfitions, qui étoient ce qu'il y avoit de plus difficile dans les Ouvrages d'efprit. Au refte, on trouvera l'Apologie de cette Satire, & de fon Auteur, dans une Lettre écrite par Mr. ARNAULD, Docteur de Sorbonne, imprimée dans le IV. Volume de cette Edition des Ouvrages de notre Poëte.

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A M. DE VALINCOUR,

CONSEILLER DU ROY EN SES CONSEILS

Secretaire Général de la Marine, & des Commande mens de Monfeigneur le Comte de Toulouze.

OUI, l'Honneur, VALINCOUR, eft chéri

dans le monde:

Chacun pour l'éxalter en paroles abonde;
A s'en voir revétu chacun met fon bonheur ;

Et

LE fujet de cette Satire eft le vrai & le faux Honneur.

Elle fut compofée à l'occafion d'un Procès que le Commis à la recherche des Ufurpateurs du titre de Nobleffe, avoit intenté à Mr. GILLES BOILEAU, Payeur des rentes de l'Hôtel de Ville de Paris, en exécution de la Déclaration du Roi du 4. de Septembre 1696. Mr. l'Abbé BOILEAU Docteur de Sorbonne, Chanoine de la Sainte Chapelle, & Mr. Boileau Defpreaux fon Frere, intervinrent dans ce Procès, auquel ils avoient le même intérêt que Mr. Gilles Boileau leur Coufin. Ils produifirent des titres inconteftables, par lefquels ils prouvérent leur Nobleffe depuis JEAN BOILEAU Secretaire du Roi, anobli avec JEAN fon fils, en l'année 1371. & ils furent maintenus en la qualité de Nobles & d'Ecuyers par Arrêt du 10. d'Avril 1699.

Ce Procès excita la mauvaise humeur de Mr. Defpreaux, qui ne pouvoit fouffrir l'injustice ni les vexations des Partifans. Il en vouloit fur tout à B..... fameux Traitant qui étoit un des principaux Intéreffez à la recherche des faux-Nobles: & ce fut prefque uniquement pour fe vanger de lui que Mr. Defpreaux entreprit cette Satire. Il com

mença

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