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Mener tuer un homme avec ceremonie?

Que penfe-t'il de nous, lors que fur le Midi
Un hazard au Palais le conduit un Jeudi;

Lors qu'il entend de loin, d'une gueule infernale, 300 La Chicane en fureur mugir dans la Grand' Sale ? Que dit-il quand il voit les Juges, les Huiffiers, Les Clercs, les Procureurs, les Sergens, les Gref fiers

O! que fi l'Ane, alors à bon droit mifanthrope, Pouvoit trouver la voix qu'il eut au tems d'Esope 305 De tous côtez, Docteur, voyant les Hommes fous, Qu'il diroit de bon cœur, fans en être jaloux, Content de fes chardons, & fecoüant la tête ;

Ma foi, non plus que nous, l'Homme n'eft qu'une bête !

mous trouveriek pas fi bêtes que vous faites.

IMIT. Vers 307. Content de fes chardons, &c.] Regnier
Guit fa Satire neuvième par ces vers:

Si Virgile, le Taffe, & Ronfard font des Anes,
Sans perdre en cès discours le tems que nous perdons,
Allons comme eux aux champs, & mangeons des Charè

dops

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SATIRE IX.

'ESTà vous, mon Efprit, à qui je veux parler

Vous avez des défauts que je ne puis celer. Affez & trop long-tems ma lâche complaisance, De vos jeux criminels a nourri l'infolence.

Mais

L 'Auteur adresse cette Satire à fon Esprit. Après la publication des fept premieres Satires, il fut affailli par une foule d'Auteurs, dont il avoit parlé peut-être avec trop de franchife. Ce fut pour leur répondre, & pour faire en même tems fon Apologie, qu'il conçut l'idée de cette Piéce. Mais fon embarras fut de fçavoir comment il exécu eroit ce deffein car il vouloit éviter l'écueil dans lequel fes Ennemis avoient donné, c'est-à-dire, la chaleur, l'emportement, & par conféquent les injures groffieres. Il jugea donc qu'il n'avoit pas d'autre ton à prendre que celui de la plaifanterie pour tourner fes Ennemis en ridicule, fans leur donner aucu ne prife fur lui. C'eft ce qu'il exécuta d'une maniere inimitable dans cette Satire, qui eft entierement dans le goût, d'Horace. Là, fous prétexte de cenfurer fes propres défauts ou ceux de fon Esprit, il fe juftifie de tous les crimes que fes Adverfaires lui imputoient, & les couvre eux-mêmes d'une nouvelle confusion. 11 fe fait fon procès à soi-même, pour le faire à tous les autres.

Cette Satire eft fans contredit la plus belle de toutes, & zelle où il y a le plus d'art, d'invention, & de finefle. En un mot, on peut hardiment l'opofer, & peut-être même la préférer à tout ce que l'Antiquité nous a fourni de plus parfait en ce genre.

Mr. Defpréaux la compofa en 1667. mais il ne la fit imprimer que l'année fuivante, après avoir compofé & publié la Satire de l'Homme. Cette derniere Satire, qui eft la huitiéme, eut un fuccès extraordinaire. Le Roi lui-même, à qui on en fit la lecture, en parla plufieurs fois avec de grands éloges. Le Sr. de SAINT-MAURIS, Chevau

Le

* Il avoit l'honneur d'aprocher de la perfonne du Roi, parce qu'il lui montroit à tirer en volant.

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Mais puifque vous pouffez ma patience à bout,
Une fois en ma vie il faut vous dire tout.

On croiroit à vous voir, dans vos libres caprices,
Difcourir en Caton des vertus & des vices,

Décider du mérite & du prix des Auteurs,
Et faire impunément la leçon aux Docteurs,
Qu'étant feul à couvert des traits de la Satire,
Vous avez tout pouvoir de parler & d'écrire.

Mais

Leger de la Garde du Roi, qui en fut témoin, lui dit que
Boileau avoit fait une autre Satire qui étoit encore plus bel-
le
que celle-là, & dans laquelle il parloit de Sa Majefté. Le
Roi lui dit fiérement, mais avec quelque furprife: Il y par
le de moi, dites vous ? Oui, Sire, répondit St. Mauris ;
mais il en parle avec tout le respect qui eft dû à Votre Ma
jefté. Alors le Roi témoigna de la curiofité pour la voir; &
St. Mauris lui promit de la de ander à l'Auteur, qui étoit de
fe amis. Mr. Despréaux lutremt en effet une copie de la
Satire à fon Efprit, en lui faifant promettre qu'il ne la mon
treroit qu'au Roi. Le Roi l'ayant luë la fit voir à quelques
perfonnes de fa Cour. Madame la Maréchale de la Mothe,
Gouvernante de Monseigneur, en fit faire une copie qui en
produifit bien-tôt quantité d'autres. Ainfi, c'eft en quel
que façon, de la main du Roi même que cette Piece a
paffé dans les mains du Public.

L'Auteur craignaut qu'on ne l'imprimât fur quelque copie défectueufe, se détermina à la faire imprimer lui-même; & l'accompagna d'un petit Difcours en profe, où il justifie, par l'autorité des Poétes anciens & modernes, la liberté qu'il s'eft donnée dans les Satires, de nommer les Auteurs,

A

VERS 7. On croiroit à vous voir, &c. ] Ce Vers & les trois fuivans, qui défignent les Satires précédentes, particu lierement la huitiéme, furent ajoutez par l'Auteur à la Satire neuvième, quand il voulut la faire imprimer ; car elle avoit été faite avant la huitiéme. Il y avoit auparavante Vous croyez, qu'a couvert des traits de la Satire, &c.

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Mais moi,qui dans le fond fçais bien ce que j'en crois, Qui compte tous les jours vos défauts par mes doigts, Je ris, quand je vous vois, fi foible & fi stérile, Prendre fur vous le foin de réformer la Ville,

Dans vos difcours chagrins plus aigre, & plus mor

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Qu'une Femme en furie, ou Gautier en plaidant. Mais répondez un peu. Quelle verve indifcrete, Sans l'aveu des neuf Sœurs, vous a rendu Poëte ? Sentiez-vous, dites-moi, ces violens transports, Qui d'un efprit divin font mouvoir les refforts? Qui vous a pû fouffler une fi folle audace? Phébus a t'il pour vous aplani le Parnaffe? 5 Et ne fçavez-vous pas, que fur ce Mont facré,

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Qui

VERS 14. Qui compte tous les jours vos défauts par mes doigts. Cette expreffion proverbiale, compter par les doigts, étoit déja en ufage parmi les Latins: Supputare articulis. VERS 18. On Gautier en plaidant. ] CLAUDE GAUTIER, Avocat fameux, & très-mordant : C'est pour quoi on le furnomma, Gautier la Gueule. Quand un Plai deur vouloit intimider fa partie, il la menaçoit de lui làcher Gautier. Son éloquence n'étoit point réglée; c'étoient des faillies & des impétuofitez fort inégales. Son feu s'éteignoit même dans le repos, & il avoit befoin d'être animé par l'action: de là vient que fes Plaidoyez imprimez, fur lefquels il avoit réfléchi, ne font que de foibles copies de fes originaux. Il logeoit dans la Cour du Palais mourut le 16. de Septembre 1666. âgé de foixante & feize

ans.

&

VERS 21. Sentiez-vous. ] Dans les dernieres éditions de Pan 1701, faites in quarto, & in douze, l'Imprimeur a mis : Sentez-vous mais c'eft une faute.

IMIT. Vers 26. Qui ne vôle au fommet tombe au plus bas degré. 1

Qui ne vôle au fommet tombe au plus bas degré : Et qu'à moins d'être au rang d'Horace, ou de Voi ture,

On rampe dans la fange avec l'Abbé de Pure ?

Que fi tous mes efforts ne peuvent réprimer 30 Cet afcendant malin, qui vous force à rimer; Sans perdre en vains difcours tout le fruit de vOS veilles ;

Ofez chanter du Roi les auguftes merveilles.
Là, mettant à profit vos caprices divers,

Vous verriez tous les ans fructifier vos vers;
35 Et par l'espoir du gain votre Mufe animée,
Vendroit au poids de l'or une once de fumée.
Mais en vain, direz-vous, je pense vous tenter
Par l'éclat d'un fardeau trop pefant à porter.

Tout

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degré. ] Horace, Art Poëtique, Vers 378.

Si paulùm à fummo difceffit, vergit ad imum.

VER $28. On rampe dans la fange avec l'Abbé de Pare. ↑ Voyez la Remarque fur le Vers 17. de la Satire I I.

IM IT. Vers 30. Cet afcendant malin, &c.] Horace Liv. II. Sat. I. 10. & fuiv.

Aut fi tantus amor scribendi te rapit, aude

Cafaris invicti res dicere ; multa laborum

Premia laturus. Cupidum, Pater optime, vires &
Deficiunt, neque enim quivis horrentia pilis
Agmina, nec fractâ pereuntes cufpide Gallos
Aut labentis equo defcribat vulnera Parthi.

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