Page images
PDF
EPUB

、.

Que Jamais, en plein jour, ne fut l'Abbé de Pure. Tout confpire à la fois à troubler mon repos : Et je me plains ici du moindre de mes maux. 15 Car à peine les coqs, commençant leur ramage Auront de cris aigus frapé le voisinage:

Qu'un affreux Serrurier, laborieux Vulcain,
Qu'éveillera bien-tôt l'ardente foif du gain,
Avec un fer maudit, qu'à grand bruit il aprête,
20 De cent coups de marteau me va fendre la tête.
J'entens déja par tout les charrettes courir,

Les maçons travailler, les boutiques s'ouvrir :
Tandis que dans les airs mille cloches émuës,
D'un funèbre concert font retentir les nuës,
25 Et fe mêlant au bruit de la grêle & des vents,
Pour honorer les morts, font mourir les vivans.
Encor je benirois la bonté fouveraine,

VERS 12.

Si

L'Abbé de Pure. ] Ennuyeux célé

bre. Voyez la remarque fur le vers 18. de la Satire 11. IMIT. Vers 15. Car à peine les coqs, &c.] Martial L.

IX. Epigr. LXIX.

Nondum eristati rupêre filentia galli ;

Murmure jam savo verberibusque tonas.

Tam grave percuffis incudibus ara rejultant, &c.

CHANG. Vers 17. Qu'un affreux Serrurier, &c.] Dans toutes les éditions qui ont paru pendant la vie de l'Auteur, il y avoit :

Qu'un affreux Serrurier, que le Ciel en courroux
A fait pour mes pécher, trop voifin de chez nous.

Il changea ces deux vers dans l'édition qui fut commencée
avant la mort, & qui parut en 1713.

Sile Ciel à ces maux avoit borné ma peine. Mais fi feul en mon lit je pefte avec raison, 30 C'est encor pis vingt fois en quittant la maifon.. En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la preffe

D'un peuple d'importuns qui fourmillent fans ceffe
L'un me heurte d'un ais, dont je fuis tout froiffé.
Je vois d'un autre coup mon chapeau renversé.
35 Là d'un enterrement la funèbre ordonnance

D'un pas lugubre & lent vers l'Eglife s'avance:
Et plus loin des Laquais, l'un l'autre s'agaçans,
Font aboïer les chiens, & jurer les paffans.
Des Paveurs en ce lieu me bouchent le paffage.
40 Là je trouve une croix de funefte préfage:

Et

IMIT. Vers 31. En quelque endroit que j'aille, &c.] Co vers & les trois fuivans font imitez de Juvenal, III. 243.

Nobis properantibus obftat

Unda prior, magno populus premit agmine lumbos
Qui fequitur: ferit hic cubito, ferit affere duro
Alter: at hic tignum capiti incutit, ille metretam.

IMIT. Vers 35. Là d'un enterrement, &c. ] Horace
Liv. II. Ep. II. v. 74.

Tristia robustis luctantur funera plaustris.

VERS 40. Une croix de funefte présage 1 C'est une de ces croix, compofées de deux lattes attachées au bout d'une corde, que les Maçons & les Couvreurs font obligez de fufpendre devant les maifons fur lesquelles ils travaillent ; afin d'avertir les paffans de n'en pas aprocher. Ce figne où cette croix s'apelle Avertissement ou Défense. Il y a des Villes où les Couvreurs ne fufpendent qu'un fimple bâton, ou une tuile, pour fervir d'Avertißement: Ce vers ayant

E 4

be

foin

Et des Couvreurs, grimpez au toit d'une maison,

En font pleuvoir l'ardoife & la tuile à foison. Là fur une charette une poutre branlante Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente. 45 Six chevaux, attelez à ce fardeau pefant,

Ont peine à l'émouvoir fur le pavé glissant. D'un caroffe en tournant il accroche une rouë; Et du choc le renverfe en un grand tas de bouë: Quand un autre à l'inftant, s'efforçant de paffer, 50 Dans le même embarras fe vient embarraffer. Vingt carroffes bien-tôt arrivant à la file, Y font en moins de rien fuivis de plus de mille: Et pour furcroît de maux, un fort malencontreux Conduit en cet endroit un grand troupeau de bœufs.

Cha

foin d'être éclairci, j'en écrivis à l'Auteur, qui me répon lit ainfi par fa Lettre du s. de Mai 1709..... » Je ne fçai pas pour» quoi vous êtes en peine du fens de ce vers: Là je trouve » une croix, &c. puifque c'eft une chofe que dans tout Pa»ris & pueri fciunt, que les Couvreurs, quand ils font fur » le toit d'une maison, laiffent pendre du haut de cette mai»fon une croix de latte pour avertir les paffans de prendre » garde à eux, & de paffer vite ; Qu'il y en a quelquefois » des cinq ou fix dans une même rue; & que cela n'empêche » pas qu'il n'y ait fouvent des gens bleffez : C'est pourquoi » j'ai dit : Une croix de funeste préfage.... ÍMIT. Vers 43. Là fur une charrette, &c. ] Juvénal, sire III. v. 254.

....

Modo longa corufcat,

Sa

Sarraco veniente, abies, atque altera pinum
Plauftra vehunt, nutant altè, populóque minantur.

Et

55 Chacun prétend paffer : l'un mugit, l'autre jure,
Des mulets en fonnant augmentent le murmure.
Auffi-tôt cent chevaux dans la foule apellez,·
De l'embarras qui croît ferment les défilez,
Et par tout des Paffans enchaînant les brigades,
60 Au milieu de la paix font voir les barricades.

On n'entend que des cris pouffez confufément.
Dieu, pour s'y faire ouïr, tonneroit vainement,
Moi donc,qui dois fouvent en certain lieu me rendre,
Le jour déja baiffant, & qui fuis las d'attendre,
65
Ne fçachant plus tantôt à quel Saint me voüer,
Je me mets au hazard de me faire roüer.
Je faute vingt ruiffeaux, j'efquive, je me pouffe :
Guenaud fur fon cheval en paffant m'éclabouffe.

Et

Et Horace, parlant des mêmes embarras, L. II. Ep. IJ. 73.
Torquét nunc lapidem, nunc ingens machina tignum, &C.

VERS $4

Un grand troupeau de bœufs. ] L'ufage vicieux de quelques Provinces, où l'on prononce Baufs au pluriel, comme on le prononce au fingulier, m'oblige d'avertir que ce mot fe prononce, Beus; ainfi il rime avec Malencontreux, qui eft dans le vers précédent. On prononce auffi des Oeus, quoiqu'on écrive, Oeufs.

VERS 57. Auffi tot cent chevaux, &c.] Ce vers & les trois fuivans n'étoient pas dans la premiere édition, faite en

1666.

VERS 60. Font voir les barricades. ] L'Auteur défigne ici celles qui fe firent à Paris, au mois d'Août, 1648. pendant la guerre de la Fronde.

VBBS 68. Guenaud fur fon cheval, &c.] GUENAUD, fameux Médecin, dont il a été parlé dans la Satire IV. vers 32. On le voyoit fouvent à cheval, fur le pavé de Paris, & l'on difoit ordinairement : Guenaud & son cheval

[merged small][ocr errors]

Et n'ofant plus paroître en l'état où je fuis; 70 Sans fonger où je vais, je me fauve où je puis. Tandis que dans un coin en grondant je m'effuïe, Souvent, pour m'achever, il furvient une pluïe. On diroit que le Ciel, qui fe fond tout en eau, Veüille inonder ces lieux d'un déluge nouveau. 75 Pour traverfer la rue, au milieu de l'orage,

Un ais fur deux pavez forme un étroit paffage.
Le plus bardi Laquais n'y marche qu'en tremblant
Il faut pourtant paffer fur ce pont chancelant.

Et les nombreux torrens qui tombent des goutiéres, 80 Groffiffant les ruiffeaux, en ont fait des riviéres.: J'y paffe en trébuchant; mais malgré l'embarras, La fraïeur de la nuit précipite mes pas.

Car fi-tôt que du foir les ombres pacifiques

D'un

VERS 70. Sans fonger où je vais, je me fauve où je puis. ] Ce vers a de la conformité avec celui-ci, qui eft le dernier du Difcours au Roi

Je me fauve à la nage, & j'aborde où je puis.

VERS 73. On diroit que le Ciel...

Veuille inon

der, &c.] Veuille : bien des gens préferent, Veut.

IMIT. Vers 83. Car fi-tôt que du foir les ombres pacifiques, &c.] Juvenal, Satire 111. 302.

Nam qui fpoliet te

Non deerit: claufis domibus, poftquam omnis ubique

Fixa catenata filuit compago taberna.

Interdum & ferro fubitus graffator agit rem.

« PreviousContinue »